Le goût des sciences

LOUVAINS

Intéresser les jeunes, filles et garçons, aux sciences ? « Plutôt que de transmettre, il faut leur permettre de poser des questions, de chercher, de découvrir », nous dit Anne Bauwens. Pour Jean-François Rees, « il est primordial que chacune et chacun ait un bagage scientifique. Mais le fun ne suffit pas , la science est exigeante ». Enfin, pour Marie Deghorain, « quand on parle de métiers scientifiques, on pense ingénieurs et chercheurs. Or il y a une multitude de métiers différents accessibles à une grande variété de profils ».

Faire vivre la science

Anne Bauwens, coordinatrice de Scienceinfuse à l'UCLouvain

Anne Bauwens coordonne l’équipe Scienceinfuse, l’antenne de promotion des STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics) de l’UCLouvain qui organise chaque année, parmi beaucoup d’autres activités, le Printemps des sciences. Biologiste, elle est aussi animatrice, formatrice d’ateliers scientifiques, et elle participe à la création de ressources pédagogiques. 

Quels sont les objectifs de Scienceinfuse ?
L’objectif principal est de donner ou de redonner le gout des sciences et des technologies aux jeunes et aux moins jeunes. Nous visons principalement les élèves du secondaire supérieur car ils sont sur le point de faire un choix d’études. Mais nous sommes aussi convaincus que sensibiliser aux sciences, ça ne se fait pas qu’en 4e, 5e ou 6e secondaire, cela se fait tout au long de la vie. On propose donc des activités qui s’adressent aux primaires, aux secondaires, aux familles et aux adultes de manière générale. 

Qu’est-ce qui ‘marche’ auprès des jeunes aujourd’hui ?
Auparavant, on proposait surtout des ateliers labo de quelques heures alors qu’aujourd’hui, on diversifie beaucoup plus nos activités. On en organise certaines sur deux jours avec un programme diversifié comme la découverte de la forêt, d’autres basées sur les sens, des rencontres avec des personnes inspirantes sous la forme de ‘Café science’, des ateliers, ... Nos formats varient énormément. Le point commun, c’est qu’on essaye vraiment de faire vivre la science. On pose des questions, on expérimente, on va chercher, découvrir... Ce n’est pas du savoir ‘tout fait’ qu’ils reçoivent, ils participent activement à l’apprentissage, et les retours que l’on a sont très positifs. 

Faites-vous de la sensibilisation à l’écologie ?
Auparavant, on préconisait de faire le lien entre les sciences et le quotidien. Aujourd’hui, l’accent est mis sur le lien entre les sciences et le sens qu’elles ont dans notre vie de tous les jours. On s’intéresse plus à l’actualité, et les enjeux de la transition sont au cœur de nos activités. 

Comment se passe la communication entre la communauté scientifique et le grand public aujourd’hui ?
On assiste à un vrai changement de mentalité dans la communauté scientifique. Les scientifiques ont la volonté de communiquer et de vulgariser leurs travaux. On voit apparaitre des chaines YouTube etc. C’est génial car cela donne une image beaucoup plus accessible de la science. De notre côté, avec le temps, Scienceinfuse est vraiment devenu un lieu de rencontres entre les chercheurs et le public.  

« Chacun doit savoir ce qu'est une vérité scientifique» 

Jean-François Rees, professeur à la faculté des sciences

Professeur à la Faculté des sciences, Jean-François Rees a développé, avec Guillaume Lobet, botaniste, une application qui s’apparente à Pokémon GO. 

« On voulait faire quelque chose de ludique pour les 1ers bac bio-ingénieurs qui les conduise à devenir quelque peu naturalistes. » Les étudiantes et étudiants doivent faire une série de recherches pour, par exemple, trouver une plante avec une tige carrée. 

« D’autres quêtes sont légendaires comme celle du castor, très difficile à photographier. À charge pour eux de faire des photos géolocalisées avec leur smartphone. L’idée est venue parce qu’on n’avait pas le temps, dans nos cours, d’expliquer la forme des feuilles ou les vers de terre… », détaille l’enseignant. L’application est disponible en open source et donc accessible à des profs du secondaire qui voudraient l’utiliser. « J’ai aussi développé le Petit cabinet des histoires naturelles au Musée L à Louvain-la-Neuve. On y raconte, à l’intention des enfants, les histoires des animaux, des plantes, des insectes. »

Insuffler la curiosité

Plutôt que de recruter des jeunes qui entameraient un parcours en sciences, Jean-François Rees veut surtout partager une passion. « Ce qu’on doit insuffler à nos enfants, c’est la curiosité qu’ils ont au départ et que l’on doit garder vivante. C’est cela, le challenge. On est aujourd’hui encore trop préoccupé par les connaissances, alors qu’il est très important d’expérimenter soi-même. » 

Le professeur de biologie évoque ce proverbe qui dit en substance, ‘donner du poisson à quelqu’un le nourrira quelques jours mais lui apprendre à pêcher lui permettra de manger toute sa vie’. Pour lui, « on devrait donner moins de poissons mais plus de filets. Les sciences sont omniprésentes dans notre société et les questions de plus en plus complexes. Chacun doit savoir ce qu’est une vérité scientifique. On voit aujourd’hui, quand on entend dire que le vaccin ne marche pas, qu’il y a parfois une incompréhension de base ». 

Le virus est un élément vivant qui mute énormément, souligne le chercheur, qui constate que cela ouvre la porte à des croyances folles. « L’enjeu démocratique est très important. » 

Douter, trier, forger son opinion

Il est primordial pour chacune et chacun d’avoir un bagage scientifique, poursuit le biologiste. « Même un artiste a besoin de savoir ce qu’est l’électricité. Les sciences sont une démarche qui permet de confronter le réel, c’est une philosophie. » Il estime qu’il faut douter, trier l’information, forger ses propres opinions car on donne trop les réponses et pas assez le cheminement. À ce titre, « l’université a tendance à dire que la faute est ailleurs, en pointant l’enseignement secondaire. Elle devrait regarder ce qu’il se passe chez elle. Les jeunes ont changé mais les études assez peu. Il faut les rendre plus attrayantes. » Pour Jean-François Rees, faire la promotion des sciences et dire que c’est fun ne suffit pas. « Les sciences sont exigeantes. On peut descendre un peu la hauteur de la première marche en première année mais amener les jeunes vers les sciences n’est pas tout. Il faut aussi les garder. »  

« Un CESS technique ou un doctorat ? Il y aun job pour vous  » 

Marie Deghorain

Après un parcours de chercheuse en microbiologie et génétique microbienne, Marie Deghorain travaille depuis quelques années pour aptaskil à Seneffe. Ce centre de compétence, spécialisé dans les métiers de la production du secteur de la chimie, de la biopharmacie et des biotechnologies, répond aux besoins des entreprises en termes de compétence des travailleurs. Il prépare aussi l’avenir en formant de nouveaux talents. Les publics cibles ? Les entreprises, les chercheurs d’emploi et l’enseignement.  

Une grande variété de profils

 « Mon job chez aptaskil est très motivant : il consiste à informer jeunes et moins jeunes aux possibilités de métiers passionnants qu’offrent les filières STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics). » L’objectif est, en particulier, de démystifier les métiers scientifiques et techniques de l’industrie et de donner envie aux jeunes générations – garçons et filles – de se lancer dans ces filières. « Souvent, quand on parle des métiers scientifiques, on pense chercheurs ou ingénieurs. Or, il y a une multitude de métiers différents accessibles à une grande variété de profils. Que vous ayez un CESS technique ou une thèse de doctorat, il y a un job pour vous », insiste Marie Deghorain.

Des métiers très concrets

 Le centre de compétence met toute son énergie dans des projets qui permettent aux jeunes de découvrir, de tester, ou de rencontrer leur métier de demain. Des élèves de primaire et de secondaire vont, par exemple, visiter le centre où ils découvrent des environnements de travail similaires à ceux que l’on retrouve dans les industries. « Les métiers deviennent alors très concrets. On développe également des activités avec des partenaires de la vulgarisation scientifique – dont Scienceinfuse à l’UCLouvain – au cours desquelles les enfants découvrent l’expérimentation et la démarche scientifique. De façon ludique et simple, ils apprennent alors des notions de chimie, parfois très complexes. On leur montre que les sciences font partie de notre quotidien, ce qui rend les choses beaucoup plus accessibles. Et cela marche. » apstakil met aussi en relation les jeunes avec des professionnels de terrain lors de conférences dans les écoles secondaires, lors de séances d’information ou de la participation à des salons d’orientation.

Des rencontres intergénérationnelles

Avec les contraintes liées à la crise sanitaire, l’équipe a développé un projet de rencontres à distance entre jeunes et professionnels issus du secteur de la chimie, du biopharma et des biotechs. Ce salon de STEMdating, ‘Un job pour changer le monde ?’, a permis, l’an dernier une septantaine de rencontres intergénérationnelles pendant lesquelles les jeunes ont pu échanger, poser leurs questions, prendre des contacts pour leur avenir professionnel. 

« Face à quelqu’un qui me dit ‘les sciences, ce n’est vraiment pas pour moi’, je lui demanderai ce qu’il sait des sciences et dans quoi il se projette. Je devrai sans doute compléter sa vision et l’informer sur les possibilités qui s’offrent à lui. On doit être attentif à casser les préjugés non seulement sur les métiers mais aussi sur les genres. Il n’y a pas assez de filles qui se lancent dans les filières scientifiques, or elles peuvent apporter une autre vision et une autre dynamique au sein du milieu professionnel. Il faut les encourager », insiste Marie Deghorain.

 

LouvainS : Mars 2022

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