Une semaine après le démarrage de la campagne de vaccination contre le Covid-19, l’UCLouvain rassemble ses expert·es, afin de répondre à la question : quelles conditions pour vaincre le Covid-19 ?
Comment s’assurer l’adhésion de la population face au vaccin ? Comment convaincre de son efficacité ? Faut-il activer d’autres pistes complémentaires au vaccin ? Enfin, à partir de quand cette campagne de vaccination va permettre un déconfinement ?
Le vaccin, outil sûr et efficace. Et un progrès immense pour la prévention du covid-19
Sophie Lucas et Pierre Coulie, immunologistes
Pour rappel, « l’objectif de la vaccination est de protéger les personnes contre une maladie infectieuse, en diminuant la transmission ou les impacts sévères de cette maladie » explique Sophie Lucas, immunologiste UCLouvain.
Comment les scientifiques sont-ils parvenus à mettre au point un vaccin efficace et sûr contre le covid-19, en un temps record ?
- Grâce à la collaboration entre scientifiques, décuplée par la crise mondiale
- Grâce à la technologie innovante des vaccins à base d’ARN messagers, déjà en développement pour lutter notamment contre le cancer
- Grâce aux moyens financiers colossaux dégagés : « quand on y met les moyens et l’énergie, on peut y parvenir » constate Pierre Coulie, immunologiste UCLouvain
- Grâce aux connaissances scientifiques préexistantes, par exemple sur des coronavirus qui ont causés des épidémies en Asie, dont on connaissait la porte d’entrée dans nos cellules et donc le point faible à cibler
- Grâce à la superposition des phases d’essais cliniques et au nombre élevé de volontaires recrutés pour les essais cliniques
- Grâce aux efforts des agences régulatoires qui ont accéléré la vérification et la validation des essais cliniques
Que sait-on des vaccins contre le covid-19 ?
- Ils sont sûrs puisqu’ils ont passé le cap des essais cliniques sur des dizaines de milliers de personnes dans le monde
- Ils sont efficaces : ils assurent une immunité contre le covid-19 durant min. 6 mois (durée des tests actuels) et donc, permettent d’éviter de développer la maladie sous sa forme sévère (ce qui est l’objectif de tout vaccin)
Quelles sont encore les inconnues ?
- La personne vaccinée est protégée, mais on ne sait pas encore si ça l’empêche de transmettre le virus aux personnes non vaccinées.
La suite ? Pour la prévention du covid-19 : poursuivre le développement d’autres vaccins (plusieurs seront nécessaires) et l’évaluation de leur efficacité et de leur innocuité à très long terme. Pour les traitements du covid-19 : poursuivre les recherches pour mettre au point des médicaments qui permettrait de diminuer les effets du virus lorsqu’on est infecté. Ce que les deux immunologistes UCLouvain retiennent ? « Cette crise sanitaire aura permis de faire un bond extraordinaire dans notre capacité à développer de nouveaux vaccins, il s’agit d’un progrès phénoménal. »
La réussite de la logistique passe par la clarification des publics prioritaires
Mathieu Van Vyve, spécialiste de la modélisation mathématique et de l’optimisation
Qui, combien et où. Pour réussir une action de grande ampleur, l’essentiel est de connaître, en amont, qui et le nombre de personnes concernées ainsi que le ou les lieux où l’action se déroulera.
Etape n°1 : clarifier les publics prioritaires
Dans le cadre de la campagne de vaccination, l’essentiel est que chaque dose de vaccin soit injectée aux bonnes personnes. Au risque de perdre des doses inutilement. Selon Mathieu Van Vyve, expert en optimisation à l’UCLouvain, une semaine après le début de la campagne de vaccination, « il faut absolument que le gouvernement clarifie quels sont les publics prioritaires qui doivent être vaccinés. Il s’agit d’être précis, pour éviter le gaspillage. » Autre impondérable : connaître précisément le nombre de doses à délivrer aux bons endroits.
Etape n°2 : le tracing
Lorsque les publics prioritaires auront été vaccinés, il s’agira d’avoir une idée précise de qui aura déjà reçu le vaccin, ou pas. Afin de déterminer à nouveau les publics cibles et donc, la manière d’organiser la 2e phase de la campagne de vaccination. « Tout changement de stratégie aura un impact direct sur la logistique et sur le tracing des personnes qui doivent encore être vaccinées. »
Dernière difficulté de la logistique de cette campagne ? La gestion des indécis. Il s’agit de déterminer de la manière la plus précise possible le pourcentage d’incertitude (personnes qui se désistent) afin de gérer au mieux les stocks et éviter des pertes de doses des vaccins.
L’évolution du virus covid-19 freinée grâce aux confinements et aux vaccins
Leïla Belkhir et Jean Cyr Yombi, infectiologues
« La majorité des grandes épidémies ont été arrêtées par la vaccination : c’est vrai pour la variole, la rougeole ou la polio. » Tour d’horizon des questions que se pose le grand public à propos des vaccins contre le Covid-19.
Lire la suite »
Qu’est-ce qu’un vaccin ARN ?
Les deux vaccins homologués actuellement, Pfizer et Moderna, sont des vaccins ARN. De quoi s’agit-il ? Lorsque le coronavirus, qui est un virus ARN, pénètre dans l’organisme, il fait en sorte de se répliquer en utilisant notre ingénierie pour produire beaucoup de protéines différentes. La technique du vaccin ARN consiste à prendre une petite séquence de l’ARN du virus qui sert de ‘mode d’emploi’ pour fabriquer la fameuse protéine S. En très bref, c’est celle-ci qui est reconnue par notre système immunitaire afin qu’il puisse nous défendre. C’est un très court morceau d’ARN, très fragile donc très rapidement détruit dans l’organisme, qui sert uniquement de ‘manuel’ pour la fabrication de la protéine. C’est de l’ARN (qui reste en-dehors des noyaux des cellules) et pas de l’ADN, il n’est donc pas question de modification de notre génome.
C’est la première fois qu’un vaccin ARN est commercialisé. Toutefois, précisent les infectiologues, beaucoup d’études cliniques à plus petite échelle ont déjà eu recours à cette technique, ce qui signifie qu’on dispose déjà d’un certain recul. « Cette technique assez révolutionnaire va probablement offrir beaucoup d’autres opportunités, vaccinales mais pas seulement, puisque certains l’étudient également dans des traitements contre le cancer », précise Leïla Belkhir.
À partir de quand un vaccin est-il efficace ?
« Il y a plusieurs types d’efficacité », insiste Jean Cyr Yombi. La première – ‘efficacy’ en anglais –, est la diminution de la probabilité de tomber malade quand on est vacciné. Prenons par exemple une efficacité de 95 % : deux populations, l’une vaccinée, l’autre pas, donnent 8 personnes atteintes du Covid-19 dans le premier groupe et 162 dans le groupe des non vaccinés, soit 20 fois moins dans le groupe vacciné. Cela signifie que le risque d’attraper le Covid-19 est de 5 % de celui encouru par la personne non vaccinée.
La deuxième efficacité - ‘effectiveness’ - c’est l’efficacité en vie réelle ou l’efficacité indirecte. On suppose que les gens qui vont être vaccinés seront protégés de la maladie et cette protection globale va empêcher ceux qui ne sont pas vaccinés de tomber malade.
L’efficacité dépend aussi de la maladie, et plus précisément du taux de reproduction, c’est-à-dire le nombre de personnes qui sont contaminées à partir d’une même personne. Pour le SARS-CoV-2 (Covid-19), c’est grosso modo entre 2.5 et 3.5, dans le cas de la rougeole, c’est de l’ordre de 18, soit 5 à 6 fois plus.
Autrement dit, le pourcentage de gens qui sont protégés varie en fonction de plusieurs facteurs :
- le taux de reproduction,
- le nombre de personnes qui bénéficient déjà d’une certaine protection quand une maladie sévit dans une population,
- l’efficacité du vaccin.
Dans le cas du SARS-CoV-2, on estime qu’il faudrait 70 % de gens vaccinés pour atteindre l’efficacité indirecte au sein de la population globale.
Faut-il vacciner les enfants ?
Le vaccin Pfizer s’adresse aux plus de 16 ans et celui de Moderna aux plus de 18 ans. En Belgique, les plus de 16 ans représentent un peu plus de 80 % de la population. Avec une campagne de vaccination soutenue, on devrait atteindre ce pourcentage.
Cependant, plusieurs inconnues subsistent à l’heure actuelle : on ne sait pas quel est le pourcentage de la population qui a au moins une forme d’immunité et on ne connait pas la durée de cette immunité. « Le calcul n’est donc pas aussi binaire qu’il en a l’air », souligne Jean Cyr Yombi.
Peut-on choisir un vaccin ?
Les deux premiers vaccins homologués sont des vaccins ARN. Le plus important est de bien expliquer que les techniques et les effets secondaires sont différents, même si, actuellement, on est tributaire des premiers vaccins qui arrivent. « Il est possible, dans un deuxième temps, que l’on puisse décider que tel type de vaccin est plus adapté à tel type de population », explique Leïla Belkhir. « C’est en tout cas une chance extraordinaire d’avoir deux premiers vaccins avec plus de 90 % d’efficacité. »
Quelles contre-indications ?
Il ne faut pas confondre contre-indications et données dont on ne dispose pas. La principale contre-indication concerne les réactions allergiques (anaphylactiques). On en compte environ 20 dans le cas de Pfizer pour à peu près 2 millions de vaccins administrés, soit 10 à 11 par million de vaccins, soit dix fois plus que pour la grippe (environ 1,5 par million), ce qui reste très faible (données au 23 décembre 2020). 75 à 90 % des patients concernés avaient en outre des réactions allergiques connues à des médicaments ou des insectes ou d’autres phénomènes d’allergies. D’autre part, ces réactions sont survenues 12’ à 15’ après la vaccination. « Si on interroge correctement les personnes pour connaître leurs antécédents en matière d’allergies importantes – on ne parle pas d’intolérances – on peut éviter les problèmes », souligne Jean Cyr Yombi.
Concernant les femmes enceintes, on ne dispose pas de données parce que trop peu de femmes enceintes ont été incluses dans les études pour pouvoir tirer des conclusions. C’est le cas aussi pour les enfants ou pour les personnes à immunité faible (on commence à incorporer des patients HIV dans les études).
Les vaccins sont-ils efficaces contre les variants ?
Le variant britannique modifie la protéine S contre laquelle la plupart des anticorps sont dirigés (celle qui est justement reproduite par les vaccins). A priori, il faudrait un énorme changement de structure pour que la réaction immunitaire ne puisse pas avoir lieu. Actuellement, des études sont en cours afin de tenter de neutraliser les nouvelles souches avec des anticorps de patients qui ont été vaccinés. D’autre part, Pfizer a indiqué qu’il serait possible de modifier la séquence de l’ARN (le ‘mode d’emploi’) en quelques semaines.
Peut-on recevoir deux doses de vaccins différents ?
Actuellement, faute d’expérience dans l’administration de deux doses de vaccins différents, non, il ne peut être question de changer de vaccin de la première à la deuxième dose.
Le vaccin supprime-t-il les mesures barrière ?
L’administration des deux doses est prévue, dans le cas de Pfizer, aux J1 et J21 et dans le cas de Moderna, aux J1 et J29. « On peut décaler jusqu’à 4 jours avant et 4 jours après », explique Jean Cyr Yombi. « Mais il faut surtout rappeler que la protection qui apparait 12 à 14 jours après la 1e dose n’est PAS maximale. La protection est maximale deux semaines après la 2e dose (94 à 95 %). »
Il faut cependant conserver les mesures barrière « car on n’a pas suffisamment de données, à l’heure actuelle, par rapport à la transmission. On sait que le vaccin protège contre les formes symptomatiques, celles qui se transmettent le plus, mais des formes asymptomatiques sont possibles et peuvent être transmises, même si c’est à un niveau faible. »
Faut-il se faire vacciner si on a eu le Covid-19 ?
Avoir eu le Covid-19 apporte une certaine immunité – des cas de réinfection sont décrits mais sont exceptionnels - et de plus en plus d’études montrent qu’elle serait plus longue que ce qu’on pensait (une récente étude parle de 8 mois). La vaccination, dans ce cas, agit comme un booster de l’immunité et permet de la prolonger. Petit bémol, le nombre de gens qui ont eu le Covid-19 et qui ont été vaccinés n’est pas assez élevé pour pouvoir tirer des enseignements.
Faudra-t-il se faire vacciner chaque année ?
On n’a pas la réponse à cette question, entre autres parce qu’on ne connait pas la durée de l’immunité naturelle (et, si elle perdure, restera-t-elle suffisante ?) D’autre part, il est possible que l’immunité produite aura une efficacité indirecte (elle empêchera le virus de circuler) mais on ne sait pas ce que devient ce virus par la suite. Il est possible aussi que cela dépende des personnes ou des sous-groupes qui répondraient moins bien que d’autres. À l’heure actuelle, on ne sait pas.
Quelques conclusions :
Selon Leïla Belkhir, « clairement, le vaccin est une porte de sortie tout à fait non négligeable. » L’infectiologue UCLouvain y met beaucoup d’espoir car « non seulement, à un moment donné, le virus ne pourra plus circuler de façon importante, mais aussi, plus on vaccinera, moins de personnes à risque arriveront dans les hôpitaux. La vaccination reste un outil extraordinaire en termes de santé publique depuis des siècles. Il faut s’en souvenir, vu l’ampleur de cette pandémie qui a fait plus d’1,8 million de décès et l’impact aux niveaux sanitaire, économique... »
De son côté, Jean Cyr Yombi insiste : « nous, infectiologues, voyons arriver des gens qui, après avoir fait des formes mineures de la maladie, font des ‘Covid dit longs’ : ils sont épuisés, sans que ce soit lié à des lésions sévères. La maladie elle-même a donc des conséquences graves qu’on ne connait pas encore à l’heure actuelle. On voit de grands sportifs qui ne savent plus suivre, des chefs d’entreprises qui ne sont plus capables de se concentrer au travail. Il faut que le public soit conscient que les bénéfices de la vaccination outrepassent largement les inconvénients. »
Quels sont les ressorts psychologiques en matière de vaccination? Pourquoi faut-il miser sur l'adhésion?
Olivier Luminet, psychologue de la santé et Vincent Yzerbyt, pyschologue social
On sait qu’il ne suffit pas d’édicter des lois ou des règles pour que les citoyens les mettent en pratique. Même si les personnes déclarent avoir les meilleures dispositions du monde et jurer qu’elles mettront en pratique des mesures, les psychologues savent de longue date qu’il existe parfois un écart conséquent entre les intentions et les comportements.
Lire la suite »
On s’étonnera dès lors moins de voir les gens annoncer qu’ils respecteront des mesures de quarantaine et de constater qu’un nombre important d’entre eux se présentent tout de même au travail ou à l’école, malgré les recommandations du monde médical.
L’enjeu est particulièrement élevé lorsque des comportements suscitent des résistances, comme pour le moment dans le domaine de la vaccination contre le Covid-19. C’est le défi de l’hésitation vaccinale présente chez un certain nombre de citoyen·nes. Si informer et rassurer sont au cœur du processus, les sciences psychologiques nous donnent aussi des pistes concrètes d’action. Les données montrent par exemple à quel point l’exemplarité du comportement d’autrui ainsi qu’une élimination des obstacles environnementaux sont des aspects critiques qui peuvent grandement contribuer à l’adoption effective de comportements profitables sur le plan sanitaire.
Olivier Luminet et Vincent Yzerbyt, psychologues UCLouvain, étudient les motivations des Belges face au Covid-19, et actuellement, face à la campagne de vaccination. Les dernières données récoltées, sur base d’un échantillon de plusieurs milliers de répondant·es dans toute la Belgique, précisent les facteurs/obstacles qui influencent les indécis : conditions de vaccination (lieu, nombre de doses), effets secondaires potentiels, types de motivation (se protéger ou protéger les autres). Ces résultats ont des implications essentielles pour la politique de communication ultérieure des autorités politiques.
Guider et orienter l’action de nos autorités en matière comportementale, c’est la mission que se sont assignés les membres du groupe d’experts Psychologie et Corona dont font partie Olivier Luminet et Vincent Yzerbyt, UCLouvain.
La vulnérabilité médiatique engendre une crainte à se faire vacciner
Grégoire Lits, professeur au Pôle de recherche en communication
L’étude menée par Grégoire Lits, expert en communication à l’UCLouvain, repose sur cette question : comment les personnes s’informent-elles sur le Coronavirus et quel est l’impact de leur mode d’information sur leur santé mentale, leur croyance dans la théorie du complot et l’adoption des mesures sanitaires.
Lire la suite »
L’expert en communication travaille sur le nouveau concept de vulnérabilité infodémique développé par des chercheurs de l’université d’Oxford. Objectif ? Identifier les personnes les plus à risque dans l’infodémie (le flux massif d’informations sur le virus parfois difficile à traiter) qui seraient les plus enclines à refuser la vaccination.
Les résultats de la recherche mettent en évidence 4 profils liés à 2 variables : la confiance que les gens ont dans les médias et l’utilisation des médias traditionnels (radio, TV, journaux) pour s’informer. Qui sont les plus vulnérables dans l’infodémie ? « Les personnes qui n’ont pas confiance dans les médias traditionnels et qui s’informent très peu voire pas du tout », explique Grégoire Lits. « Ces individus qui représentent environ 16 % de la population belge sont davantage susceptibles de croire dans des théories du complot et seraient les plus réticentes à se faire vacciner. Ce sont également eux qui suivent le moins les consignes de protection ». A l’inverse, celles et ceux (environ 53 % de la population) qui s’informent beaucoup et qui ont confiance dans les médias posent peu de problème, même si c’est parmi eux que l’on retrouve le nombre le plus important d’hésitants vaccinaux (ni opposé, ni en faveur).
Quelles stratégies de communication proposer ?
Pour Grégoire Lits, il faut une stratégie différente pour chacun de ces quatre groupes. Par exemple, développer une communication spécifique sur les réseaux sociaux pour toucher les personnes très vulnérables dans l’infodémie ne serait pas pertinent. « Nous remarquons que celles et ceux qui ne s’informent pas du tout via les médias traditionnels ne s’informent pas non plus sur les réseaux sociaux mais plutôt en parlant avec des personnes de leur entourage ».
Autre danger en multipliant les messages sur le virus en permanence dans les médias traditionnels, il existe un risque de perdre l’adhésion des convaincu·es qui pourraient être amené·es à se questionner davantage et à chercher de mauvaises informations sur internet. Pour l’expert UCLouvain, Il est plus efficace de concentrer ses efforts de communication sur les 2 catégories de personnes intermédiaires : les gens qui s’informent beaucoup mais qui n’ont pas confiance dans les médias traditionnels et ceux qui ne s’informent pas mais qui ont confiance. Dans les deux cas, certains messages peuvent augmenter ou renforcer l’adhésion.
L’étude mesure également le niveau de confiance de la population envers les différentes sources d’information, quel que soit le profil. Résultat ? Pour nous informer, nous faisons confiance en priorité aux professionnels et aux expert·es de la santé. Viennent ensuite les gens que nous connaissons personnellement, les proches. Au-delà des médias, le rôle des leaders d’opinion, c’est-à-dire de l’entourage direct (médecin, famille, amis), est très important. « Une stratégie de communication pourrait dès lors faire en sorte qu’à la fois les expert·es médicaux mais aussi chacun·e d’entre nous à notre niveau individuel puissent discuter de la vaccination avec les hésitants. Cette stratégie doit prendre en compte le fait, qu’aujourd’hui, le public est actif dans la diffusion et la production de l’information ».
Quels sont les publics prioritaires ?
Niko Speybroeck, épidémiologiste
Les modèles indiquent qu’en Belgique, une grande majorité de la population reste, encore aujourd’hui, sensible au virus, et ceci après deux vagues et une mortalité considérable.
Lire la suite »
Selon Niko Speybroeck, épidémiologiste UCLouvain, « le vaccin est donc le seul moyen d’atteindre l’immunité collective, soit le fait d’atteindre un pourcentage satisfaisant d’une population protégée contre une infection. » Dès ce niveau atteint, le virus ne rencontre quasi plus de personnes non immunisées et la transmission s'éteint.
Le niveau d'immunité requis pour éviter de nouvelles transmissions dépend des caractéristiques du virus : plus la contagiosité est élevée, plus le taux d'immunité de la population doit l’être également. Exemple ? L’immunité collective contre la très contagieuse rougeole est obtenue quand 95 % de la population est vaccinée.
Pour le covid-19, il faudrait un taux d’immunité d’environ 70 % dans la population. Dans ce cas, l'ensemble de la Belgique serait protégé et donc également les 30 % non immunisés. Mais attention, si des mutations font augmenter cette contagiosité, cela change la donne. Ainsi avec une augmentation de la contagiosité de 50 %, il ne faudra pas immuniser 70 mais 80 % des personnes.
Tenir compte des aléas
« Être vacciné ne veut pas dire immunisé. » On peut considérer que pour un vaccin avec une efficacité de 95 %, 5 % des vaccinés ne seront pas immunisés. Par ailleurs, deux types de personnes ne seront pas vaccinés :
- Celles ne pouvant pas être vaccinées en raison d’une contre-indication médicale
- Celles ne voulant pas être vaccinées puisqu’il n’y a pas d’obligation de vaccination
« Si l’on part de l’hypothèse que finalement 85 % de la population accepte la vaccination, il faudrait alors, avec un vaccin efficace à 95 %, en réalité proposer la vaccination à 87 % des Belges pour, au final, en immuniser 70 %. Et, avec une souche plus contagieuse, cette valeur grimpe encore de quelques pourcents. Mais même un taux de vaccination en dessous de 87 % réduirait déjà considérablement le nombre de cas et de décès dus au covid-19. » Si le personnel soignant et les personnes vulnérables sont vaccinées, le taux de mortalité sera plus bas et la pression sur notre système de santé moins élevée.
Au final, « seule une bonne couverture vaccinale peut mener à un déconfinement sûr, sans risque de 3e vague. Selon la rapidité avec laquelle la Belgique atteindra cet objectif, la vie normale pourrait alors reprendre son cours, d'ici à l'automne, voire l’hiver 2021. »
Les vaccins COVID-19 en 10 questions concrètes
1. Qui en priorité ? Quand, par qui et où se faire vacciner ?
- D’abord les résidents des maisons de repos, leur personnel soignant, et les professionnels de la santé en première ligne (phase 1a).
- Ensuite les personnes de plus de 65 ans et les personnes de 45 à 65 ans avec des comorbidités (phase 1b).
- Enfin les autres (phase 2).
2. Quels risques si la 2e dose est postposée de plusieurs jours voire semaines ? Peut-elle se faire avec un vaccin différent de la première dose ?
- Plusieurs jours : aucun, si on reste dans une fourchette d’une semaine.
- Plusieurs semaines : peut-être une moins bonne efficacité du vaccin.
- Idéalement, deux fois le même vaccin car pas d’expérience ni de données avec deux vaccins différents.
3. Quel vaccin privilégier ? A-t-on le choix ?
- Le plus efficace pour les personnes les plus à risque.
- Pour l’instant on n’a pas le choix, mais les seuls vaccins approuvés (Pfizer et Moderna) sont pour l’instant les plus efficaces.
4. Le vaccin est-il efficace contre les variantes du covid-19 ?
- Il n’y a pas de preuves jusqu’à maintenant – investigations en cours - qu’un nouveau variant pourrait échapper à la protection conférée par les vaccins, bien que cela ne puisse pas encore être exclu.
- Si un nouveau variant est plus contagieux, le pourcentage de la population vaccinée devra de toute façon augmenter. Plus le covid-19 est contagieux, plus il faut augmenter la proportion de personnes vaccinées pour atteindre une immunité collective efficace.
- Pfizer a déclaré pouvoir adapter son vaccin au variant britannique dans un délai de quelques semaines.
5. Le fait d’être vacciné empêche-t-il de contaminer d’autres personnes ?
Probablement oui, mais c’est une question qui n’a pas encore pu être tranchée par les scientifiques. Les tests sont en cours.
6. Si on a fait le covid-19, faut-il se faire vacciner ?
Oui. On n’est pas certain que l’immunité obtenue après avoir contracté la maladie sera suffisante pour éviter d’être infecté à nouveau.
7. Va-t-on devoir se faire vacciner, à l’avenir, tous les ans, contre le covid-19 ?
On ne sait pas encore, mais sans doute pas tous les ans. Pour l’instant, seul le vaccin contre la grippe doit être refait tous les ans. Certains vaccins ne nécessitent qu’un rappel très occasionnel (tous les 10 ans). Cela dépendra aussi de l’apparition (ou pas) de nouveaux variants.
8. Y a-t-il des contre-indications (maladies, femmes enceintes, allergies composants) ?
- Une allergie connue à un des composants du vaccins, ou très sévère (du type de celles qui imposent de porter une seringue d’adrénaline sur soi en permanence).
- La grossesse, par mesure de précaution pour l’instant parce que les vaccins n’ont pas encore été testés chez les femmes enceintes.
9. Les enfants doivent-ils se faire vacciner aussi ? Si oui, à partir de quel âge ?
A partir de 16 ou de 18 ans (en fonction du vaccin) : oui. Pour les enfants plus jeunes, on attend que les tests soient réalisés. Mais si nous voulons atteindre une immunité collective, inclure les enfants serait important (bien que les plus de 16 ans représentent quand même 83 % de la population belge).
10. Si on suit bien le planning prévu, quand pourrons-nous retourner à une vie sans mesures sanitaires ?
Selon la rapidité avec laquelle la Belgique atteindra l’immunité collective (donc la vaccination de 70 à 80 % de la population), la vie normale pourrait reprendre son cours, d'ici à l'automne, voire l’hiver 2021.