- Recherche fondamentale
- Recherche instrumentale
- Synergies recherche - pratique
- Nouvelles thématiques de recherche
- Recherche appliquée
- Liste de nos recherches
Recherche fondamentale
Les recherches se situent principalement dans les champs de la psychologie du développement, de la psychopathologie du développement et de la psychologie de l'éducation et de l’orthopédagogie. Des liens sont également établis avec des travaux en psychologie de la santé.
De nouveaux modèles théoriques ont été conçus par la Professeure Nathalie Nader-Grosbois, pour fonder des cadres conceptuels et heuristiques sur lesquels se basent les travaux empiriques menés dans l’équipe.
Les travaux concernent des personnes, de tout âge de la vie, présentant
- diverses situations de handicap, des déficiences intellectuelles, sensorielles, motrices
- des syndromes génétiques
- des troubles de développement, comme les troubles du spectre de l’autisme
- des troubles du comportement, de type internalisés (isolement, retrait, anxiété) et externalisés (agressivité, intolérance, agitation, opposition)
- diverses situations de vulnérabilité (liée à un milieu socioéconomique ou socio-culturel, des situations de vie ou de conditions de naissances difficiles comme la prématurité, des négligences ou maltraitances…)
ainsi que des personnes présentant un développement typique.
Ils visent à une connaissance approfondie du fonctionnement psychologique, du développement dans les domaines cognitifs, communicatifs, émotionnels, sociaux et des stratégies d'apprentissage et de capacités propices à leur inclusion de ces personnes. Ils s’orientent vers une compréhension de leur bien-être psychologique, de leur qualité de vie, de leur autorégulation et leur autodétermination.
Pour ces différentes cibles de recherche, les travaux considèrent les facteurs de risque et de protection, individuels et environnementaux, ainsi que les variabilités inter- et intra-individuelles.
Ces travaux s’intéressent également aux personnes de l’entourage des différents milieux de vie :
- la famille, dont les parents, la fratrie, les autres membres proches
- l’école, de la maternelle au secondaire, ordinaire ou spécialisée, dont les enseignants, les autres élèves
- les milieux psychoéducatifs et parascolaires
- les milieux de loisirs, d’activités…
Les recherches menées se traduisent, selon des approches quantitatives et qualitatives, sous forme d’études transversales et d’études longitudinales par l’analyse de trajectoires, ainsi que d’études expérimentales. Elles se penchent sur une seule population ou elles comparent une population atypique à une population typique, ou encore des populations présentant des troubles ou syndromes distincts.
Recherche instrumentale
Ces priorités concernent également l’amélioration des processus d’évaluation diagnostique, fonctionnelle et développementale, par
- la création de nouveaux instruments, de questionnaires et de dispositifs avec grilles d’observation
- l’adaptation d'outils d'observation et d'évaluation et de questionnaires développés récemment
Synergies recherche - pratique
Ce développement d'échanges se réalisent par :
- la participation à des journées d'études organisées par des Associations de parents, de famille et de professionnels concernés directement par les problématiques des personnes en situation de handicap ou d’enfants et d’adolescents présentant des troubles de développement
- des rencontres ou des groupes de travail entre des équipes universitaires et des professionnels visant à développer des travaux communs de recherche répondant au mieux à certaines attentes du terrain
- l’organisation de journées d’études et de colloques nationaux et internationaux avec des thématiques directement liées à des questions de terrain, des ateliers illustrant de nouvelles méthodes d’évaluation et d’intervention
- le partenariat étroit entre chercheurs, praticiens et familles, lors de travaux de recherche menés sur le terrain
- des formations continues de professionnels ‘à la demande’, en relation avec les thèmes de recherche, des instruments récents d’évaluation et de nouveaux programmes d’intervention ‘Evidence Based’
Nouvelles thématiques de recherche
Ces thématiques s’inscrivent dans des projets de recherche qui ont débuté récemment dans l’équipe en s’appuyant sur des travaux menés dans le cadre de la Chaire, en collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux. Ces thématiques peuvent être l’objet de nouveaux projets de thèses ou de post-doctorats.
Etudes sur les bébés
- Réactivité émotionnelle, empathie et communication sociale chez des bébés tout-venant, nés à terme, prématurés, à risque et présentant une trisomie 21 et facteurs de protection et de risque individuels et familiaux : études comparatives transversales, études longitudinales de trajectoires et études quasi-expérimentales avec groupe expérimental bénéficiant d’un entraînement de ces compétences précoces et groupe contrôle
- Prémices de la Théorie de l’esprit chez les bébés tout-venant, nés à terme, prématurés, à risque et présentant une trisomie 21 et compétences en cognition sociale en début d’âge préscolaire
Etudes sur des enfants de niveau développemental préscolaire à primoscolaire
- Comment la socialisation parentale des émotions, des états mentaux et de résolution de problèmes socio-émotionnels opère dans différentes cultures, et quels sont les liens avec les compétences socio-émotionnelles d’enfants tout-venant et avec troubles de développement, troubles du spectre de l’autisme ou troubles du comportement ?
- Stimuler les compétences socio-émotionnelles et des fonctions exécutives de façon combinée, pour promouvoir l’adaptation sociale d’enfants avec troubles de développement : études expérimentales testant un entraînement en milieu préscolaire et primoscolaire et études expérimentales testant un entraînement des compétences parentales à socialiser les émotions et les états mentaux
- Profils de compétences en cognition sociale et en régulation émotionnelle d’enfants présentant une déficience auditive en lien avec leurs modes de communication : études comparatives, transversales
- INEMO KIDSCHOOL : Impact d’une stimulation des fonctions exécutives et des compétences socio-émotionnelles en classes maternelles et début primaires sur le comportement, l’adaptation sociale et les compétences scolaires
Etudes instrumentales
- Adaptation d’un dispositif observationnel inspiré du ‘Still Face paradigm’ et conception d’une grille d’analyse pour évaluer la régulation socio-émotionnelle entre le jeune enfant, ses parents et des adultes non familiers, et validation auprès de jeunes enfants tout-venant et présentant des troubles de développement
- Validation d’un dispositif observationnel et d’une grille d’analyse des comportements parentaux de socialisation des émotions, des états mentaux et de la résolution de problèmes socio-émotionnels, pour des dyades parents-enfants tout-venant et présentant des troubles de développement
- Validation de la version francophone du questionnaire ‘Matson Evaluation of Social Skills with Youngsters’ (MESSY), évaluant les compétences sociales et les inadaptations sociales
Recherche appliquée
Elles veillent également à l’amélioration des pratiques de prévention et d’intervention par
- l'optimisation de méthodes d'intervention psychoéducative et psychosociale dont ces personnes sont les bénéficiaires,
- l’analyse de la littérature relative à l’entraînement et à des programmes d’intervention ‘Evidencebased’,
- la conception et la vérification de l’efficacité de nouveaux entraînements et programmes d’intervention à objectifs spécifiques à l’égard des jeunes enfants, enfants et adolescents, ainsi qu’à l’égard des personnes de l’entourage, les parents, les enseignants.
Liste de nos recherches :
Cognition précoce
Concepts
L’intelligence et la cognition en petite enfance est alimentée par les informations provenant des sensorielles des cinq sens (vision, audition, odorat, toucher, goût) et proprioceptives.
C’est par des comportements moteurs observables que le jeune enfant manifeste comment il active ses capacités intellectuelles et cognitives. Ses capacités motrices, appuyées par le traitement de ses perceptions sensorielles, façonnent ses possibilités d’exploration et de prise de connaissance de l’environnement et des objets.
Intérêt
Au cours de la grossesse, lors de la naissance ou en période périnatale, des facteurs de risque d’ordre génétique, physiologique, environnementaux, familiaux divers peuvent affecter le développement des compétences cognitives précoces. Les professionnels de la petite enfance, de services d’aide précoce ainsi que les parents eux-mêmes peuvent être préoccupés à propos du développement d’un bébé et ils peuvent soupçonner un retard ou une difficulté chez celui-ci. Pour explorer la situation, voire émettre un diagnostic de retard de développement cognitif, il est indispensable de connaître précisément les repères de développement avérés par la littérature scientifique et d’utiliser des baby-tests ou échelles développementales. La progression d’un tout jeune enfant tout-venant ou avec retard ou troubles de développement, peut être appréciée au moyen de ces échelles développementales en comparant les profils de compétences cognitives dans des domaines distincts à différents âges. Ces profils peuvent guider l’intervention précoce, selon les forces et faiblesses de l’enfant.
Questions
- Comment se développent les compétences cognitives précoces ?
- Y-a-t-il un retard ou des déficits dans le développement cognitif d’enfants ayant des déficiences ?
- Comment les jeunes enfants résolvent-ils des problèmes cognitifs dans différents domaines, en l’occurrence la permanence de l’objet, les moyens pour atteindre un but, l’imitation vocale, l’imitation gestuelle, la causalité, les relations spatiales, les schèmes de relation aux objets ?
- Quels sont les processus d’évaluation et les outils qui permettent d’examiner finement les profils de compétences cognitives précoces et d’identifier les forces,
les retards ou les déficits ? - Sur base des profils de compétences cognitives, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez les bébés à développement typique
- Chez de jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
Evaluation
Selon les attentes des psychologues, dans la pratique et la recherche, il est nécessaire de disposer d’un instrument aidant
- au diagnostic
- à objectiver des observations
- à orienter les interventions
- à comparer à des normes de développement
- au pronostic, à la prédictibilité de capacités ultérieures
- à l’investigation du développement cognitif précoce
- à identifier les variabilités inter- et intra-individuelles
- à évaluer les capacités dans plusieurs domaines
- à analyser les stratégies de résolution de problèmes
Les psychologues ont besoin d’instruments ou d’échelles :
- fiables pour identifier des profils développementaux d’enfants à retards et troubles de développement
- applicables à ces enfants difficilement évaluables par des baby-tests classiques
- permettant d’identifier le répertoire de ces enfants, au-delà de leurs déficits
- donnant des résultats à expressions multiples (des scores, le niveau et l’âge de développement, des profils dans différents domaines cognitifs)
- utiles pour élaborer des projets thérapeutiques et psychoéducatifs individuels et de groupe, appropriés
Les baby-tests classiques et les échelles néopiagétiens sont présentés dans l’ouvrage ‘Développement cognitif et communicatif du jeune enfant’ par Nader-Grosbois (2014, chapitre 3, pp. 75-102).
Pour explorer ces questions à propos des jeunes enfants et pour les évaluer dans des services de la ou d’aide précoce, des échelles néopiagétiennes, ordinales ont été conçues, dont :
- les ‘Échelles d’Évaluation du Développement Cognitif Précoce : manuel illustré d’administration’ (EEDCP, Nader-Grosbois, 2009a), à partir de la traduction et de la complétion des Infant Psychological Development Scales (IPDS, Uzgiris & Hunt, 1975) et des apports de Dunst (1980).
Les EEDCP évalue les sept domaines suivants :
- La permanence de l’objet
- Les moyens pour atteindre un but
- L’imitation vocale
- L’imitation gestuelle
- Les relations de causes à effet
- Les relations spatiales
- Les schèmes de relation aux objets
Les EEDCP se fonde sur l’évolution de l’intelligence sensori-motrice à travers six sous-stades :
- Stade I : exercices des réflexes (0-1 mois)
- Stade II : premières habitudes ou adaptations acquises (1-4 mois)
- Stade III : premières conduites intentionnelles simples (4-9 mois)
- Stade IV : premières combinaisons d’actions, de schèmes secondaires en situation nouvelle (9-11 mois)
- Stade V : tâtonnements, apprentissages par essais-erreurs (11-18 mois)
- Stade VI : invention et début de représentation des conduites (19-24 mois).
Chaque échelle comprend une série de situations inductrices à mettre en place afin d’induire des réponses comportementales de la part de l’enfant.
Pour chaque échelle, le protocole prévoit les différentes réponses possibles pour chaque situation inductrice. Certaines réponses correspondent à des actions critiques ou échelons (ou comportements témoignant de repères développementaux avérés), d’autres réponses sont considérées comme des actions non critiques. Les échelons correspondant aux comportements ‘optimaux’ témoignent de la réalisation d’un certain niveau développemental relevant d’un stade sensori-moteur dans le domaine concerné.
Par ce protocole, les résultats sont exprimés pour chaque échelle de domaine :
- en échelon optimal
- en stade sensori-moteur
- en âge approximatif de développement (ADA)
- en score de déviation (différence entre l’âge chronologique et l’âge de développement
approximatif), permettant d’apprécier le retard potentiel dans un domaine.
On peut également établir pour l’ensemble des sept échelles :
- un stade sensori-moteur modal
- un âge de développement approximatif moyen
- un score de déviation moyen
- un profil de développement, permettant d’identifier les forces et faiblesses
selon les domaines de développement cognitif.
Un ‘Manuel illustré d’administration’ (Nader-Grosbois, 2009a) présente les situations inductrices à mettre en place pour chaque échelle, et les actions critiques attendues par l’enfant. Elles sont illustrées par des dessins présentés en séquences. Pour chaque situation inductrice, sont précisés la position de l’enfant, les comportements de l’examinateur, les objets, le nombre de présentations de la situation.
Les EEDCP sont adaptées pour l’évaluation d’enfants avec déficiences (intellectuelles, sensorielles, polyhandicap) et des troubles de développement (dont les troubles du spectre de l’autisme) vu leur souplesse d’administration, la possibilité d’observer des stratégies précoces de résolution de problèmes cognitifs et l’identification d’acquisitions émergentes (Nader-Grosbois, 2009, 2014a, p. 102). Ces échelles ont été utilisées dans des études publiées sous forme d’articles et de chapitres d’ouvrages.
La ‘Batterie d’Évaluation Cognitive et Sociale’ (BECS, Adrien, 1996, 2007, 2008) est également intéressante pour évaluer le développement cognitif de jeunes enfants à développement atypique, dont avec déficience intellectuelle et troubles du spectre de l’autisme. Plusieurs publications le montrent.
Selon une approche des compétences cognitives précoces, plus spécifiques, une série de travaux expérimentaux mettent en lumière et affinent les connaissances à propos de la façon dont celles-ci opèrent dans des situations très précises, dont les travaux de Lécuyer (1995, 1999, 2014). Ces dispositifs permettent d’affiner encore l’observation des bébés.
Coupler une approche développementale et des stratégies cognitives spécifiques (y compris d’autorégulation précoce) fait partie des démarches scientifiques de la Professeure Nathalie Nader-Grosbois.
Intervention
Des programmes d’intervention précoce du développement cognitif se sont inspirés des modèles néopiagétiens soit en se basant sur la progression hiérarchique des acquisitions, soit en s’inspirant des méthodes néopiagétiennes et néoconstructivistes facilitant du développement cognitif.
Communication précoce
Concepts
Sur base des conceptualisations à propos de la Genèse des processus communicatifs (dont celles de Trevarthen, 1977, 1979, Butherworth et al., 1980, 1990…), des travaux empiriques ont étudiés chez le jeune enfant
- les transitions de l’interaction à l’intention communicative: l’intersubjectivité, la conventionnalisation des actes communicatifs
- le partage des émotions, des actions et des connaissances avec l’adulte
- l’apprentissage du langage, comment ‘faire des choses avec les mots’ ?
Des théories pragmatiques se sont développées pour expliquer la continuité fonctionnelle entre la communication sociale précoce et le langage, dont celles de
- Bruner (1975, 1977, 1978, 1983), à propos des routines et des scénarios interactifs
- Bates et al. (1975, 1979), à propos des proto-déclaratifs et des proto-impératifs
Des théories sur le développement cognitif en lien avec la communication ont également apporté leur éclairage, dont celles de néopiagétiens et de Fischer (1980).
Intérêt
Apprécier les particularités communicatives précoces, dans des contextes variés avec des personnes familières et non familières, avec ou sans objet, peuvent éclairer les psychologues, les logopèdes et les parents des jeunes enfants pour mieux adapter leur communication et langage à leur égard.
Dépister les éventuels retard ou déficits de la communication précoce et repérer les forces, permet de prévenir et d’intervenir le plus tôt possible pour diminuer les risques d’aggravation des difficultés communicatives. Les profils de communication obtenus à partir des niveaux atteints pour l’attention conjointe, l’interaction sociale, la régulation de comportement, et pour les trois rôles communicatifs, peuvent aider à orienter l’intervention.
Connaître les spécificités de la communication précoce d’enfants présentant différentes déficiences et des retards ou troubles de développement, à partir de travaux scientifiques, peut éclairer les professionnels également pour adapter l’intervention et accompagner les parents comme partenaires de cette communication.
Des liens entre la qualité de la communication et le développement cognitif, émotionnel, social, langagier ont été mis en exergue par de nombreux travaux scientifiques, d’où l’importance de l’examiner de façon approfondie.
Questions
- Comment se développent les compétences communicatives précoces, préverbales et primo-verbales, selon une approche pragmatique ?
- Y-a-t-il un retard ou des déficits dans le développement communicatif d’enfants ayant des déficiences ?
- Quels sont les profils particuliers des fonctions communicatives relevant de l’attention conjointe, de l’interaction sociale, de la régulation de comportement ?
- Comment les rôles communicatifs de réponse, d’initiation et de maintien se manifestent-ils ?
- Comment repérer les forces et faiblesses de la communication précoce ?
- Comment les compétences cognitives et communicatives précoces sont-elles liées ?
- Sur base des profils communicatifs, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez les bébés à développement typique
- Chez de jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
Evaluation
Plusieurs lacunes ont été émises à propos des tests classiques de langage (Olswang, Stoel-Gammon, Coggins et Carpenter, 1987), a fortiori pour évaluer des jeunes enfants à développement atypique, qui n’utilisent pas encore le langage, dont :
- le nombre limité d'items reflétant les conceptions récentes quant aux relations entre acquisition du langage et développement cognitivo-social
- Les comportements évalués ne reflètent pas réellement des séquences hiérarchiques éprouvées, mettant en relation un comportement précoce à un comportement ultérieur
- la difficulté d'interpréter les résultats pour les traduire en procédures cliniques et éducatives efficaces;
- la rigidité des procédures d'administration;
- le manque de "profondeur" dans l'évaluation des prérequis et des formes linguistiques précoces, critiques pour l'acquisition du langage.
Or, l'évaluation fine des capacités communicatives d'enfants âgés de < 2 ans, à troubles de développement, est indispensable à toute équipe d'intervention. L'approche adéquate des troubles communicatifs pour certaines pathologies (telles l’autisme, le retard mental) contribue aux investigations en vue du diagnostic et de l'élaboration du projet d'intervention individualisé (Adrien, 1993).
L’approche pragmatique de la communication précoce a des implications fondamentales pour l’évaluation et l’intervention (Seibert & Oller, 1981)
- Elle change le contenu des évaluations du langage, en évaluant les fonctions communicatives que l'enfant exprime
- Elle change le processus d'évaluation du langage, en induisant l’initiation, la réponse et le maintien d’actes communicatifs de la part de l'enfant
- Organisé en séquences hiérarchiques développementales, un outil pragmatique permet d'établir un reflet des capacités d'un enfant pour une série de situations et de fonctions communicatives, ainsi que de l'organisation de ces capacités entre elles
- Elle oriente l'intervention, non pas vers l'apprentissage de comportements communicatifs très définis à produire dans des situations limitées, mais vers la facilitation de l'usage de stratégies significatives pragmatiquement, de fonctions communicatives opérantes en contexte social et généralisables
Selon cette approche pragmatique, des outils d’évaluation de la communication sociale précoce ont été conçus. Parmi ces outils, figurent les Early Social Communication Scales (ESCS, Seibert & Hogan, 1982), qui ont été traduites et validées en français par Nader-Grosbois (2014a), sous la forme d’une grille d’observation. Une version standardisée et validée a également été mise au point en France, ‘Évaluer la Communication Sociale Précoce’ (ECSP, Guidetti & Tourrette, 1993).
Les ESCS et ECSP intègrent les trois fonctions communicatives :
- l’attention conjointe
- l’interaction sociale
- la régulation de comportement
Les trois rôles pouvant être pris par l’enfant, considérés par les ESCS et ECSP sont :
- la réponse
- l’initiation
- le maintien
La progression de la communication sociale précoce est déclinée, dans les ESCS en plusieurs niveaux :
- niveau simple volontaire, de 3 à 7 mois : l’intentionnalité est indifférenciée
- niveau complexe différencié, de 8 à 14 mois : l’intentionnalité se différencie
- niveau conventionnel gestuel, de 14 à 21 mois : les gestes se conventionnalisent
- niveau conventionnel verbal, de 14 à 21 mois : les actes vocaux se conventionnalisent
- niveau symbolique, de 21 à 24 mois : l’usage de combinaisons de mots et d’actes symbolique
Intervention
De nombreux programmes d’intervention ont été développés pour aider les enfants à développer leurs compétences communicatives et pour former les parents à être plus compétents comme partenaires de la communication et de l’interaction sociale avec leurs enfants. Une recension des programmes d’intervention entraînant la communication est proposée dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ (Nader-Grosbois, 2016) pour des enfants en période précoce et préscolaire et leurs parents (chapitre 5, pp.104-112, pp. 148-152) et spécifiquement pour des enfants présentant :
- une déficience intellectuelle (chapitre 7, pp. 264-265)
- des troubles du spectre de l’autisme (chapitre 8, pp. 339-346)
- des troubles du comportement (chapitre 9, pp. 405-407)
- une déficience auditive (chapitre 10, pp. 481-488)
- une déficience visuelle (chapitre 11, pp. 508-510)
Communication alternative et améliorée (CAA)
https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/ipsy/rapports-de-recherche-0.html
Expression et régulation des émotions
Concepts
Eisenberg, Cumberland et Spinrad (1998, p.242) définissent les compétences émotionnelles comme « la compréhension de ses propres émotions et celles d’autrui, la tendance à exprimer ses émotions d’une façon appropriée selon la situation et la culture, et la capacité à inhiber ou moduler ses émotions en vue d’adapter son comportement pour atteindre ses buts d’une façon acceptable socialement ».
Lorsqu’on s’intéresse aux compétences émotionnelles des enfants, on distingue le développement de la reconnaissance des émotions, de l’expression émotionnelle, de la régulation émotionnelle et de la compréhension des émotions.
Pour reconnaître des émotions d’autres personnes, l’enfant doit être capable de traiter la façon dont elles expriment les émotions de façon non verbale, par les mouvements du visage, le regard, les gestes, les postures et de façon verbale, par ce qu’elles disent, la voix, l’intonation utilisée, etc.
Pour exprimer des émotions, l’enfant va découvrir au fil de ses expériences, comment manifester de façon non verbale (ses expressions faciales, gestuelles, sa posture) et verbale, ce qu’il ressent dans différentes situations. Selon son niveau de développement cognitif et communicatif, sa compréhension des situations, et les personnes avec lesquelles il interagit, l’enfant va progressivement adapter la façon dont il exprime ses émotions négatives et positives.
En fonction des situations que l’enfant vit, il est amené à réguler ses émotions pour s’adapter socialement. Lorsqu’il est frustré, parce qu’il n’obtient pas ce qu’il veut, ou doit attendre, il doit apprendre à contrôler l’expression de son émotion de colère ou de tristesse. Lorsqu’il est confronté à une situation sociale critique, comme par exemple, un conflit avec un autre enfant, il doit pouvoir réguler ses émotions pour que la situation ne s’aggrave pas. Il peut diminuer l’intensité de son expression émotionnelle ou choisir une forme d’expression émotionnelle plus adéquate.
Chez certains enfants, des difficultés à réguler leurs émotions de manière adaptée, peuvent apparaître régulièrement, on parle de dysrégulation émotionnelle.
Intérêt
Qu’il s’agisse de la joie, de la colère, de la tristesse ou de la peur, ces compétences émotionnelles sont essentielles pour le bien-être psychologique des enfants, leurs interactions sociales et leur qualité de vie. Tout professionnel, tout parent peut aider au développement de ces compétences émotionnelles.
Un foisonnement de travaux ont été consacrés au développement émotionnel typique et de jeunes enfants présentant des troubles de développement, dont la déficience intellectuelle, les troubles du spectre de l’autisme, des troubles du comportement (voir notamment recensions de Baurain & Nader-Grosbois, 2013 ; Nader-Grosbois, 2011, 2012 ; Nader-Grosbois & Day, 2011). Les profils émotionnels varient selon les enfants et selon leurs troubles de développement, avec des forces et des faiblesses. Ces travaux montrent qu’il est indispensable de repérer le plus tôt possible les difficultés à reconnaître les émotions, à les exprimer, à les réguler et à les comprendre, au moyen d’outils adaptés et de mettre en place des programmes de prévention et d’intervention à leur égard.
Questions
- Comment les enfants expriment-ils et régulent-ils leurs émotions ?
- Pourquoi certains enfants rencontrent-ils des difficultés à exprimer et réguler leurs émotions de façon adaptée, ou présentent une dysrégulation émotionnelle ?
- Quels sont les facteurs individuels, familiaux, éducatifs, favorables et défavorables pour une bonne régulation émotionnelle ?
- Sur base des profils de compétences émotionnelles, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez de jeunes enfants d’âge précoce et d’âge préscolaire
- Chez de jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles externalisés du comportement
Evaluation
Sur base de modèles récents, les chercheurs ont développé une série de dispositifs d’observation, de mesures pouvant évaluer les compétences émotionnelles afin de mener des travaux de recherche et d’améliorer les pratiques d’évaluation par des professionnels. Plusieurs dispositifs et grilles d’observation ont été validés ainsi que des questionnaires pouvant être complétés par l’entourage de l’enfant, parent ou professionnel. Ces dispositifs et questionnaires évaluant l’expression émotionnelle et la régulation émotionnelle, la reconnaissance des émotions d’enfants d’âge préscolaire et scolaire sont recensés et expliqués dans le chapitre 3 de l’ouvrage ‘Compétences sociales et émotionnelles : enfant typique et déficient intellectuel’ de Baurain et Nader-Grosbois (2013a, pp. 173-208) et dans le chapitre 4 de l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ de Nader-Grosbois (2015) ainsi que dans des articles et des chapitres d’ouvrages collectifs (dont celui de Nader-Grosbois, Baurain, & Mazzone, 2014).
La Professeure Nathalie Nader-Grosbois et son équipe ont notamment conçus de nouvelles méthodes d’observation, mesures et des questionnaires pour évaluer finement les profils de compétences en expression et régulation émotionnelle qui ont été validés. D’autres dispositifs et questionnaires, élaborés par des partenaires internationaux, ont été traduits, adaptés en langue française et validés en Belgique.
Parmi les méthodes d’observation créés ou adaptées, figurent:
- Un dispositif méthodologique et une Grille d’Analyse de la Régulation Socio-émotionnelle par séquences, en situation de jeux dyadiques coopératifs, compétitifs et neutre (Baurain & Nader-Grosbois, 2009a-b, 2011a-b, 2013a, pp.186-208)
- Une adaptation du Still Face Paradigm de Tronick et collaborateurs pour observer les expressions émotionnelles et la régulation socio-émotionnelle entre un enfant et un adulte familier et non familier (Nader-Grosbois & Mazzone, 2015-2016)
Parmi les questionnaires adaptés, figurent :
- L’Inventaire de Régulation Emotionnelle (ERC-vf, Nader-Grosbois, Mazzone, 2014a-b), adapté de l’Emotion Regulation Checklist (ERC, Shields & Cicchetti, 1997) qui permet d’obtenir un score de régulation émotionnelle et de dysrégulation émotionnelle.
Intervention
Afin d’identifier les programmes de prévention et d’intervention efficaces pour améliorer l’expression et la régulation émotionnelle auprès d’enfants et d’adolescents à développement typique ou atypique, plusieurs recensions de littérature scientifique ont été réalisées et publiées dans des chapitres d’ouvrages et des thèses de doctorat.
Certains programmes d’entraînement de la compréhension des émotions ont été conçus et testés par l’équipe, afin d’améliorer la régulation émotionnelle, de diminuer la dysrégulation émotionnelle chez des enfants de différents âges et diverses populations.
Parmi ces programmes d’entraînement à court terme et à moyen terme conçus par l’équipe figurent
Des entraînements proposés aux enfants en petits groupes appliqués à l’école
- Un entraînement de la compréhension des causes et conséquences des émotions chez les enfants (Houssa, Nader-Grosbois & Jacobs, 2014 ; Houssa, Jacobs & Nader-Grosbois, 2017) ;
- Un entraînement du traitement de l’information sociale lors de résolution de problèmes sociaux ou de situations socio-émotionnelles critiques chez les enfants (Houssa, Nader-Grosbois & Jacobs, 2014 ; Houssa, Jacobs & Nader-Grosbois, 2017)
- Un entraînement combiné de la compréhension des émotions du traitement de l’information sociale lors de situations socio-émotionnelles critiques chez les enfants (Houssa & Nader-Grosbois, 2015, 2016, 2017 ; Jacobs & Nader-Grosbois, en cours)
Des entraînements proposés aux parents lors de séminaire en groupes
- Un entraînement des parents pour les rendre plus compétents pour socialiser les émotions de leurs enfants (Jacobs & Nader-Grosbois, en cours).
Des études expérimentales ont comparé, ou ont couplé, ces types d’entraînement de la ToM et du TIS auprès d’enfants d’âge préscolaire avec et sans troubles de développement et ont prouvé leur efficacité par l’amélioration de la cognition sociale, dont la compréhension des émotions, et de la régulation émotionnelle, ainsi qu’une diminution de la dysrégulation émotionnelle (Houssa, Nader-Grosbois, & Jacobs, 2014 ; Houssa, Jacobs & Nader-Grosbois, 2017 ; Houssa & Nader-Grosbois, 2015, 2016, 2017 ; Nader-Grosbois, 2012 ; Nader-Grosbois, 2015 ; Nader-Grosbois, Houssa, Jacobs, & Mazzone, 2016). Dans une étude expérimentale récente, une comparaison de cet entraînement de la cognition sociale et d’un entraînement des fonctions exécutives a mis en évidence des effets différenciés sur la régulation et la dysrégulation émotionnelle d’enfants présentant des troubles de comportement externalisés (Houssa, Volckaert, Nader-Grosbois, & Noël, submitted). Ces deux interventions font l’objet de deux chapitres de l’ouvrage dirigé par Roskam, Nader-Grosbois, Noël & Schelstraete (eds.), ‘Traiter les troubles externalisés du comportement chez le jeune enfant’ : dans le chapitre 3 ‘Stimuler les capacités en cognition sociale’ (Houssa & Nader-Grosbois, 2017) le chapitre 2 ‘Stimuler les fonctions exécutives’ (Volckaert & Noël, 2017).
Compréhension des émotions et cognition sociale
Concepts
La cognition sociale intègre plusieurs composantes, en l’occurrence les connaissances sociales, les compétences en Théorie de l’esprit et le traitement de l’information sociale, comme l’expliquent le modèle intégré des compétences sociales (Nader-Grosbois, 2011) inspiré et adapté de Yeates et al., (2007).
Selon les modèles explicatifs du développement de la Theory of Mind (Théorie de l’esprit, ToM), le jeune enfant, particulièrement à l’âge préscolaire, comprend progressivement certains états mentaux tels que les émotions, les croyances, les désirs, les intentions, etc., et il est capable d’inférer ceux d’autrui qui peuvent être différents des siens (Astington & Baird, 2005 ; Flavell, 1999 ; Nader-Grosbois, 2011). Peu à peu, il arrive à prendre la perspective visuelle de l’autre, à comprendre les causes des émotions de base (joie, colère, tristesse, peur) dans des situations sociales et à prédire les conséquences de ces émotions sous la forme de comportements sociaux. De nombreuses études mettent en exergue que plus la compréhension des émotions et des états mentaux est meilleure, plus les enfants montrent des comportements sociaux adéquats et des relations sociales perçues comme adaptées (Nader-Grosbois, 2011, 2013, 2015).
Selon les concepteurs du modèle du Social information processing (Traitement de l’information sociale, TIS) (Crick & Dodge, 1994), le traitement de l’information sociale (TIS) est un facteur déterminant des compétences sociales (Baurain & Nader-Grosbois, 2013). Le TIS contribue à la compréhension de situations sociales par l’enfant et à ses capacités à résoudre des problèmes sociaux (Crick & Dodge, 1994 ; Yeates et al., 2007 ; Nader-Grosbois, 2011). Il implique cinq étapes de résolution de problèmes à mettre en œuvre par les enfants face à des situations sociales qui se déroulent rapidement :
- ils détectent et encodent des indices sociaux
- ils interprètent et se représentent mentalement ces indices sociaux
- ils clarifient ou sélectionnent un but
- ils construisent ou accèdent des réponses potentielles
- ils décident de la réponse.
Au fur et à mesure de leur maturation, de leurs expériences, ils deviennent de plus en plus capables de réfléchir à propos de problèmes sociaux, ils améliorent leurs capacités à les résoudre, ce qui rend le fonctionnement social de plus en plus efficace.
Intérêt
Chez des enfants à développement atypique ou présentant des troubles du comportement, des études cherchent à identifier quelles étapes du TIS et de résolution de problèmes sociaux posent difficulté et quels déficits sont repérables. Elles explorent dans quelle mesure ces déficits sont liés à leurs difficultés d’adaptation sociale ou dans leurs relations sociales.
Questions
- Comment se développent les compétences en cognition sociale ?
- Comment les enfants comprennent-ils les états mentaux, en fonction
de la Théorie de l’esprit ? - Quelles sont les forces et faiblesses de la compréhension d’états mentaux chez des enfants ?
- Quels sont les facteurs favorables et défavorables au développement
de compétences en compréhension des émotions et des états mentaux chez des enfants ? - Comment les enfants résolvent-ils des problèmes sociaux et émotionnels,
en fonction du Traitement de l’information sociale ? - Pourquoi certains enfants interprètent-ils mal des situations sociales critiques ?
- Pourquoi certains enfants montrent-ils des biais d’attribution hostile ?
- Quels sont les facteurs favorables et défavorables au développement
de compétences en Traitement de l’information sociale chez des enfants ? - Sur base des profils de compétences en cognition sociale, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez de jeunes enfants d’âge préscolaire
- Chez des enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez des enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez des jeunes enfants présentant des troubles externalisés du comportement
Questions sur les liens entre cognition sociale, régulation émotionnelle et adaptation sociale
- Comment la compréhension des états mentaux ou théorie de l’esprit contribue-t-elle à une meilleure régulation émotionnelle et adaptation sociale ? Pourquoi cette compréhension des états mentaux pourrait-elle diminuer les risques de troubles de comportement ?
- Comment le traitement de l’information sociale lors de résolution de problèmes sociaux contribue-t-il à une meilleure régulation émotionnelle et adaptation sociale ? Pourquoi ce traitement pourrait-il diminuer les risques de troubles de comportement ?
- Chez de jeunes enfants d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles externalisés du comportement
Evaluation
Pour évaluer la Théorie de l’esprit (ToM), plusieurs épreuves directes ont été conçues à partir des tâches classiques d’attribution des causes et conséquences des émotions (ToM-émotions) et de compréhension de croyances et fausses croyances (ToM-croyances) chez des enfants se situant à un niveau développemental préscolaire. Nader-Grosbois et Thirion-Marissiaux (2011, chapitre 5, pp.95-123) proposent des épreuves d’évaluation de la ToM-émotions pour les quatre émotions de base (joie, peur, tristesse et colère) évaluant la compréhension des causes et des conséquences des émotions, et des épreuves d’évaluation de la ToM-croyances.
Récemment, l’équipe américaine de Hutchins a conçu une mesure d’évaluation directe de l’enfant, la ToM Task Battery (Hutchins, Prelock, & Chace, 2008), qui a été traduite et validée en version francophone, Batterie ToM-vf (Nader-Grosbois & Houssa, 2016). Elle a également élaboré une mesure indirecte à compléter par des adultes de l’entourage, le Theory of Mind Inventory (ToMI, Hutchins, Prelock, & Bonazinga, 2012 ; Lerner, Hutchins, & Prelock, 2011) qui a aussi été traduite et validée en version francophone, l’Inventaire de Théorie de l’Esprit (ToMI-vf, Houssa, Mazzone, & Nader-Grosbois, 2014a). Ces deux instruments comprennent des items concernant non seulement la compréhension des émotions mais aussi celle des croyances, des intentions, des désirs, des pensées, des connaissances et couvrent sur la ToM de premier ordre et le début de la ToM de second ordre, relatives à la compréhension d’au moins deux états mentaux combinés.
La Professeure Nathalie Nader-Grosbois et son équipe ont testé et validés
· des outils d’évaluation directe de la ToM des enfants :
- Ẻpreuves ToM-émotions (Nader-Grosbois & Thirion-Marissiaux 2011a, pp.95-108), évaluant la reconnaissance des émotions et la compréhension des causes et des conséquences des quatre émotions de base (joie, colère, peur, tristesse)
- Ẻpreuves ToM-croyances (Nader-Grosbois & Thirion-Marissiaux 2011a, pp.108-124), incluant des épreuves d’aptitude à la tromperie, de changement de représentation, d’apparence-réalité, de contenu insolite et de changement de lieu
- Batterie en tâches en Théorie d’ l’Esprit (Batterie ToM-vf, Nader-Grosbois & Houssa, 2016), adaptée de la ToM Task Battery (Hutchins, Prelock, & Chace, 2008) qui évalue la reconnaissance des émotions, la prise de perspective visuelle, l’inférence d’émotions basées sur un désir, sur une perception, sur la réalité ou sur une croyance ou émotion de second ordre, l’inférence d’une action basée sur une perception, la compréhension des fausses croyances de premier et de second ordre et la compréhension du désaccord entre message et désir.
· Un questionnaire d’évaluation indirecte de la ToM
- Inventaire de Théorie de l’Esprit (ToMI-vf, Houssa, Mazzone, & Nader-Grosbois, 2014a), adapté du Theory of Mind Inventory (ToMI, Hutchins, Prelock, & Bonazinga, 2012 ; Lerner, Hutchins, & Prelock, 2011) qui permet une évaluation de la perception par des adultes de la compréhension des émotions, des croyances et des fausses-croyances (tromperie, différenciation de perspective, distinction de l’apparence-réalité d’objets insolites, etc.), des désirs et des intentions, des pensées, de termes relatifs aux états mentaux, et le simulacre, des enfants.
Pour évaluer la résolution de problèmes sociaux, on demande souvent aux enfants de réfléchir et de répondre aux questions provenant de dilemmes sociaux hypothétiques (Dodge et al., 2002). Des outils d’évaluation explorent dans quelle mesure les enfants sont capables, à partir de situations sociales critiques, d’une part de juger si le comportement social d’un protagoniste est approprié ou non, en référant aux règles conventionnelles, sociales ou morales, et d’autre part de justifier et de résoudre ces problèmes sociaux fictifs ou hypothétiques. Sur base du modèle TIS de Crick et Dodge (1994), une autre forme d’évaluation de la résolution de problèmes sociaux correspond à l’évaluation de biais d’attribution hostile et de l’interprétation de l’intention ambiguë d’une personne.
- La Tâche de Résolution sociale (RES) mise au point par Barisnikov et ses collaborateurs (2004) est particulièrement intéressante et adaptée pour évaluer des enfants d’âge préscolaire, scolaire, sans ou avec troubles de développement, des adolescents et même de jeunes adultes présentant une déficience intellectuelle. Cette Tâche de Résolution sociale (RES) est expliquée dans le chapitre 6 de l’ouvrage ‘Théorie de l’esprit : entre cognition, émotion et adaptation sociale’ de Nader-Grosbois (Barisnikov & Hippolyte, 2011, pp. 130-136).
- Dans le Jeu Interactif de Résolution de Problèmes à Caractère Socioémotionnel (Baurain & Nader-Grosbois, 2007, 2009a-b, 2011a-b-c, 2013a, pp.186-208), les enfants jouant en dyade avec un pair ou avec un adulte, doivent résoudre treize situations de problèmes à caractère socioémotionnel, à partir de questions similaires à la RES. Ceux-ci sont expliqués dans le chapitre 3 de l’ouvrage ‘Compétences sociales et émotionnelles : enfant typique et déficient intellectuel’ de Baurain et Nader-Grosbois (2013a) et dans le chapitre 4 de l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ de Nader-Grosbois (2015).
Intervention
Afin d’identifier les programmes de prévention et d’intervention efficaces pour améliorer la cognition sociale auprès d’enfants et d’adolescents à développement typique ou atypique, plusieurs recensions de littérature scientifique ont été réalisées et publiées dans des chapitres d’ouvrages et des thèses de doctorat au sein de l’équipe de Nathalie Nader-Grosbois.
Sur le plan de l’intervention en faveur de la cognition sociale, les programmes ciblent,
- selon une approche développementale, en s’inspirant de la Théorie de l’esprit (ToM), l’entraînement :
- de la compréhension des états mentaux, tels que les émotions, les croyances, les intentions, les désirs, etc.
- selon une approche fonctionnelle, en se basant sur le traitement de l’information sociale (TIS), l’entraînement :
- des capacités de résolution de problèmes sociaux, en différenciant les étapes du traitement de l’information sociale.
Certains programmes d’entraînement de la cognition sociale ont été conçus et testés par l’équipe, afin de soutenir le développement de la cognition sociale, des compétences émotionnelles et sociales chez des enfants de différents âges et diverses populations.
Parmi ces programmes d’entraînement à court terme et à moyen terme conçus par l’équipe figurent :
Des entraînements proposés aux enfants en petits groupes appliqués à l’école
- Un entraînement de la compréhension des causes et conséquences des émotions chez les enfants (Houssa, Nader-Grosbois & Jacobs, 2014 ; Houssa, Jacobs & Nader-Grosbois, 2017)
- Un entraînement du traitement de l’information sociale lors de résolution de problèmes sociaux ou de situations socio-émotionnelles critiques chez les enfants (Houssa, Nader-Grosbois & Jacobs, 2014 ; Houssa, Jacobs & Nader-Grosbois, 2017)
- Un entraînement combiné de la compréhension des émotions du traitement de l’information sociale lors de situations socio-émotionnelles critiques chez les enfants (Houssa & Nader-Grosbois, 2015, 2016, 2017 ; Jacobs & Nader-Grosbois, en cours)
Des entraînements proposés aux parents lors de séminaire en groupes
- Un entraînement des parents pour les rendre plus compétents pour socialiser les émotions de leurs enfants (Jacobs & Nader-Grosbois, en cours).
Des études expérimentales ont comparé, ou ont couplé, ces types d’entraînement de la ToM et du TIS auprès d’enfants d’âge préscolaire avec et sans troubles de développement et ont prouvé leur efficacité par l’amélioration de la cognition sociale, dont la compréhension des émotions, et de la régulation émotionnelle, ainsi qu’une diminution de la dysrégulation émotionnelle, certaines dimensions des profils d’adaptation sociale chez des enfants tout-venant, à risque, ou troubles du comportement (Houssa, Nader-Grosbois, & Jacobs, 2014 ; Houssa, Jacobs & Nader-Grosbois, 2017 ; Houssa & Nader-Grosbois, 2015, 2016, 2017 ; Nader-Grosbois, 2012 ; Nader-Grosbois, 2015 ; Nader-Grosbois, Houssa, Jacobs, & Mazzone, 2016).
Dans une étude expérimentale récente, une comparaison de cet entraînement de la cognition sociale et d’un entraînement des fonctions exécutives a mis en évidence des effets différenciés dans les profils émotionnels et sociaux d’enfants présentant des troubles de comportement externalisés (Houssa, Volckaert, Nader-Grosbois, & Noël, submitted). Ces deux interventions font l’objet de deux chapitres de l’ouvrage dirigé par Roskam, Nader-Grosbois, Noël & Schelstraete (eds.), ‘Traiter les troubles externalisés du comportement chez le jeune enfant’ : dans le chapitre 3 ‘Stimuler les capacités en cognition sociale’ (Houssa & Nader-Grosbois, 2017) le chapitre 2 ‘Stimuler les fonctions exécutives’ (Volckaert & Noël, 2017).
Ces entraînements sont adaptés à des enfants d’âge préscolaire, des enfants présentant des troubles externalisés du comportement, une déficience intellectuelle, ou des troubles du spectre de l’autisme.
Pour aider les psychologues, les orthopédagogues, les enseignants, des publications récentes sont à leur disposition pour qu’ils puissent mettre en place des interventions propices à améliorer la cognition sociale et les compétences socio-émotionnelles de ces enfants.
Sur base de cette recension de littérature récente et de ces études expérimentales, un article synthétise, Comment soutenir efficacement les compétences émotionnelles et sociales d’enfants à besoins spécifiques en milieu préscolaire et scolaire (Nader-Grosbois, Houssa, Jacobs, & Mazzone, 2016).
Dans l’ouvrage ‘Théorie de l’esprit : entre cognition, émotion et adaptation sociale’, un chapitre est consacré aux pistes pour l’intervention’ (Nader-Grosbois, 2011, pp. 347-358).
Dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’, Nader-Grosbois (2015) résume de façon précise les programmes d’intervention en faveur de la cognition sociale et des compétences socio-émotionnelles, auprès d’enfants présentant :
- une déficience intellectuelle (pp.265-269)
- des troubles du spectre de l’autisme (pp.346-349)
- des troubles du comportement (pp.407-418)
- une déficience auditive (p.489)
- une déficience visuelle (p.518)
Dans un ouvrage ‘Traiter les troubles externalisés du comportement chez le jeune enfant’, dirigé par Roskam, Nader-Grosbois, Noël & Schelstraete (2017), le chapitre 3 explique de façon illustrée comment des professionnels peuvent mettre en place une intervention favorable au développement de ces compétences socio-émotionnelles dans les milieux préscolaire, primo-scolaire et éducatifs (Houssa & Nader-Grosbois, 2017).
Socialisation parentale des émotions
Concepts
Récemment, des modèles ont été développés à propos des pratiques parentales relatives aux émotions de l’enfant. Ils expliquent comment les parents l’aident à découvrir comment exprimer ses émotions, les réguler et les gérer au quotidien, et soutiennent sa compréhension des causes et conséquences des émotions, afin qu’il adopte des comportements sociaux adéquats lors de situations émotionnelles.
Selon les modèles, on parle de ‘Socialisation parentale des émotions’ (Parental Socialization of emotions, Eisenberg, Cumberland, & Spinrad, 1998), de ‘Socialisation familiale de la régulation émotionnelle’ (Family socialization of emotion regulation, Morris, Silk, Steinberg, Myers, & Robinson, 2007).
Eisenberg et al. (1998, pp.241-242), définissent la ‘Socialisation Parentale des Emotions’ comme étant « l’ensemble des comportements parentaux destinés à influencer l’apprentissage de l’enfant au niveau de son expérience, de l’expression ou de la régulation de ses émotions » Ils distinguent trois types de pratiques de socialisation parentale des émotions :
- les réactions des parents à l’égard des émotions de l’enfant, qui peuvent être ‘soutenantes’ (encouragement à l’expression émotionnelle, réconfort, ou résolution du problème) ou ‘non soutenantes’ (détresse, punition, minimisation ou évitement)
- les conversations autour des émotions
- l’expression émotionnelle des parents que l’enfant peut observer.
Quant à Morris et al. (2007), ils ciblent les relations entre le contexte familial et la régulation émotionnelle de l’enfant, et son adaptation, à travers trois composantes :
- l’observation pouvant induire un modeling, une contagion émotionnelle et des références sociales
- les pratiques parentales en lien avec les émotions de l’enfant, dont le coaching émotionnel qui incite les parents à aider leur enfant à verbaliser sur l’émotion ressentie ou à résoudre le problème en lien avec l’émotion
- le climat émotionnel de la famille qui se déploie à travers le style d’attachement, le style parental, l’expressivité émotionnelle et la relation au sein du couple parental.
Afin de mieux comprendre les pratiques parentales et leurs relations avec les compétences émotionnelles, sociales, y compris en Théorie de l’esprit et en Traitement de l’information Sociale, la professeure Nathalie Nader-Grosbois et son équipe étudient à la fois:
- la socialisation parentale des émotions
- la socialisation parentale des états mentaux
- la socialisation parentale des résolutions de problèmes émotionnels et sociaux.
Des recensions de la littérature à ce propos auprès de parents d’enfants tout-venant et présentant une déficience intellectuelle, des troubles du spectre de l’autisme et d’autres déficiences font l’objet de plusieurs publications de l’équipe (Daffe & Nader-Grosbois, 2009, 2011 ; Mazzone & Nader-Grosbois, 2014, 2015, 2016, 2017a-b, submitted ; Nader-Grosbois & Daffe, 2013)
Intérêt
Afin de comprendre quelles sont les pratiques parentales propices au bon développement émotionnel et social des enfants, il est intéressant de repérer comment les réactions, les conversations et les attitudes influencent celui-ci et comment les particularités des enfants, de leurs profils de compétences émotionnelles et sociales influencent les pratiques parentales.
Pour améliorer les pratiques parentales par une formation des parents ou une guidance parentale, il est important de repérer quels sont les forces et faiblesses de celles-ci.
Questions
- Comment les parents soutiennent-ils le développement émotionnel et social de leur enfant ?
- Quelles sont les stratégies parentales qui s’avèrent plus ‘soutenantes’ ou ‘non soutenantes’ à l’égard des enfants avec ou sans déficience ou trouble de développement ?
- Quels sont les facteurs favorables ou défavorables aux pratiques parentales soutenantes versus non soutenantes ?
- Comment évaluer et améliorer ces pratiques de socialisation parentale des émotions, des états mentaux et de résolution de problèmes sociaux et émotionnels ?
- Quelles sont les variabilités interculturelles de ces pratiques parentales ?
- Quelles techniques sont les plus efficaces pour entraîner les compétences des parents comme socialisateurs des émotions, des états mentaux et de résolution de problèmes sociaux et émotionnels ?
- Chez des parents d’enfants tout-venant d’âge préscolaire
- Chez des parents d’enfants ayant une déficience intellectuelle à différentes étiologies
- Chez des parents d’enfants ayant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez des parents d’enfants ayant des troubles du comportement
Evaluation
Une recension des indicateurs et des mesures d’évaluation des comportements de socialisation parentale des émotions a été réalisée dans l’équipe (Nader-Grosbois & Daffe, 2013 ; Mazzone & Nader-Grosbois, 2015 ; Nader-Grosbois, 2015).
Pour évaluer les pratiques parentales de socialisation des émotions, on peut évaluer les situations suivantes (Daffe & Nader-Grosbois, 2009, 2011 ; Mazzone & Nader-Grosbois, 2014 ; Nader-Grosbois & Daffe, 2013) :
- les réactions parentales à l’égard des émotions positives et négatives de leur enfant par questionnaires qui présentent des énoncés sous forme de scénarios hypothétiques ;
- les conversations parentales concernant les émotions par questionnaire, ou par la mise en place de situations d’observation en appliquant des grilles d’observations de ces stratégies.
Dans ces dispositifs observationnels, le parent et l’enfant interagissent ensemble : ils disposent d’un support, comme un livre ou des photos à connotation émotionnelle, ou ils sont invités à évoquer un événement émotionnel vécu par l’enfant, pour susciter le discours émotionnel entre les partenaires ou encore on enregistre leurs conversations spontanées à domicile ou en laboratoire.
Récemment, dans l’équipe de la Professeure Nathalie Nader-Grosbois, pour analyser ces pratiques parentales de ‘socialisation parentale des émotions, des états mentaux et des résolutions de problèmes sociaux et émotionnels, a été conçue :
- Un dispositif d’interactions Parents-enfants et une grille d’analyse de ces comportements de socialisation parentale des émotions, des états mentaux et des résolutions de problèmes sociaux et émotionnels (Jacobs & Nader-Grosbois, 2016)
Dans l’équipe de la Professeure Nathalie Nader-Grosbois, deux questionnaires ont été conçus et adaptés :
- le Questionnaire sur les Réactions Parentales aux Emotions Positives et Négatives (Daffe & Nader-Grosbois, 2009, 2011), version intégrée adaptée du Coping with Children Negative Emotions Scale (CCNES, Fabes, Eisenberg et Bernzweig, 1990) CCNES et du QRPEPE, Questionnaire sur les Réactions Parentales aux Emotions Positives exprimées par l’Enfant (QRPEPE, Ladouceur, Reid et Jacques, 2002). Il permet d’évaluer les réactions soutenantes (encouragements de l’expression des émotions, le réconfort, la résolution de problèmes) et les réactions non soutenantes (punitions, minimisation des émotions, détresse)
- le Questionnaire sur les Conversations Parents-Enfants sur les Emotions (Mazzone, Roskam, Mikolajczak, Nader-Grosbois, 2017)
Pour évaluer l’expressivité émotionnelle des parents, on peut utiliser des mesures auto-rapportées par questionnaires d’expressivité au sein de la famille, ou des questionnaires relatifs aux Dimensions de l’Ouverture Émotionnelle (DOE, Reicherts, 2007), ou au Profil de Compétences Émotionnelles (PCE, Brasseur, Grégoire, Bourdu, & Mikolajczak, 2013).
Intervention
L’étude de la Socialisation parentale aux émotions a permis de concevoir des programmes d’intervention axés sur le coaching émotionnel parental. Ces programmes visent à aider les parents d’enfants présentant des troubles externalisés du comportement ou des troubles de l’hyperactivité à mieux comprendre leurs propres émotions et celles de leur enfant afin de soutenir son développement socio-émotionnel.
On peut appliquer le Tuning in to kids parenting program (TIK, Havighurst, Wilson,Harley, & Prior, 2009 ; Havighurst, Wilson, Harley, Prior, & Kehoe, 2010) ou The Parenting Your Hyperactive Preschooler program (Herbert, Harvey, Roberts, Wichoski, & Lugo-Candelas, 2013). Après avoir suivi ces guidances parentales, les parents rapportent moins de problèmes de comportement et d’inattention chez leur enfant et disent se sentir plus compétents à répondre aux émotions de ce dernier en étant plus soutenants et moins évitants face à leurs manifestations émotionnelles.
Dans l’équipe de la Professeure Nader-Grosbois, un programme d’intervention de ‘Socialisation parentale des émotions, des états mentaux et de résolution de problèmes sociaux et émotionnels’ a été conçu pour former les parents à devenir plus compétents dans leur rôle de socialisateurs auprès de leurs enfants. L’efficacité de ce programme est testée auprès de parents d’enfants tout-venant, ou présentant une déficience intellectuelle avec et sans troubles de comportement (Jacobs & Nader-Grosbois, en cours), des troubles de développement et troubles du spectre de l’autisme.
Compétences sociales et adaptation sociale
Concepts
Les compétences sociales se définissent comme étant la capacité d’atteindre ses objectifs personnels tout en maintenant des relations positives avec autrui au fil du temps et des situations (Rubin & Krasnor, 1986).
Selon un modèle intégré et heuristique des compétences sociales (Nader-Grosbois, 2011 ; Yeates et al., 2007), celles-ci relèvent de trois niveaux de complexité qui peuvent être distingués :
- le traitement de l’information sociale qui aide l’enfant à interpréter les indices d’une situation sociale pour pouvoir y répondre
- les interactions sociales dans divers contextes et avec différents partenaires familiers ou non familiers, des adultes ou des enfants
- l’adaptation sociale qui se traduit dans la façon dont l’enfant va atteindre ses buts d’une manière socialement appropriée, par des comportements prosociaux, la qualité de ses relations sociales avec ses pairs (dont l’amitié, la popularité) et avec des adultes.
Quant à l’inadaptation sociale de l’enfant, elle se manifeste par des relations sociales perturbées, de l’agressivité, de l’opposition ou du retrait social, de l’évitement d’activités de groupe, ce qui correspond à des troubles de comportements ‘externalisés’ ou ‘internalisés’ (Crick & Dodge, 1994 ; Hughes, Cutting, & Dunn, 2001).
Intérêt
Dépister les difficultés d’adaptation sociale, voire les troubles de comportement, tant internalisés qu’externalisés, chez l’enfant dès l’âge préscolaire et primo-scolaire rencontre les préoccupations des parents et des milieux scolaires et éducatifs, ordinaires et spécialisés.
Il est essentiel que les psychologues évaluent finement les profils de compétences sociales et des difficultés dans les interactions sociales pour prévenir l’inadaptation sociale et les troubles de comportements le plus tôt possible, et pour proposer des interventions efficaces. Bien que des initiatives soient déjà mises en œuvre par des parents, des enseignants, des équipes éducatives pour aider les enfants à se développer socialement, il est encore trop rare que des professionnels appliquent des programmes dont l’efficacité a été prouvée scientifiquement.
Questions
- Quels sont les facteurs favorables au développement des compétences sociales ?
- Comment les enfants s’adaptent-ils socialement lors d’interactions avec des adultes et des enfants ?
- Comment établissent-ils des relations sociales et amicales de qualité avec d’autres enfants ?
- Comment les parents, les enseignants apprécient-ils la qualité des relations sociales des enfants ?
- Quelles sont les perceptions des enfants sur leur acceptation sociale ?
- Pourquoi certains enfants manifestent-ils des difficultés à interagir adéquatement dans des situations sociales avec les adultes et d’autres enfants ?
- Pourquoi certains enfants présentent-ils des risques de troubles du comportement dans des situations sociales critiques ?
- Selon les profils de compétences sociales et d’inadaptation sociale, comment intervenir efficacement ?
- Chez de jeunes enfants d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles externalisés du comportement
Evaluation
Dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’, Nader-Grosbois (2015) présente les mesures des compétences sociales, d’adaptation sociale, ainsi que les mesures de l’inadaptation sociale dans le chapitre 4 (pp. 127-130) pour la période préscolaire, le chapitre 5 (pp. 203-204) pour la période scolaire, et le chapitre 9 (pp. 391-394) pour l’évaluation des troubles de comportements externalisés et internalisés
Il s’agit de mesures de la perception par les pairs ou de questionnaires pour recueillir la perception des adultes, ou encore des inventaires d’habiletés sociales incluses dans une batterie d’évaluation de capacités adaptatives
Intervention
Dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’, Nader-Grosbois (2015) résume les pistes et programmes d’intervention pouvant améliorer l’adaptation sociale ou diminuer l’inadaptation sociale ou limiter des troubles de comportements externalisés et internalisés, dans le chapitre 4 (pp. 127-130) pour la période préscolaire ainsi que de façon plus spécifique pour les enfants de tout âge présentant :
- une déficience intellectuelle (chapitre 7, pp. 269-271)
- des troubles du spectre de l’autisme (chapitre 8, pp. 348-354)
- des troubles du comportement (chapitre 9, pp.398-403 ; 407-418 ; pp. 420-438)
- une déficience auditive (chapitre 10, p.439)
- une déficience visuelle (chapitre 11, p.519)
Des interventions particulières en ‘situation de crise’ lors de l’expression de comportements agressifs sont également proposées, dans le chapitre 9 (pp.434-438)
Perception de soi
Concepts
Dans la littérature de nombreux termes plus ou moins apparentés concernant le soi ; conscience de soi, estime de soi, perception de soi, concept de soi, représentation de soi, image de soi, etc.
Au fil du temps, les conceptualisations du concept de soi ou de l’estime de soi ont proposé diverses approches, psychosociales, psychanalytiques, développementales interactionnistes, phénoménologiques, cognitives, sociocognitives, ou encore motivationnelles. Ces modèles ont été conçus pour expliquer comment se développent le concept de soi, l’estime de soi et quels facteurs individuels, sociaux, contextuels et culturels sont favorables ou défavorables à une perception ou une estime de soi positive.
On peut également distinguer :
- des modèles globaux unidimensionnels de l’estime de soi
- des modèles pluridimensionnels et hiérarchiques, différenciant la perception de soi et l’estime de soi selon les domaines de compétences.
En référence à ces diverses conceptions, de nombreuses études ont investigué l’impact de ces multiples facteurs sur la perception de soi depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte.
L’ouvrage ‘De la Perception à l’estime de soi : concept, évaluation et intervention’ (Nader-Grosbois & Fiasse, 2016) propose :
- dans une première partie
- les concepts et modèles théoriques de la perception de soi
- les étapes développementales
- les liens entre perception de soi et les domaines de développement
- dans une deuxième partie, la perception de soi en développement atypique, en précisant les spécificités pour
- la déficience intellectuelle
- les troubles du spectre de l’autisme
- les troubles du comportement
- et les liens entre perception de soi et les domaines de développement
Intérêt
En intervention et en recherche, la perception de soi est considérée comme un aspect incontournable du développement et du bien-être psychologique des enfants et des adolescents à développement typique et atypique ainsi que chez l’adulte. Que ce soit dans le monde de l’éducation, de la santé, la perception de soi et l’estime de soi font partie des préoccupations des parents, des enseignants, des éducateurs, des psychologues, des médecins. Ainsi, pour promouvoir la santé, la qualité de vie, le développement harmonieux des personnes de tout âge, il est essentiel de s’intéresser à la façon dont elles se perçoivent dans divers domaines de compétences. Prendre en compte la perception de soi ou l’estime de soi comme une variable jouant dans leur développement global, leurs apprentissages et leur santé est incontournable.
Des outils d’évaluation, d’observation, des questionnaires ainsi que des pistes et des programmes d’intervention sont à disposition des psychologues, enseignants et des parents.
Questions
- Comment se développent le concept de soi, la perception de soi et l’estime de soi dans différents domaines ?
- Pourquoi les enfants peuvent-ils se percevoir comme plus ou moins compétents dans certains domaines ?
- Comment la perception de soi et l’estime de soi peuvent-elles être réalistes ou non, ou sous- ou sur- évaluées par les enfants ?
- Quels sont les liens entre la perception de soi, l’estime de soi et le développement cognitif, langagier ?
- Quelles sont les spécificités de la perception de soi et de l’estime de soi d’enfants selon leur diagnostic ?
- Quels sont les liens entre la perception de soi, l’estime de soi et la performance ou l’autorégulation?
- Comment cette perception de soi est-elle liée aux compétences en cognition sociale, dont la compréhension des états mentaux ou théorie de l’esprit, et en adaptation sociale ?
- Sur base de leurs profils de perception de soi, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez de jeunes enfants d’âge précoce et d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles externalisés du comportement
Evaluation
Une recension précise des différents outils autorapportés et hétérorapportés pour les différentes périodes de vie est proposée dans la troisième partie, le chapitre 7 ‘Evaluation de la perception de soi en développement typique’ de l’ouvrage ‘De la Perception à l’estime de soi : concept, évaluation et intervention’ (Nader-Grosbois & Fiasse, 2016) et des annexes présentent des outils pertinents pour des enfants à développement typique et atypique.
Intervention
Une revue de littérature à propos des pistes et des programmes d’intervention pouvant être appliqués dans les milieux familiaux, préscolaires et scolaires, pour les différentes périodes de vie pour des enfants et personnes à développement typique et atypique est proposée dans la troisième partie dans le chapitre 8 ‘Intervention ciblant le concept de soi d’enfants et adolescents à développement typique et atypique’ de l’ouvrage ‘De la Perception à l’estime de soi : concept, évaluation et intervention’ (Nader-Grosbois & Fiasse, 2016). Des exemples de supports de jeux ou de livres pouvant être utilisés auprès des enfants à différents âges sont également présentés.
Fonctions exécutives et cognition sociale
"INEMO KIDSCHOOL" pour Inhibition – Emotion
Equipe de recherche :
Professeure Nathalie Nader-Grosbois
Docteure en Psychologie, Professeure à l’UCL
nathalie.nader@uclouvain.be
Professeure Marie-Pascale Noël
Docteure en psychologie, Professeure à l’UCL, Maître de recherche au FNRS
marie-pascale.noel@uclouvain.be
Alexandra Volckaert
Docteure en Psychologie, Neuropsychologue, chercheuse et Professeure invitée à l’UCL
alexandra.volckaert@uclouvain.be
Marine Houssa
Docteure en Psychologie, chercheuse et Professeure invitée à l’UCL
marine.houssa@uclouvain.be
Nastasya Honoré
Docteure en Psychologie, chercheuse et Professeure invitée à l’UCL
nastasya.honore@uclouvain.be
Constat
Les troubles du comportement sont à l’origine des demandes les plus fréquentes de consultations cliniques pour les enfants d’âge préscolaire (3-5 ans) et en début de scolarité primaire. Divers facteurs de risque y sont associés, dont un déficit au niveau des fonctions exécutives (FE), et en particulier de l’inhibition, mais également au niveau des compétences socio-émotionnelles (CSE) et de la résolution de problèmes sociaux (gestion des conflits).
Que sont les fonctions exécutives et quel est leur lien avec le comportement?
Les fonctions exécutives correspondent à un ensemble de mécanismes cognitifs permettant l’adaptation du sujet à des situations nouvelles et la mise en place de conduites complexes, notamment lorsque des routines ne suffisent plus ou sont inappropriées (Van der Linden et al., 2000). En d’autres termes, quand une situation particulière demande de contrôler son comportement (plutôt que d’agir de manière automatique), les fonctions exécutives interviennent. Selon Diamond (2013), les trois fonctions exécutives « principales » sont la mémoire de travail, la flexibilité et l’inhibition, et serviraient de fondations pour des fonctions exécutives de plus haut niveaux, telles que la résolution de problème, le raisonnement et la planification.
La mémoire de travail est utilisée chaque fois qu’il s’agit de retenir une information en mémoire pour un court laps de temps, d’effectuer des transformations sur cette information ou de la manipuler et d’éliminer les informations non-pertinentes (Baddeley & Hitch, 1994; Monette & Bigras, 2008). Quand une maman dit à son enfant « s’il te plait, monte dans la salle de bain et va te brosser les dents », l’enfant doit retenir cette information en mémoire à court terme jusqu’à ce qu’il commence l’action en question. Si, en se dirigeant vers les escaliers, l’enfant est interpellé par son frère qui lui demande « où as-tu mis mon hélicoptère ? », il doit garder deux informations distinctes en mémoire, répondre à la question du frère tout en gardant bien en tête (c’est-à-dire, actif en mémoire de travail), le but de l’action première (se brosser les dents).
L’inhibition fait référence à la capacité de supprimer une réponse prédominante, automatique, qui n’est pas adéquate pour la situation en cours (Friedman et al., 2008). De manière plus spécifique, on peut distinguer différentes fonctions de l’inhibition : le contrôle de l’interférence/des distracteurs, l’inhibition d’une réponse prédominante, la gestion de l’impulsivité et l’interruption d’une réponse en cours. Voici un exemple de contrôle de l’interférence ou des distracteurs : si l’enseignant demande aux enfants de l’écouter attentivement, ils doivent porter toute leur attention sur ce qui est dit et inhiber la tendance naturelle de porter son attention sur des distracteurs tels que d’autres enfants qui rient plus loin, le bruit dans la cour de récré, le glacier qui passe etc. Un autre exemple concerne la tendance des enfants à vouloir toucher les jouets dans un magasin bien que leurs parents leur aient interdit de le faire. Ceci illustre l’inhibition d’une réponse prédominante. Enfin, quand un enfant joue sur l’ordinateur et que ses parents lui demandent d’arrêter son jeu pour venir à table, il doit mettre en oeuvre l’interruption d’une réponse en cours.
La flexibilité est quant à elle la capacité de passer rapidement d’une tâche à une autre ou d’alterner entre différents registres mentaux, différents schémas d’action afin de s’adapter à de nouvelles exigences (Monette & Bigras, 2008). Un enfant joue au gendarme et aux voleurs. Dans un premier temps, c’est lui le gendarme et il s’amuse à poursuivre les autres. À un certain moment, ses condisciples souhaitent qu’un autre soit le gendarme. Dans ce cas, notre enfant doit pouvoir passer d’un rôle à un autre et faire donc preuve de flexibilité. Un enfant plus grand qui fait ses devoirs et est distrait par des annonces d’arrivées de mails ou de messages sur son téléphone portable, devra utiliser sa flexibilité : passer du devoir à la lecture du message et revenir ensuite aux devoirs.
Les fonctions exécutives jouent un véritable rôle dans la régulation du comportement et occupent une place centrale dans le contrôle émotionnel et les interactions sociales (Anderson, 2002). A l’école, elles influencent de manière importante les performances académiques, principalement dans les domaines de l’arithmétique et de la lecture/écriture (Best, Miller, & Naglieri, 2011; Monette, Bigras, & Guay, 2011) et elles influencent également la carrière professionnelle.
Le lien entre fonctions exécutives et troubles du comportement a été démontré dans de nombreuses études (voir par exemple Fahie et Symons, 2003 ; Raaijmakers et al., 2008 ; Bohlin, Eninger, Brocki et Thorell, 2012). Il a également été démontré que le développement des fonctions exécutives permet de prédire les comportements difficiles et inversement.
Au Canada, Adèle Diamond montre depuis de nombreuses années que travailler le contrôle cognitif dans des classes de maternelles amène à une plus grande réussite scolaire (2007).
La reconnaissance de difficultés cognitives et/ou comportementales dans les classes de maternelles ont conduit quelques auteurs à développer des interventions visant l’amélioration des fonctions exécutives chez les tout jeunes enfants. Ils ont montré qu’il est possible d’améliorer les capacités d’inhibition (Diamond et al., 2007 ; Thorell et al., 2009), les performances en mémoire de travail (Klingberg et al., 2005 ; Thorell et al., 2009) ou les fonctions exécutives en général (Röthlisberger et al., 2001). Cependant, rares sont les études ayant examiné l’effet de l’amélioration des fonctions exécutives sur le comportement des enfants.
Que sont les compétences socio-émotionnelles et quel est leur lien avec le comportement?
En psychologie du développement, les compétences sociales et émotionnelles (CSE) désignent l’ensemble des processus cognitifs impliqués dans les interactions sociales ou « les mécanismes amenant aux comportements sociaux qui, à leur tour, sont les bases de l’évaluation de l’adaptation sociale des autres » (Crick & Dodge, 1994, p. 74).
Pour appréhender les CSE chez l’enfant, deux types de modèles ont été conçus en psychologie du développement et en psychopathologie du développement. Le premier type de modèle s’intéresse à la façon dont l’enfant développe sa compréhension des états mentaux des êtres humains et se réfère à la Théorie de l’Esprit. Le deuxième type de modèle se penche sur les étapes en jeu lorsque l’enfant est confronté à des situations sociales, pouvant être critiques, ambigües ou pas ; c’est ce qu’on appelle le traitement de l’information sociale (TIS). Ces deux types d’approches peuvent être pertinents pour fonder des interventions entrainant les CSE chez l’enfant.
La Théorie de l’Esprit (Theory of Mind, ToM) correspond à la compréhension des états mentaux, tels que les émotions, les croyances, les désirs, les intentions, les perceptions et elle permet à l’enfant d’inférer les états mentaux pour prédire ses propres comportements ou ceux d’autrui (Premack & Woodruff, 1978). Chez l’enfant, la reconnaissance et la compréhension des émotions de joie, de colère, de tristesse ou de peur, lui permet de s’intéresser à ce qui déclenche une émotion chez une personne (cause) et d’anticiper son comportement (conséquence). Par exemple, il peut comprendre qu’un autre enfant est triste ou pleure parce qu’il a perdu son jouet (cause de l’émotion) et manifester de l’empathie à son égard ou donner un jouet (conséquence par un comportement prosocial). La compréhension des liens entre désirs et émotions chez l’enfant lui permet d’anticiper qu’une personne va se sentir bien, être contente si elle obtient ce qu’elle désire ou va être triste ou fâchée si elle ne l’obtient pas. A propos des croyances, l’enfant va comprendre que ses propres croyances peuvent différer de celles d’une autre personne, en fonction des représentations respectives de la réalité.
Le traitement de l’information sociale « constitue un mécanisme responsable des compétences et comportements sociaux » (Crick & Dodge, 1994, p. 74). Ce processus implique une série d’étapes à mettre en oeuvre lorsque l’enfant doit répondre à une situation sociale, pouvant être critique ou une résolution de problèmes sociaux.
Selon le modèle du traitement de l’information sociale, la résolution de problèmes sociaux correspond à un processus cognitif et comportemental qui va permettre à une personne de pouvoir identifier et découvrir une solution valable à un problème donné (D'Zurilla, Nezu, & Maydeu-Olivares, 2004). Comme le processus de résolution de problèmes sociaux intervient dans l’environnement social de l’enfant, il influence son adaptation sociale (Yeates et al., 2007).
Le lien entre les CSE et les comportements externalisés a été démontré dans plusieurs études (Hughes, Dunn, et al., 1998)(Happé & Frith, 1996; Hughes et al., 2001). Par exemple, Walker (2005) démontre que la compréhension des croyances vient prédire les comportements agressifs et perturbateurs chez des garçons d’âge préscolaire. Hughes (2011, p. 131) explique que l’agressivité chez des enfants semble être le résultat d’une mauvaise compréhension de l’intention d’autrui. Un enfant pourrait par exemple conclure qu’une action a été entreprise de façon délibérée dans le but de blesser l’autre. En ce qui concerne la compréhension des émotions, Hughes et collaborateurs (1998) rapportent un déficit chez les enfants avec comportements externalisés au niveau de la reconnaissance des émotions qui se traduit par un retard de développement de la ToM. Plusieurs auteurs (Eisenberg et al., 2001; Hughes, Dunn, et al., 1998; Speltz et al., 1999) démontrent que plus un enfant a du mal à reconnaitre et à comprendre les émotions, plus il aura des difficultés comportementales (et inversement).
Finalement, nous savons que les CSE influencent les interactions sociales, qui à leur tour agissent sur l’adaptation sociale. Denham et al. (2003) démontrent qu’un enfant de 3-4 ans qui exprime des émotions positives, qui régule ses émotions et qui est capable de reconnaitre et comprendre les émotions d’autrui, est un enfant qui 2 ans plus tard sera perçu comme ayant une bonne adaptation sociale. A l’inverse, un enfant qui est régulièrement fâché aura moins l’occasion d’avoir des ouvertures positives pour une relation avec des pairs, et plus probablement répondra hostilement.
Concrètement
Les résultats des recherches précédentes de Marine Houssa, Alexandra Volckaert, Nathalie Nader-Grosbois et Marie-Pascale Noël ont été publiés dans des revues internationales et ont mis en évidence de bénéfices cognitifs, émotionnels et comportementaux (voir les travaux de Volckaert & Noël 2015, 2016 et Houssa & Nader-Grosbois 2016a, 2016b). En combinant les interventions dans le cadre de ce présent projet, nous nous attendons à un impact positif et significatif sur les performances scolaires, la régulation émotionnelle, le contrôle du comportement et l'adaptation sociale chez les enfants ayant bénéficié de l'intervention (enfants plus tolérants, moins égoïstes, plus adaptés socialement, enfants moins agités et impulsifs, et qui régulent mieux leurs émotions). Nous espérons en outre voir un impact positif sur le sentiment de compétence de l'enseignant.
« INEMO KIDSCHOOL » permet une prise en charge des difficultés liées aux problématiques de type hyperactivité/troubles de l’attention et à la gestion des émotions, dans une démarche de prévention, dès le plus jeune âge (3ème maternelle et/ou 1ère primaire).
Pourquoi en prévention?
- Car nous savons que les diagnostics de type trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ne se font pas avant l’âge de 6 ans (DSM-V) mais que les difficultés sont souvent présentes bien avant cet âge (difficultés liées à l’inattention, l’agitation, les colères, etc). Les difficultés comportementales constituent la plainte la plus récurrente chez les parents d’enfants d’âge préscolaire (Owens & Shaw, 2003).
- Car les troubles du comportement sont présents chez 25 à 40% des enfants d’âge préscolaire, dont 7 à 15% à des degrés modérés à sévères. Les troubles du comportement engendrent souvent des difficultés dans les relations familiales, sociales ainsi que dans les apprentissages scolaires (Campbell, Shaw & Gilliom, 2000; Roskam, Noël & Schelstraete, 2011).
- L’intérêt de ce projet de recherche pour l’avenir n’est pas négligeable. Il n’est pas nécessaire de rappeler à quel point les enseignants se sentent démunis au quotidien face au nombre toujours grandissant d’enfants présentant des difficultés comportementales et/ou attentionnelles, ou encore d’enfants qui ne sont pas motivés par l’école. Leur permettre d’acquérir les outils nécessaires pour gérer ces difficultés ou pour réussir à motiver les élèves est donc primordial, augmentant par la même occasion le sentiment de compétence des enseignants (et limitant les cas de burn out fréquents dans cette profession). Il y a donc un intérêt pour les enseignants mais également pour les enfants qui pourront apprendre à gérer leurs émotions et leur impulsivité, sans parler des parents/familles qui se sentiront prises en considération également.
- Car les maternelles installent les bases d’une scolarité sereine et c’est donc dès ce moment qu’il est important d’agir, avant que les difficultés n’apparaissent chez certains enfants.
Jeu symbolique
Concepts
A partir de l’âge de deux ans jusqu’environ 7 ans, les enfants se situent à la période développementale symbolique. Au-delà du développement important du langage, les enfants jouent à ‘faire semblant’ et se construisent des représentations mentales propices à leurs compétences dans diverses dimensions.
Selon de Fein (1981) et McCune-Nicolich (1981), ‘Le jeu symbolique est un comportement posé de manière simulée, non littérale ou ‘comme si’. Les critères suivants permettent de le reconnaître :
- exécution d’une activité familière en l’absence du matériel nécessaire ou du contexte social habituel
- exécution d’une action en dehors de sa fonction habituelle
- objet inanimé traité comme objet animé
- objet ou geste substitué à un autre
- mime d’une action généralement exécutée par quelqu’un ou quelque chose d’autre
- comportements affectifs et instrumentaux par lesquels l’enfant signale la qualité non littérale de l’activité’
Selon des néopiagétiens, différentes composantes du jeu symbolique peuvent être distinguées et analysées :
- la productivité de scripts symboliques
- l’engagement (Giffin, 1984)
- le niveau de complexité des actions, des rôles, de l’usage fictif des objets (Bretherton, 1984)
- la participation sociale (Higginbotham & Baker, 1981)
Intérêt
Que ce soit en famille, à l’école ou dans des activités ludiques avec des amis, des voisins, les enfants avec ou sans troubles de développement, ont de multiples occasions de jouer à faire-semblant à propos scénarios de vie quotidienne, à imiter des rôles d’adultes et ou de scénarios de fiction, et propos de diverses thématiques (autour du repas, d’un itinéraire, de scène de rôle du docteur, de créativité).
Lors d’épisodes de jeux de faire-semblant, les enfants apprennent des règles sociales, utilisent le langage, de façon spontanée et découvrent la coopération sociale, l’engagement mutuel, des rôles sociaux et la créativité (Vieillevoye & Nader-Grosbois, 2008a). L’expérience de jeux de faire-semblant contribuent également chez les enfants à développer des capacités à résoudre des problèmes tant cognitifs que sociaux et à mobiliser leur autorégulation (Nader-Grosbois & Vieillevoye, 2012 ; Vieillevoye & Nader-Grosbois, 2008b, 2009).
Le jeu de faire-semblant offre une richesse de situations à observer, à analyser, intéressantes non seulement pour évaluer les compétences des enfants mais aussi pour les enrichir dans l’intervention.
Des psychologues, des enseignants ou des professionnels peuvent à la fois observer finement ces comportements de jeu symbolique, en utilisant des outils fiables et organiser des ateliers propices au développement des enfants.
Questions
- Comment se développement les compétences en jeu symbolique ?
- Y-a-t-il un retard ou des déficits dans le développement du jeu symbolique d’enfants ayant des déficiences ?
- Quelles sont les forces et faiblesses repérables dans les différentes dimensions du jeu symbolique, la productivité des scripts, l’engagement, la participation sociale, la complexité des rôles, des actions, de l’usage de l’objet ?
- Quels liens les compétences en jeu symbolique entretiennent-elles avec le niveau cognitif et langagier, social et en autorégulation ?
- Sur base des profils de compétences en jeu symbolique, comment intervenir
de façon efficace ?
- Chez de jeunes enfants à développement typique
- Chez des enfants d’âge de développement préscolaire, présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez des enfants présentant des troubles du comportement
- Chez des enfants à risque
Evaluation
Concernant l’évaluation du développement des représentations symboliques, des outils d’évaluation individuelles peuvent être utilisés, tels que :
- le Symbolic Play Test (SPT, Lowe & Costello, 1988)
- le Test of Pretend Play (ToPP, Lewis & Boucher, 1997) ou l’Observation du jeu de faire semblant (Vandenplas & Deleau, 2004)
On peut utiliser une grille conçue dans l’équipe de la Professeure Nathalie Nader-Grosbois:
- la Grille d’analyse du jeu symbolique dyadique (Vieillevoye & Nader-Grosbois, 2008a, p. 9) qui permet d’évaluer lors de scénarios de jeux (dînette, docteur, transport-itinéraire, créativité) proposés à des enfants en dyades, les comportements symboliques en fonction de leur productivité, de l’engagement, de la complexité dans les actions, les usages des objets, les rôles et de la participation sociale.
Plusieurs études empiriques ont appliqué cette grille afin de comparer les compétences en jeu symbolique dyadique d’enfants tout-venant d’âge préscolaire à primo-scolaire et des enfants présentant une déficience intellectuelle (Vieillevoye & Nader-Grosbois, 2008a-b, 2009, 2012) ou d’autres troubles de développement, ou à risque.
Intervention
Plusieurs programmes d’intervention intègrent l’entraînement du jeu de faire-semblant en lien avec :
- l’entraînement de la cognition sociale, comme certains programmes destinés aux enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme, dont celui de Howlin, Baron-Cohen et Hadwin (2010, chapitre 4)
- l’entraînement des fonctions exécutives, comme le programme de Diamond, Barnett, Thomas et Munro (2007).
- l’entraînement de stratégies d’autorégulation, dans l’équipe de Nathalie Nader-Grosbois
Autorégulation et métacognition
Concepts
Dans la littérature, sont proposées différentes approches de l’autorégulation relevant de la psychologie développementale, la psychologie des apprentissages, l’éducation cognitive, la pédagogie par résolution de problème et la psychologie différentielle du développement… Ce concept incorpore plusieurs dimensions du fonctionnement humain, cognitives, métacognitives, affectives, motivationnelles... En cela, il n’est pas aisé de le définir de façon univoque.
En référence à cette littérature relevant de différents champs, ‘un modèle intégré de l’autorégulation et de l’hétérorégulation’ a été élaboré par Nader-Grosbois (2007), présenté dans le chapitre 1 de l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ (pp. 15-30).
Elle définit ‘une personne qui s’autorégule, en référence à un objectif fixé, planifie, anticipe ses actions en explorant les moyens à disposition, contrôle ses actions, son attention, sa motivation en cours de réalisation, et évalue les effets de ses actions et les ajuste’.
Ce modèle différencie sept stratégies autorégulatrices qui peuvent être mobilisées par un enfant, un adolescent ou un adulte en résolution de problème, en situation d’apprentissage ou d’évaluation, ou en situation de vie quotidienne. Parmi les stratégies autorégulatrices cognitives, figurent l’identification de l’objectif, la planification et l’exploration des moyens, l’autorégulation de l’attention et l’auto-évaluation. Parmi les stratégies autorégulatrices socio-communicatives se distinguent les sollicitations et réponses de l’attention conjointe, et la régulation de comportement (requêtes ou demandes d’aide, d’approbation). A celles-ci s’ajoutent les stratégies autorégulatrices motivationnelles.
Intérêt
Plusieurs raisons justifient l’intérêt du processus d’autorégulation à la fois en recherche et en intervention.
L’autorégulation peut être examinée à chaque période de vie, petite enfance, enfance, adolescence et âge adulte. Elle peut donc concerner divers milieux d’intervention (précoce, préscolaire, scolaire, d’accompagnement, etc.). Elle intègre différentes dimensions de l’être humain : cognitives, métacognitives, motivationnelles, émotionnelles… et la façon dont il sollicite son environnement social pour être aidé, si nécessaire.
Elle peut être analysée à la fois chez des personnes ordinaires et à développements atypiques (présentant une déficience intellectuelle, des troubles du spectre de l’autisme, des troubles de comportement, des difficultés d’apprentissage…).
Lors de situations-défis, de transition de vie, l’autorégulation a un rôle important pour rendre la personne capable de répondre de façon optimale ou de s’adapter au changement.
Elle s’oriente vers des finalités soutenues actuellement par la société, c’est-à-dire, l’autonomie, l’adaptabilité et l’autodétermination des personnes.
Questions
- Comment se développent l’autorégulation et la métacognition ?
- Quelles stratégies d’autorégulation peuvent être mobilisées par les enfants dans diverses situations d’évaluation, d’apprentissages, de jeux symboliques, de résolutions de problèmes, et dans différents contextes (seuls, avec un adulte ou avec un autre enfant)?
- Comment les enfants et adolescents peuvent-ils mettre en œuvre leurs stratégies métacognitives lors de résolutions de problèmes cognitifs ?
- Quels sont les liens entre les stratégies d’autorégulation et les performances en résolutions de problèmes, en situation d’évaluation et de jeux ?
- Chez de jeunes enfants d’âge précoce et d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants, adolescents présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles externalisés du comportement
- Comment leurs stratégies d’autorégulation sont-elles liées aux stratégies d’étayage et d’hétérorégulation de l’adulte ou de pairs, dans différentes situations, d’évaluation, d’apprentissages, de jeux symboliques, de résolutions de problèmes ?
Evaluation
Pour évaluer l’autorégulation, plusieurs méthodes de nature différentes ont été développées par des chercheurs de différents champs et elles répondent à des objectifs variés. Ces dispositifs et questionnaires évaluant l’autorégulation sont recensés et expliqués dans le chapitre 2 de l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ (Nader-Grosbois, 2007, pp.31-42 et ses annexes)
Sur base du modèle intégré de l’autorégulation et de l’hétérorégulation, Nathalie Nader-Grosbois (2007, pp. 26-30, pp. 317-319) a élaboré une ‘Grille d’analyse des stratégies autorégulatrices’ se distinguant comme suit :
- Identification de l’objectif
- Exploration des moyens, planification des actions
- Attention conjointe
- Requête
- Attention
- Motivation
- Evaluation
Ces stratégies sont opérationnalisées à travers des indicateurs comportementaux qui peuvent être observés lors de diverses situations d’apprentissage, de résolution de problème, de jeu, d’évaluation ou de vie quotidienne. Selon les comportements manifestés par la personne, ils correspondent à trois degrés d’autorégulation (faible, modérée, élevée) pouvant se traduire en scores par stratégie et en score global d’autorégulation.
Cette grille a été validée et est applicable pour l’observation de jeunes enfants, enfants, adolescents et adultes, qu’ils soient tout-venant ou présentant des troubles de développement ou des déficiences. Des profils de forces et de faiblesses en autorégulation peuvent être établis, permettant la comparaison des niveaux entre différentes stratégies ou entre différentes situations.
Cette grille est présentée dans l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ dans le chapitre 1 et une annexe (Nader-Grosbois, 2007, pp. 26-30, pp. 317-319) et fait l’objet de plusieurs publications d’articles et de chapitres d’ouvrages.
D’autres outils ont été développés pour apprécier l’autorégulation d’adolescents ou d’adultes dans leur gestion de vie, dont
- ‘Outil d’entretien à propos du point de vue de la personne sur son autorégulation’ (Nader-Grosbois, 2007, annexe, pp.321-325)
Il correspond à un guide d’entretien semi-structuré qui permet d’analyser cinq stratégies autorégulatrices relatives:
- aux objectifs et aux décisions
- à la résolution de problèmes, aux moyens-buts
- au management, à l’auto-observation et autoévaluation
- à la motivation
- à l’adaptabilité et l’ajustement
dans onze secteurs de la vie quotidienne :
- logement
- travail, activité
- agenda
- argent-achat
- apparence
- soins de santé
- bien-être psychologique
- relations, amis
- couple
- loisirs
- alimentation
A partir des réponses de la personne aux questions, une analyse du contenu des réponses ou la proposition de réponses au choix, il est possible de déterminer son degré d’autorégulation en fonction de ce que la personne sait gérer seule et en fonction du degré d’aide nécessaire ou non, ceci pour chaque secteur d’activité et en référence à chaque type de stratégie autorégulatrice. L’autorégulation globale peut aussi être estimée. Les différents niveaux d’autorégulation correspondent à des points indiquant :
- une autorégulation nulle (la personne ne sait pas du tout faire les choses, ni identifier les éléments de la situation)
- une autorégulation faible (la personne est beaucoup aidée pour faire les choses, l’activité mais elle identifie bien les éléments de la situation dont les objectifs, les moyens…)
- une autorégulation modérée (la personne arrive à faire seule les choses, l’activité mais elle a besoin d’un peu d’aide)
- une autorégulation élevée (la personne fait seule les choses, l’activité, sans aide extérieure).
Cet outil d’entretien a été utilisé par plusieurs équipes dans le cadre de travaux scientifiques et de professionnels accompagnant des adolescents et des adultes présentant une déficience intellectuelle.
Intervention
Les travaux scientifiques ont dégagés des pistes pour l’intervention et des programmes d’intervention ont été testés pour identifier dans quelle mesure ils pouvaient être favorables au développement de l’autorégulation depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Certaines pistes et programmes sont précisés dans l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ dans plusieurs chapitres et dans la conclusion (Nader-Grosbois, 2007, pp.278-284), ainsi que dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ (Nader-Grosbois, 2015), pour des enfants présentant une déficience intellectuelle (pp. 252-255), des troubles du spectre de l’autisme (pp.321-325), des troubles du comportement (p.319).
Dysrégulation
Concepts
En psychopathologie du développement, les dysfonctionnements de la régulation ou les ‘dysrégulations’ se traduiraient au cours d'activités et de résolutions de problèmes, par la précipitation des comportements, le mauvais choix d’actions, la répétition d’actions inefficaces sans les réajuster, des ruptures dans la séquence d'actions, ou le manque de coordination des actions... (Nader-Grosbois, 2007).
En neuropsychologique du développement, les difficultés de régulation d'enfants à troubles de développement relèvent de troubles des fonctions exécutives touchant le contrôle, la planification, l’anticipation et le maintien de comportements à caractère cognitif et émotionnel.
A partir de l’observation d’enfant présentant des troubles de développement, en particulier des troubles du spectre autistique, ont été développés des ‘modèles de dysrégulation développementale et dysfonctionnelle’ (Adrien, 1996, 2005) ou de déficit général de l’autorégulation (Whitman, 2004) et une conception intégrée de l’autorégulation et de dysrégulation (Nader-Grosbois, 2011b).
Quelques études ont montré des liens significatifs entre la dysrégulation et des niveaux développementaux cognitifs et socioémotionnels plus faibles, de moindres habiletés fonctionnelles, un faible niveau de jeu symbolique, ainsi que des hétérogénéités développementales (Adrien, 1996 ; Blanc, Adrien, Roux, & Barthélémy, 2005, 2007 ; Seynhaeve & Nader-Grosbois, 2008)
Intérêt
Détecter les difficultés de régulation de l’activité le plus précocement possible, chez les enfants peut contribuer à comprendre des faiblesses dans des performances dans certaines situations ou dans des domaines de développement particulier.
Comme le développement de compétences dans différents domaines et d’habiletés fonctionnelles en vie quotidienne peut être entravé par la dysrégulation de l’activité, il est essentiel d’intégrer ce processus dans l’évaluation et l’intervention.
Pour prévenir et intervenir efficacement pour diminuer la dysrégulation de l’activité, il est indispensable d’évaluer quelles anomalies sont observables. Les psychologues, les parents, les professionnels peuvent ainsi y porter attention et adapter leur rôle pour enfreindre celles-ci.
Questions
- Comment la dysrégulation de l’activité se manifeste-elle en situation d’évaluation développementale, en résolution de problème, en situation d’apprentissage ou de vie quotidienne ?
- Quelles anomalies sont les plus sévères dans la dysrégulation de l’activité, selon le type de troubles ?
- La dysrégulation varie-elle en fonction des caractéristiques de l’enfant, son âge chronologique, son âge développemental ou mental, son diagnostic ?
- Quels sont les liens entre la dysrégulation et les niveaux de performances de l’enfant aux tâches de différents domaines?
- Comment la dysrégulation de l’activité est-elle liée à des hétérochronies de développement ?
- La dysrégulation de l’enfant varie-t-elle en fonction de l’hétérorégulation proposée par l’adulte dans les situations d’évaluation, de résolution de problème ou d’apprentissages ?
- La dysrégulation de l’enfant atypique enfreint-elle l’autorégulation ?
- Sur base des profils de dysrégulation, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez de très jeunes enfants à développement typique
- Chez des enfants d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants, adolescents présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles externalisés du comportement
Evaluation
Des outils méthodologiques ont été élaborés en vue d’observer, d’analyser et de coter finement le degré, l’intensité et la fréquence des troubles de régulation ou de la dysrégulation de l’activité.
Parmi ces outils, la Professeure Nathalie Nader-Grosbois et son équipe, ont utilisé :
- La Grille d’analyse de la dysrégulation de l’activité ou ‘Grille de Régulation, Adaptation et Modulation’ (GRAM, Adrien, 1996) qui permet d’évaluer cinq anomalies chez des enfants : une variabilité de niveaux des conduites, une persévération ou répétition dans les actions, des ruptures et une lenteur d’activité, une désynchronisation entre les actions, des troubles d’association
Plusieurs publications en articles, en chapitres d’ouvrages des équipes du Professeur Jean-Louis Adrien et de la Professeure Nathalie Nader-Grosbois, ont montré la pertinence de l’utilisation de cette grille d’analyse GRAM.
Intervention
Sur le plan de l’intervention, on vise, à des fins préventives, à limiter les anomalies de la régulation précoce ou la dysrégulation dans les activités sensori-motrices et symboliques, de manière à ce que la remédiation puisse avoir des répercussions sur un développement plus harmonieux dans divers domaines développementaux et fonctionnels (Adrien, 2005, pp. 1-11).
Par exemple, dans le programme IDEES (Gattegno, Abenhaim, Kremer, Castro, & Adrien, 2006b), une intervention intensive longitudinale en environnement écologique des enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme vise à améliorer leur régulation (et diminuer leur dysrégulation) de façon constante. Ceci dans des activités sociales, interactives, émotionnelles, cognitives et des situations d’apprentissage avec des professionnels qui cherchent à améliorer leur développement et leur intégration sociale.
Autodétermination
Concepts
Depuis ces dernières décennies, tant les chercheurs que les professionnels du champ de l’orthopédagogie sont imprégnés par les préoccupations de valorisation des rôles sociaux et de reconnaissance du droit des personnes présentant une déficience intellectuelle à faire des choix de vie. Plusieurs contributions d’auteurs ont conceptualisé l’autodétermination et l’autorégulation de ces personnes (Agran, 1997 ; Mithaug, Mithaug, Agran, Martin, & Wehmeyer, 2003 ; Sands & Wehmeyer, 1996 ; Wehmeyer, 1996 ; Whitman, 1990a-b).
Précisons que l’autodétermination est définie comme les habiletés et attitudes d’une personne lui permettant d’agir sur sa vie en effectuant des choix non influencés par des agents externes indus (Sands & Wehmeyer, 1996). La personne s’autodétermine si elle agit de manière autonome et autoréalisée, avec empowerment psychologique par un certain contrôle sur sa vie, et si elle aurorégule ses comportements.
Selon Agran (1997), pour s’autoréguler, une personne mobilise des stratégies :
- de self-management impliquant l’autoobservation, l’autoévaluation, l’autorenforcement et l’auto-instruction
- d’établissement et de planification de buts et d’objectifs, en fonction de ses motivations, de ses choix et de ses ressources
- de résolution de problèmes en fonction de l’analyse du problème et des moyens disponibles
- d’adaptabilité et d’autocontrôle des comportements en référence aux objectifs.
Des chercheurs (dont l’équipe de Nathalie Nader-Grosbois) ont examiné, au cours d’études empiriques, les particularités de l’autodétermination, ou de l’autorégulation chez des personnes présentant une déficience intellectuelle lors de résolution de problèmes ou d’apprentissages ou dans leur vie quotidienne.
Intérêt
Pour aider les personnes ayant une déficience intellectuelle à être citoyenne, à décider dans leur vie et à choisir dans divers contextes, il est indispensable d’étudier leurs compétences et leurs déficits en autorégulation et en autodétermination dans leurs composantes et dans différents domaines.
Pour adapter la façon dont les professionnels et les parents peuvent les accompagner en faveur de cette autodétermination, il faut partir de leurs profils de compétences et d’autorégulation, évaluer par des outils adéquats.
Questions
- Comment se développe l’autodétermination? Quelles compétences en autodétermination peuvent être activées dans la gestion de vie au quotidien dans différents domaines ?
- Quels sont les liens entre l’autodétermination et les motivations des personnes ?
Chez des adolescents et adultes présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies - Comment l’accompagnement de ces personnes peut-il favoriser l’autodétermination ?
Evaluation
Une série de mesures par questionnaire, par entretien semi-structuré a été mise au point dans plusieurs équipes de chercheurs et de praticiens nationaux et internationaux, qui ont fait l’objet de validation.
Trois outils d’entretien ont été conçus par la Professeure Nathalie Nader-Grosbois et son équipe. Ils sont présentés dans le chapitre 14 de l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ et dans une annexe (Nader-Grosbois, 2007, pp.245-276, pp. 321-325), ainsi que dans le chapitre 7 de l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ (Nader-Grosbois, 2015, pp.282-283),
- Outil d’entretien à propos du point de vue de la personne sur son autorégulation
- Outil d’entretien sur le projet de la personne en tant que perspective de mobilisation des ressources
- Outil d’entretien sur les motivations essentielles à l’action par la personne
Dans le chapitre 7 de l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ (Nader-Grosbois, 2015, pp.283-284), sont repris quelques exemples de programmes d’intervention en faveur de l’autorégulation et l’autodétermination en gestion de vie pour des personnes présentant une déficience intellectuelle.
Qualité de vie
Concepts
Des modèles développés en psychologie de la santé se sont intéressés aux facteurs jouant sur la qualité de vie (QDV) de jeunes enfants ‘en bonne santé’ et présentant des maladies chroniques (Manificat & Dazord, 2002a). Ceux-ci ont influencé l’intérêt et l’approche de la qualité de vie des jeunes enfants présentant des déficiences et troubles de développement, qui semblent également à risque.
L’OMS (1994) a défini la qualité de la vie comme ‘ la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement’. Cette définition très globale implique diverses approches de la QDV. Elle peut correspondre à un bien-être, à une satisfaction de vie par la réponse à différents besoins et à la perception de sa santé, etc., selon l’approche concernée.
Bien que la QDV soit un concept complexe et à définitions multiples, un consensus se dégage sur certains aspects à prendre en compte :
- son aspect multidimensionnel (physique et somatique, psychologique et social),
- son aspect subjectif référant à la perception de l’enfant ou celle des parents,
- son aspect dynamique et flexible car elle est sensible aux changements, elle varie selon l’âge de l’enfant et les facteurs environnementaux (Nader-Grosbois, 2009b).
Intérêt
Les intérêts d’évaluer la QDV des enfants permet d’estimer précocement les conséquences de la déficience ou maladie, de dépister et de prévenir les éventuels détresses ou dysfonctionnements psychologiques qu’elle induit. La compréhension de l’impact d’une pathologie est une étape pour comprendre l’adhérence et la compliance à un traitement et à une prise en charge thérapeutique par l’enfant.
Repérer les faiblesses de la QDV chez des enfants peut permettre de mieux comprendre certains facteurs défavorables à son développement.
Des inquiétudes chez les parents ou chez les professionnels à propos du bien-être d’un enfant justifient que l’on s’intéresse à sa perception de QDV.
Questions
- Quels sont les domaines de qualité de vie des enfants à risque ou avec troubles de développement qui sont les plus affectés ?
- Quels sont les liens entre les niveaux de qualité de vie et les niveaux de développement dans différents domaines (cognitifs, communicatifs, émotionnels, en adaptation sociale…) ?
- Quels sont les facteurs favorables versus défavorables pour la qualité de vie des enfants et adolescents ?
- Quels sont les liens entre les profils de qualité de vie et la résilience des enfants et adolescents ?
- Sur base des profils de qualité de vie, comment intervenir de façon efficace pour l’améliorer ?
- Chez de jeunes enfants à développement typique
- Chez des enfants d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants, adolescents présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles externalisés du comportement
- Chez des enfants ‘à risque’
Evaluation
On peut utiliser des mesures hétérorapportées par les parents ou des mesures autorapportées par l’enfant, l’adolescent, prévoyant l’usage de supports non verbaux ou verbaux simples et adaptés aux jeunes enfants ou du langage pour les enfants plus âgés.
Une recension des outils d’évaluation de la qualité de vie est proposée dans l’ouvrage ‘Psychologie du Handicap’ de Nader-Grosbois (2015), pour différents âges.
Intervention
Selon la période de vie concernée, certains programmes d’intervention intègre la QDV dans leurs objectifs, mais peu dans le cadre d’intervention précoce.
Toutefois, des principes généraux ont été déterminés pour assurer la QDV d’enfants à risque de retard de développement et en situation de handicap, en veillant à satisfaire leurs besoins sur les plans physique, social, émotionnel, etc. et les besoins de leur famille (Reif, 2000). Ceci en mobilisant les ressources du milieu naturel et les services de la communauté, médicaux, paramédicaux, sociaux et psychoéducatifs. Par ailleurs, les programmes visant l’amélioration de la communication, des relations précoces avec les parents et des relations sociales avec les pairs sont susceptibles de contribuer à une meilleure QDV.
Une recension des programmes d’intervention intégrant la qualité de vie est proposée dans l’ouvrage ‘Psychologie du Handicap’ de Nader-Grosbois (2015), pour différentes périodes et déficiences, ainsi que dans l’ouvrage ‘Résilience, régulation et qualité de vie’ de Nader-Grosbois (2009).
Résilience familiale
Concepts
Deux approches de la résilience familiale se distinguent (Delage & Cyrulnik, 2010, p. 42-43).
La première s’intéresse aux caractéristiques familiales contribuant à la résilience d’un individu qui reçoit un soutien psychoaffectif suite à un traumatisme.
La deuxième s’intéresse aux manifestations d’une résilience du groupe familial face à un événement traumatique pour la famille, autrement dit, au ‘processus résilient familial maintenant une cohésion, un bien-être et un développement familial’.
Ce processus de résilience familiale implique des compétences collectives renforçant les compétences individuelles des personnes concernées par l’événement traumatisant. Chaque membre d’une famille vit de façon singulière les liens d’appartenance et les liens d’attachement alimentés par le partage émotionnel d’expériences vécues. Lorsque ces personnes vivent ensemble une souffrance, ils éprouvent des difficultés à la partager, à en parler parce que les émotions sont trop intenses, ou trop complexes pour mettre des mots sur les ressentis (Delage, 2009, p. 169-170).
Une recension des travaux consacrés à la résilience familiale est proposée dans des articles et dans un chapitre ‘Stress and resilience in families with atypical children’ (Baurain & Nader-Grosbois, 2009 de l’ouvrage ‘Résilience, régulation et qualité de vie’ de Nader-Grosbois (2009) et dans le chapitre. ‘Etre parents d’un enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme : du stress… à une vie de meilleure qualité’ (Nader-Grosbois & Cappe, 2015 dans l’ouvrage ‘Stress et défis de la parentalité, Thématiques contemporaines’ (Roskam & Mikolajczak, 2015).
Intérêt
Dans ce cadre, la naissance d’un enfant avec une déficience et l’annonce d’un diagnostic constituent un événement perturbant qui peut provoquer la désorganisation d’une famille en rompant son équilibre ; elle doit ainsi opérer des changements organisationnels et relationnels, faire face à un défi adaptatif et faire preuve de ‘résilience familiale’ (Walsh, 1998, 2002).
Questions
- Quelle est la variabilité dans le processus de résilience familiale au sein de familles ayant un enfant présentant des déficiences et troubles de développement différents ?
- Quels facteurs individuels, familiaux sont favorables ou défavorables à la résilience familiale depuis l’annonce jusqu’à des périodes ultérieures d’éducation ?
- Quels facteurs de l’intervention, de l’accompagnement auprès de l’enfant, de ses parents, et de la famille favorisent ou enfreignent la résilience familiale ?
Evaluation
Un canevas interprétatif des représentations de la famille à propos de sa résilience a été mis au point par la Professeure Nathalie Nader-Grosbois (2008, 2009, 2010) permet d’aider les chercheurs et les professionnels à cibler les facteurs en jeu à évaluer ou pour lesquels des données qualitatives doivent être recueillies.
Intervention
Dans certains cas, une psychothérapie familiale est nécessaire pour atténuer la souffrance, soutenir l’intersubjectivité et les compétences des membres de la famille (Delage, 2004, p. 2-3 ; Delage, 2009, p. 175 ; Delage & Cyrulnik, 2010) et elle vise à :
- la restauration de la « protection » au sein de la famille
- la reconnaissance de la souffrance de chacun
- le partage émotionnel
- la mobilisation de l’intersubjectivité par la mutualité des émotions, la conscience réflexive et l’empathie envers les états mentaux d’autrui, la reconstruction d’une réalité sur base des apports de chacun dans l’activité narrative.
Une recension des interventions propices à soutenir la résilience familiale, proposées aux familles d’enfants ayant des déficiences intellectuelles, des troubles du spectre de l’autisme, des troubles du comportement, etc. est proposée dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ de Nader-Grosbois (2015) ainsi que dans l’ouvrage ‘Résilience, régulation et qualité de vie’ de Nader-Grosbois (2009)