Un trésor millénaire vient d’être déterré en Toscane, révélant de précieuses informations sur la période de transition entre les civilisations étrusque et romaine.
« Monumentale ». C’est le terme utilisé par Marco Cavalieri, professeur en archéologie romaine et antiquités italiques à l’UCLouvain pour qualifier la découverte de vingt-quatre statues en bronze dans les eaux thermales de San Casciano dei Bagni (province de Sienne). L’archéologue, invité sur le lieu de fouilles en tant qu’expert des sanctuaires extra-urbains datant de l’Antiquité, souligne la qualité de conservation exceptionnelle du matériel archéologique.
Un matériel en parfait état
La variété et le grand nombre d’objets retrouvés témoignent de la richesse de cet te découverte dont le matériel daterait de la fin du IIIe siècle av. J.-C. au IIe siècle apr. J.-C. Autre élément remarquable : les statues sont en bronze et non en terre cuite. De tailles variées, certaines sont hautes d’un peu plus d’un mètre et représentent des divinités antiques telles qu’Hygie ou Apollon. De nombreuses sculptures de parties du corps et d’innombrables pièces d’or, d’argent et de bronze accompagnent ces statues. De quoi qualifier cette trouvaille de véritable trésor archéologique !
L’état de conservation presque parfait de ce matériel s’explique par la nature du terrain. Les statues se trouvaient dans des eaux thermales qui existent encore aujourd’hui. Protégées par l’eau boueuse, elles ont pu traverser les millénaires sans se dégrader. Selon Marco Cavalieri, le haut degré de préservation du contexte archéologique est un élément qui rend la découverte d’autant plus remarquable. Les traces de pollens, de fruits ou encore de bois retrouvées sur le lieu de fouille fournissent de précieuses indications sur l’environnement de l’époque.
Rituels religieux
Les statues ont été mises au jour dans un ancien sanctuaire étrusque, également utilisé par les Romains. Elles auraient été plongées dans les eaux thermales aux alentours du IVe siècle apr. J.-C., peut-être afin d’être protégées de l’avancée du christianisme. Grâce aux objets découverts et aux indices que nous livre le contexte archéologique, les experts peuvent imaginer reconstituer certains rituels religieux qui accompagnaient les offrandes. Par exemple, les sculptures de parties du corps (oreilles, pieds, yeux, utérus etc.) découvertes sur le site témoignent des ex-voto, ces offrandes que l’on adressait aux divinités afin qu’elles exaucent un voeu. « On offrait la partie anatomique à la divinité dans l’espoir qu’elle soulage la douleur à l’endroit du corps concerné », explique Marco Cavalieri.
Comment expliquer la présence de Romains dans un sanctuaire à l’origine étrusque ? Le passage entre les deux civilisations ne s’est pas fait aussi brutalement que les sources historiographiques romaines le disent : même si les Romains pouvaient user de stratégies de coercition sanglante, leur domination politique s’est surtout établie au travers d’une assimilation progressive des deux cultures. « Il y a une vraie tradition entre les Étrusques et le monde romain. Une partie des élites étrusques locales étaient d’accord et ont adhéré volontairement à cette transition », souligne l’archéologue. Le passage à l’ère romaine ne résulte pas d’une fracture, mais bien d’une romanisation qui s’est établie sur un continuum. Il n’est donc pas étonnant que Romains et Étrusques aient fréquenté les mêmes lieux de culte.
Réécrire l'histoire?
La découverte de ces statues pourrait-elle ‘réécrire l'histoire’ comme l’ont affirmé certains médias ? Marco Cavalieri nuance : « On ne va pas réécrire l’histoire, on va l’approfondir, l’appréhender d’une autre manière. » Pour lui, il n’y a pas lieu d’oublier les connaissances déjà acquises sur la période étrusco-romaine mais les études à mener sur ces témoins du passé permettront une meilleure compréhension de cette période de l’histoire. Une chose est certaine : ce trésor inestimable est loin d’avoir révélé tous ses secrets…
Charlotte André
Rédactrice freelance
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