Les êtres humains habitent-ils partout dans des maisons ? Et dans la préhistoire, habitaient-ils toujours dans des grottes ? Renaud Pleitinx, professeur de théorie et de projet d’architecture à la Faculté d’architecture de l’UCLouvain (LOCI Tournai) ouvre grand la porte.
Durant la préhistoire, les êtres humains n’habitaient pas que dans des grottes, même s’il est vrai que de nombreux sites préhistoriques sont situés à l’entrée de grottes. C’est le cas, par exemple, du très fameux abri de la Madeleine, en Dordogne, où les archéologues ont mis au jour, entre autres, des outils en pierre ou en os de renne vieux de plus de 10 000 ans. Mais il existe aussi de nombreux sites dits ‘de plein air’ où l’on a découvert les traces de tentes ou de cabanes.
Sur le site de Pincevent en Seine-et-Marne, par exemple, l’archéologue André Leroi-Gourhan et ses collaborateurs ont mis au jour des pierres disposées en cercle qui pourraient avoir délimité l’emplacement de tentes plantées là il y a quelque 12 300 ans…
Sur le site Gontsy en Ukraine, les fouilles conduites sous la direction de Lioudmila Iakovleva et François Djindjian ont permis d’exhumer les vestiges de six cabanes vieilles de 15 000 ans, construites en os de mammouth !
Igloos et sampans
Durant la préhistoire, les êtres humains habitaient au moins deux types d’habitats : des cavernes ou des cabanes, et ils pourraient même avoir construit des cabanes dans des cavernes !
De nos jours, les êtres humains n’habitent pas que des maisons. Certes, en de nombreuses régions du globe, la maison, souvent associée à un jardin, compte parmi les types d’habitats domestiques courants. Pourtant, certaines populations vivent encore dans des grottes (habitats troglodytes) comme la communauté gitane qui réside dans les grottes du quartier du Sacromonte à Grenade (Espagne) depuis le Moyen-Âge.
Ailleurs, d’autres vivent sous des tentes, dans des cases, dans des igloos, dans des caravanes, à bord de sampans (bateaux chinois), dans des châteaux, dans des barres de logements, en haut de gratte-ciel, dans des stations polaires, etc.
À ces habitats bien réels s’ajoutent ceux qui existent dans notre imagination. Certains ne seront sans doute jamais construits, comme la maison en pain d’épices d’Hansel et Gretel ou le palais de la Reine des Glaces, tandis que d’autres le seront peutêtre un jour, comme la station spatiale Lunar Gateway que la NASA projette de placer en orbite autour de la lune. Finalement, ce qui frappe, c’est la très grande diversité de nos habitats ! Comment l’expliquer ?
Une première explication pourrait désigner la variété des contextes naturels. L’hypothèse serait que les formes d’habitats sont déterminées par, sinon adaptées à la température, à la pluviosité, aux vents, aux sols, à la flore, à la faune propres à chaque environnement.
On peut aussi, autre explication, pointer la diversité des contextes culturels : les formes d’habitats sont déterminées, sinon influencées par les savoirs, les techniques, les usages et les valeurs propres à chaque société.
Gare ou piscine
Une troisième explication met en avant l’intelligence technique des êtres humains, capables d’utiliser différemment un même lieu (l’ancien palais du Louvre, l’ancienne gare d’Orsay, l’ancienne piscine de Roubaix sont utilisés aujourd’hui pour y exposer des oeuvres d’art) ou d’affecter des lieux différents à une même activité (on expose des oeuvres d’art aussi bien dans un palais que dans une gare ou une piscine). Une telle intelligence fait que, même dans des contextes naturels et culturels très exigeants, il y a toujours, aux yeux des êtres humains, plusieurs possibilités en matière d’habitat.
Au fond, on pourrait dire que les humains n’ont pas d’habitat spécifique et qu’il n’y a pour eux que des habitats possibles. Ils peuvent, dès lors, aussi bien se loger dans des cabanes, des cabines ou des cabinets que dans des grottes, des roulottes ou des châteaux de Camelot !
Cet article est paru dans The Conversation Junior
> uclouvain.be/pourquoi-des-maisons
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