La ruralité vue par ses autrices et ses auteurs

CRI

10 mai 2022

18h - 20h

Louvain-la-Neuve

C.211

Affiche

Depuis plusieurs années, les médias rendent compte d’une crise mondiale qui touche à une réalité devenue de plus en plus prioritaire : la Nature. Réchauffement climatique, pollution, érosion des terres, appauvrissement des sols, déforestation, épuisement de la biodiversité… Autant de causes et d’effets qui préoccupent un nombre de plus en plus important de savants comme de citoyens lambdas, de jeunes et de moins jeunes, en Europe et ailleurs. Mais qu’en est-il de cette crise quand on se focalise sur cette Nature particulière qu’est la campagne ?

En France, qui s’est intensément mise à l’heure d’une autre « campagne », celle de l’élection présidentielle d’avril 2022, le thème de la ruralité retient à l’occasion l’attention des candidats. Il est par exemple au programme de Valérie Pécresse, avec ceux de l’écologie et de la famille, mais après les questions régaliennes de l’immigration, la sécurité et la décentralisation (Le Monde, 24 décembre 2021, p. 10 et 15 janvier 2022, p. 13).

En littérature, le discours longtemps dominant de l’autotélisme est désormais concurrencé par la pratique de son contraire, la transitivité, qui la remet en contact avec la réalité sociale. On observe une volonté nouvelle de responsabiliser la chose qui s’écrit ou – pour reprendre les mots de Gisèle Sapiro – « une repolitisation de la littérature contemporaine, fondée sur la dénaturalisation de l’ordre établi et le pouvoir de faire entendre le point de vue des “sans voix” » (Esprit, n°476, juillet-août 2021, p. 107). Du côté des études littéraires, Jean-Marie Schaeffer encourageait, il y a déjà plus de dix ans, à construire une conception différente et alternative du littéraire, à laquelle s’attachaient déjà, à ses marges, les études féministes, postcoloniales et autres cultural studies (Petite écologie des études littéraires, 2011, p. 36).

Mais cette ouverture au monde paraît avoir échappé à la réalité des campagnes. Pour Fabien Gris, sans être totalement absent, le monde paysan est peu représenté dans la littérature contemporaine (« Littérature contemporaine et travail agricole : interroger une invisibilité », Presses Sorbonne Nouvelle, 2016). Cette discrétion est encore de circonstance lorsque Dominique Viart et Bruno Vercier font le point sur l’écriture du réel dans la littérature de la fin du XXe siècle (La littérature française au présent, Bordas, 2008 : 2 pages consacrées à la littérarisation du monde rural, sur les 30 pages du chapitre). L’attitude de la candidate Pécresse peut nous mettre sur la voie d’une explication : la ruralité intéresse… mais après avoir réglé des questions plus essentielles. Mais il n’y a pas que la politique qui ferait preuve de retenue à l’égard de la thématique rurale : le champ social et le champ des médias se font rarement l’écho de la situation de l’agriculteur. Cela étant, depuis deux ans – covid oblige – , la conscience paysanne du grand public semble s’être réveillée. À défaut de pouvoir sociabiliser leur vie comme on l’entendait avant cette crise sanitaire, elle aussi mondiale, les citoyens des villes (plus nombreux que ceux des champs) se sont montrés davantage attentifs au bien manger, en usant des circuits courts qui favorisent le paysan de proximité ; ils ont aussi souvent décidé de changer d’air, en privilégiant celui, plus pur, de la campagne, le temps d’un weekend ou parfois même pour y refaire leur vie.

Ces dernières circonstances nous invitent à relancer l’enquête. Qu’en est-il dans le roman d’aujourd’hui ? Quelques titres ont fait l’actualité littéraire ces trois dernières années : Histoire du fils, de Marie-Hélène Lafon (Prix Renaudot 2020), Nature humaine, de Serge Joncour (Prix Fémina 2020) ou plus récemment Une bête au paradis, de Cécile Coulon (Prix des lecteurs du Livre de Poche, sélection 2021). En ce début de XXIe siècle, la bande dessinée n’est pas en reste ; avec des intentions différentes, il y a par exemple Rural ! d’Etienne Davodeau (2001) ou au Le retour à la terre de Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri (2012 et 2020). Avec ces deux derniers titres, nous avons élargi la perspective formelle aux fictions qui associent l’image au texte. Pour garantir l’originalité des réflexions qui seront programmées dans ce colloque, nous ouvrons également les corpus aux productions pour la jeunesse, qu’elles relèvent du roman, du conte, de la bande dessinée ou de l’album pour enfants. Dans un même souci de distinction, deux paramètres vont cette fois restreindre la sélection des corpus : une origine linguistique francophone (Belgique et France) et une année d’édition située entre 1945 et 2020, c’est-à-dire ce dernier trois quarts de siècle qui a vu le monde agricole expérimenter une nouvelle crise économique et sociale due à l’industrialisation, l’intensification des cultures et la financiarisation des biens agricoles (Fabien Gris, p. 2).

Différentes perspectives de recherche peuvent être envisagées :

  • Les auteurs de la ruralité (romanciers, romanciers pour la jeunesse, auteurs de bande dessinée tous publics confondus, d’album pour enfants ou de contes).
  • Les lieux de la ruralité (ses régions, ses paysages, ses activités, ses habitats et ses habitants – hommes et animaux, ses langues).
  • Les fonctions de la ruralité dans le récit de fiction (simple décor, acteur ou repoussoir du récit, impliquée dans un projet de représentation du réel ou de problématisation de mondes possibles ?).
  • Les langages pour rendre compte de la ruralité (qu’en est-il de la « parole » paysanne ? Comment dialogue-t-elle avec l’image lorsqu’elle la côtoie ? Et cette image, comment met-elle en scène – narre-t-elle – la ruralité ?).
  • Les imaginaires de la ruralité (idéalisés ou désidéalisés, stigmatisés, engagés, mélancoliques).
  • L’influence, différenciée ou pas, de l’identité du destinataire, adulte ou jeune, sur le traitement de la thématique.

Comité organisateur

  • Maaheen Ahmed (UGent)
  • Luc Courtois (UCLouvain)
  • Laurent Déom (ULille-UCLouvain)
  • Benoît Glaude (UGent)
  • Sabrina Messing (ULille)
  • Jean-Louis Tilleuil (UCLouvain-ULille)

Comité scientifique

  • Jan Baetens (KULeuven)
  • Philippe Delisle (Ulyon)
  • Sylvain Lesage (ULille)
  • Christophe Meunier (UOrléans)
  • Fabrice Preyat (ULB)
  • Tomasz Swoboda (UGdansk)

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