Objectif zéro déchet

LOUVAINS

Il nous inspire. Jérémie Pichon, ‘Monsieur’ zéro déchet, prône une démarche de sobriété contagieuse. L’université n’est pas en reste. Même si la taille d’une institution comme l’UCLouvain impose d’y aller à petits pas concertés, le mouvement est irréversible : gouvernance, étudiant·e·s, personnel, ont soif de changement. C’est vrai aussi à la KU Leuven… et dans les cabinets des ministres de l’environnement. Petite balade zéro déchet.

Changer de modèle économique

Après avoir travaillé 5 ans comme éducateur en environnement, Jérémie Pichon a passé une quinzaine d’années dans des ONG de protection de l’environnement. Connu comme ‘le père de la famille zéro déchet’ et fort de ses quasi 20 ans au service de l’écologie, Jérémie est aujourd’hui une référence de l’information et de la sensibilisation en la matière.

Avec ses livres et ses conférences, Jérémie Pichon veut aller à la rencontre des citoyens pour passer un message de changement et faire de l’éducation populaire, au sens premier du terme. Il était l'invité de la 2e édition de Move for Tomorrow, le rendez-vous automnal organisé par l'UCLouvain et La Libre Belgique.

L’économie circulaire est une illusion

« Je me déplace aussi dans de grandes entreprises. Mais j’y vais pour toucher les individus en tant que salariés. » Parce que « les grandes entreprises ne saborderont jamais elles-mêmes leur modèle économique ». Jérémie Pichon donne comme exemple l’industrie agroalimentaire qui produit à l’étranger et qui, pour des raisons de bonne conservation des aliments, génère un maximum d’emballages. « L’emballage est la clé de son business. Elle ne décidera pas de faire du zéro déchet. »

Le secret serait de sensibiliser les PME collectives, locales, coopératives, partagées, qui supprimeraient les grands transports, la consommation d’énergie excessive ou encore les emballages. « Je ne crois pas à la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ni à la croissance verte. Ce sont des illusions et des mensonges. On dit ‘continuez de consommer, on va tout recycler’. Mais c’est faux. » L’économie circulaire n’est pas la solution. « Il faut relocaliser et changer les modèles de production. En plus, ça créera de l’emploi. »

L'individu est la clé du changement

Par ses choix de vie, de consommation, par son implication citoyenne, l’individu incarne la capacité de changement. « En choisissant d’autres filières, en plaçant son argent dans des fonds solidaires, en refusant la grande distribution – le boycott est important –, le citoyen peut faire plein de choses à son niveau pour reprendre le contrôle en adoptant une démarche de sobriété. »

La logique de l’entreprise est celle du profit, pas une logique sociale ni environnementale. Les enjeux clés que sont l’énergie, l’eau, le transport, les déchets ou l’alimentation doivent être gérés localement pour mettre en place de nouveaux systèmes de production et de consommation. « La plupart des filières qui touchent à nos besoins primaires peuvent être recréées localement ou régionalement. »

Quid des universités ? Comment peuvent-elles se saisir du sujet ? « L’université peut être l’acteur grâce auquel les futurs travailleurs retrouveront leur autonomie, en leur expliquant comment bâtir une économie sociale et solidaire, en leur donnant l’envie d’évoluer vers d’autres types de société. » L’université peut donc être le moteur du changement et de la transition.

> www.famillezerodechet.com

Sabrina Gaspari
Social Media Editor


Les universités en transition

Les institutions comme les universités peuvent-elles jouer un rôle majeur dans la montée en puissance du zéro déchet ? Pour Marc Francaux, prorecteur en charge du développement durable et Président du Conseil du développement durable à l’UCLouvain, cela se joue sur deux axes majeurs : les aspects structurels et la formation des acteurs de demain.

Décider en étant pragmatique

En comptant les employés et les étudiants, ce sont près de 40 000 personnes qui sont présentes sur les 7 sites de l’UCLouvain. Pour tendre vers une gestion plus responsable de ses déchets, l’université agit à la fois sur les aspects structurels et les comportements.

Il faut donc prendre des décisions de gouvernance tout en tenant compte du comportement des consommateurs. « L’UCLouvain a par exemple décidé d’éliminer du catalogue de notre fournisseur principal de matériel tout ce qui est plastique à usage unique », explique Marc Francaux, « mais nous devons proposer des alternatives réalistes pour éviter que les responsables des achats ne détournent les dispositions. »

Dans ses activités de recherche, l’université produit des déchets contenant des échantillons biologiques ou chimiques qui peuvent être infectés et qu’il faut incinérer. « Une diminution de la production induirait une diminution des projets de recherche ou de moins bonnes conditions de sécurité pour les chercheurs. Ces déchets particuliers doivent répondre, et c’est tout à fait normal, à une série de normes strictes de l’État que nous ne maîtrisons pas. Une diminution de déchets est donc dans ce cas assez difficile. »

Former les spécialistes de demain

En matière de transition écologique, les universités ont une mission d’éducation et de développement de projets de recherche, tant technologiques que sociétaux, qui peuvent contribuer au changement. À titre d'exemple, l'UCLouvain organise depuis plusieurs années une mineure en développement durable accessible à tous les étudiants inscrits en bachelier. « Plus qu’une exemplarité, les universités doivent former ceux qui développeront les technologies de demain ». S.G.

> uclouvain.be/developpement-durable

7 bulles à verre de 300 litres sont installées sur le site de Louvain-la-Neuve, soit une capacité d’environ 80 bouteilles. Leurs spécificités ? De petite taille, elles sont placées à l’intérieur des bâtiments et destinées à recueillir le verre alimentaire des employés. Si l’expérience est concluante, le dispositif sera étendu aux autres sites de l’UCLouvain.

Un conseil de la KU Leuven ? Associer personnel et étudiants au débat

Réduire les émissions de CO2 de 20 % dans les 10 ans à venir ; permettre aux membres du personnel d’enfourcher quotidiennement un vélo électrique pour un montant dérisoire ; inciter ceux qui recourent à l’avion à cotiser à un fonds pour la durabilité ; multiplier les fontaines à eau ; sensibiliser tous les étudiants à l’importance du développement durable : tels sont les points forts du plan qui fera de la KU Leuven une université durable. « Pour le moment, l’impact de ces actions reste limité », reconnait le Pr Gerard Govers, vice-recteur en charge de cette matière. « Mais cette préoccupation est très importante pour l’image que l’on renvoie à l’international. »

Certaines actions suscitent parfois des discussions. « Des chercheurs me disent qu’ils ne peuvent pas compenser les déplacements en avion sur le budget d’un projet de recherche. Notre objectif sera de décider, après discussion avec les Facultés, ce que nous voulons continuer à faire ou pas. »

Actuellement, la politique durable de la KU Leuven représente un investissement de 250 000 €, ce qui inclut 2,3 collaborateurs, dont une personne employée à mi-temps au Green Office, le bureau chargé de développer des actions par et pour les étudiants.

Un conseil à donner à l’université soeur, l’UCLouvain ? « Il faut bien entendu tenir compte des spécificités propres à chaque université, avance Gerard Govers, mais la priorité pour moi est de donner la possibilité aux membres du personnel et aux étudiants de débattre à propos de la politique à mener. » D.H.

> https://nieuws.kuleuven.be/nl/2018/beleidsplan-duurzaamheid#gerelateerd


Noël en Antarctique

Hugues Goosse est climatologue à l’UCLouvain et coordinateur du projet MASS2ANT : avec six membres de plusieurs universités belges et étrangères, il est en Antarctique pour mieux comprendre les chutes de neige et leur accumulation à la surface de la calotte de glace. Saviez-vous que cette mission était zéro déchet ? Explications.

Le traité Antarctique prévoit de limiter au strict minimum les perturbations de l’environnement dues aux activités humaines. Aucun déchet ne peut être laissé sur place au risque d’être congelé et de rester intact pour des siècles. Tout doit donc être ramené.

Les eaux usées doivent elles aussi être stockées, comme les résidus des toilettes sèches. À la base Princesse Élisabeth, les eaux usées sont traitées via un bioréacteur exigeant d’utiliser des shampoings et savons spéciaux, ceux du commerce risquant de perturber son fonctionnement. S.G.

> Suivez le quotidien de l’équipe MASS2ANT sur : www.bel-antar2018.be


Vivre le zéro déchet en kot ?

Un frigo rempli de soupes, oeufs frais, pain maison, légumes de saison… Midi et soir au kot-à-projet dénommé le ‘Kap Vert’, à Louvain-la-Neuve, les cokotteurs partagent un repas sain, local et… zéro déchet. Pour Lara qui l’a rejoint cette année, ce n’est pas si difficile de s’y mettre, même avec un budget serré et un rythme de vie d’étudiant. Cuisiner ensemble les produits achetés en vrac et choisis avec soin, ce n’est plus la ‘corvée du souper commun’, mais un moment de partage ludique.

Manger bio, végé et zéro déchet, c’est tendance chez les étudiants. La preuve ? Le succès du ‘Banquet du Kap Vert’ qui a réuni plus de 100 gourmets. Au menu : tartinades de pois chiches grillés, velouté potiranesque, dorure de légumes, évanescence d’igloo, spleen de spécu… on est loin des durums, fricadelles et autres stéréotypes sur la gastronomie étudiante !

Au Kot Oasis, la réduction des déchets s’inscrit dans une démarche plus globale. « Nous souhaitons être acteurs de notre vie, privilégier l’être à l’avoir » explique Marie, vice-présidente du Kot Oasis. « Cela passe par la prise de conscience de la façon dont nous vivons, dont nous posons nos choix, et par une réflexion sur le mode de vie que nous voulons. Celle-ci doit déboucher sur des actions : à Louvain-la-Neuve, nous organisons des événements de partage autour de valeurs centrées sur l’humain. Notre projet rejoint globalement la simplicité volontaire à l’échelle de l’individu, et l’arrêt de la croissance à tout prix au niveau de la société. »

À Louvain-La-Neuve, les 8 kots-à-projets éco-responsables (Kot Planète Terre, Kot Oxfam, Kap Vert, Dévlop’Kot, Kout’Pouce, Oasis, Kap sur l’avenir et Dépakot) s’investissent tous à des degrés divers dans cette démarche zéro déchet. Ensemble, ils ont créé le projet Cap Transition, qui promeut l’anti-gaspi, le home-made, la simplicité volontaire, au travers d’ateliers, conférences, projections et rencontres.

À Mons, le Nutrikot a créé son compost et réduit ses déchets, le Kaptain Planet à Bruxelles Woluwe souffle le vert sur le campus de l’Alma. Bref, les étudiants nous ouvrent la voie… cap de s’y mettre ?

Aline Aulit

Ateliers zéro déchet, défilé alternatif, point de collecte de vêtements, repair café, Musée du capitalisme , animations de sensibilisation, rencontres et débats…: du 11 au 15 mars 2019, au coeur de Louvain-la-Neuve, les kots à projets engagés dans le développement durable vous proposent CAP TRANSITION, un festival citoyen pour construire ensemble le monde de demain. > uclouvain.be/cap-transition-2019

Des ministres zéro déchet

Au Cabinet de Carlo Di Antonio, ministre wallon de l’Environnement et de la Transition écologique, de bons réflexes sont déjà en place. « Nous n’utilisons que des bouteilles en verre et nous achetons le café en vrac, comme beaucoup de fournitures, pour éviter les emballages inutiles ». La consommation de plastiques jetables est évitée grâce à la mise à disposition de vaisselle. « Nous sommes nombreux à apporter un lunch maison au bureau », ce qui limite les emballages de sandwiches ou plats à emporter.

Et pour le papier ? « Toutes nos imprimantes sont paramétrées pour limiter le gaspillage : impression par défaut en recto-verso et noir et blanc, sur du papier recyclé. ». Tout déchet qui n’a pu être évité sera jeté… dans l’une des poubelles de tri qui équipent les bureaux. S.G.

Chez Céline Fremault, ministre bruxelloise de l’Environnement, les actions zéro déchet imprègnent la vie du cabinet. Les photocopies sont bannies au profit de la dématérialisation des tâches quotidiennes et le personnel bénéficie de sessions d’info sur le zéro déchet ou les produits d’entretien à faire soi-même. Fontaines d’eau, composteurs pour les déchets organiques, collecte des bouchons et mise à disposition de boîtes pour transporter les plats à emporter complètent la liste des mesures. Le cadeau de fin d’année ? Une gourde thermique et un emballage pour sandwiches réutilisable. « Diminuer son empreinte sur l’environnement, manger plus sainement, réduire ses dépenses et développer son autonomie : la formule est gagnante pour tous les citoyens », souligne la Ministre. D.H.

Crédits photos : Alexis Haulot, Photokot, Charlène Vanden Heede

Article paru dans le Louvain[s] de décembre 2018-janvier-février 2019