On ne sait pas toujours pourquoi, mais il arrive que certains débats, pourtant soigneusement classés, viennent rebondir aux pieds des journalistes.
C’est le cas de l’individualisation des parcours universitaires. Ce système, inauguré par le décret Paysage, entend responsabiliser l’étudiant en lui offrant la possibilité, selon certaines règles, de construire son cursus ‘à la carte’. Ses atouts seraient nombreux puisqu’il favoriserait la motivation de l’étudiant, tout comme ses chances de réussite en adaptant plus adéquatement les cursus au rythme de chacun.
Force est de constater cependant que l’individualisation des parcours ne parvient pas à convaincre totalement. Ce qui s’évoque dans son sillage, ce sont d’abord des difficultés pratiques et pédagogiques. Mais aussi, face à l’isolement de certains étudiants, des interrogations sociales et presque philosophiques. Car quel est le message implicite que l’individualisation des parcours envoie aux étudiants, s’interrogent des universitaires ? Que l’enseignement supérieur a dû céder aux logiques individualistes ? Par ailleurs, ne donne-t-elle pas aux étudiants l’illusion de pouvoir se construire eux-mêmes ? Ou d’être des ‘clients’ que l’université devrait servir ?
Sur la forme, ces questions méritent d’être affinées. Sur le fond, elles ne recouvrent pas l'exhaustivité du débat. Elles ne sont pas dénuées d’intérêt pour autant. Elles rejoignent d’ailleurs une interpellation lancée par Marcel Gauchet dans ‘La démocratie contre elle-même’. L’enseignement moderne, y expliquait-il en substance, a retenu l’idée qu’il devait offrir aux individus les moyens indispensables à leur indépendance. Mais il inscrit parfois cette indépendance au point de départ, « comme si elle relevait de l’état de nature », comme si elle ne devait ni être apprise, ni être éduquée, structurée ou soutenue par des savoirs. Ce débat mérite d’être relancé, d’autant qu’à l’heure du Pacte d’excellence, le voici désormais ouvert dans l’enseignement secondaire.
Jean-Bosco d’Otreppe
Journaliste enseignement à La Libre Belgique
Copyright : Christophe Bortels
Article paru dans le Louvain[s] de mars-avril-mai 2017 |