L'inventivité urbaine du Metrolab

LOUVAINS

Mathieu Berger, 48 Quai du Commerce, 1000 Bruxelles.
Soutenu par le Feder, le Metrolab emmène sociologues, architectes, urbanistes et géographes aux quatre coins du développement bruxellois.

Derrière la porte, de la chaleur et de la buée. Des tables, des assiettes qui signent la fin d’un repas pris sur le pouce, des espaces vitrés où des grappes de jeunes se concentrent et s’interpellent (en anglais). Au milieu de cette effervescence, Mathieu Berger, professeur à l’UCL, sociologue et responsable du Metrolab, a un oeil sur tout et une oreille pour chacun. On est au coeur de la masterclass qui réunit quelque quarante étudiants européens, américains et asiatiques autour du thème ‘Designing and urban inclusion’. Ils sont architectes, sociologues, politologues. L’enseignant qui anime la masterclass est Miodrag Mitrasinovic, de Parsons The New School for Design et l’invitée vedette, Maya Wali, activiste noire américaine et ancienne conseillère de Bill de Blasio, maire de New York. « On ne veut pas savoir quelle est l’origine géographique ou disciplinaire de ces étudiants », insiste Mathieu Berger. « On veut que chacun sorte de son moule. » Ensemble, ils travaillent sur les notions d’inclusion et d’hospitalité appliquées à quatre sites de la programmation Feder (Fonds européen de développement économique et régional) : l’Abbaye de Forest, l’hippodrome de Boitsfort, un dispensaire de Médecins du monde à Cureghem et les Abattoirs à Anderlecht.

Des recherches de plein air

Metrolab Brussels est un ambitieux projet financé à hauteur de 5,1 millions par le Feder, porté par Mathieu Berger et Bernard Declève (UCL), auquel s’est associée l’ULB. « On voudrait, avec ce projet transdisciplinaire qui réunit la géographie, l’urbanisme, la sociologie et l’architecture, apporter l’appui des universités aux politiques publiques et conseiller les acteurs de la programmation, tout en gardant notre indépendance. » Mais pas entre quatre murs. « Au Metrolab, on encourage la recherche de plein air et nos chercheurs travaillent sur site, auprès des porteurs de projet. » Au-delà de la gestion administrative des actions bruxelloises portées par le Feder, « le Metrolab propose un suivi et une animation scientifiques, des masterclasses, des conférences,... C’est une vraie inventivité théorique qui se fait à l’horizon d’applications pratiques. » « Je suis persuadé que le dualisme entre la théorie et la pratique n’est pas tenable »

Réconcilier théorie et pratique

« J’essaie d’être un sociologue pragmatique », explique le fondateur du Metrolab. « Le pragmatisme est ce courant de pensée américain qui conçoit la recherche comme un processus de résolution de problèmes et d’expérimentations pratiques. ». Professeur de sociologie urbaine à l’UCL, Mathieu Berger travaille depuis 15 ans à l’interface entre recherche et action publique et connaît les politiques urbaines bruxelloises comme sa poche. « Mon objectif est de contribuer à faire des sciences sociales des disciplines pratiques. L’engagement du sociologue dans la cité ne peut se limiter à tenir un discours dans l’espace médiatique, ou à être à l’écoute des acteurs sociaux. Au-delà de la parole, les sciences sociales doivent se trouver leurs propres moyens d’action. » Ne faites pas de Mathieu Berger ce qu’il n’est pas. « Je suis passionné par la théorie mais persuadé que le dualisme entre la théorie et la pratique n’est pas tenable. Mon dada c’est d’essayer de ‘bridger’ ces deux mondes, essayer de repenser les formes d’engagement du sociologue. » Position qui n’est pas confortable car « l’idée prédomine qu’il faut préserver à tout prix la recherche universitaire du monde extérieur. Ce repli académique me semble difficile à tenir. » Dans 5 ans, qu’aura apporté le MetroLab ? « Nous voulons augmenter l’intelligence de la programmation Feder bruxelloise d’ici 2020 et créer de cette façon un précédent pour les politiques publiques européennes. En bout de course, l’enjeu est bien d’interpeller l’Europe sur sa stratégie de développement urbain et économique des régions », conclut le sociologue.

Dominique Hoebeke

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> www.uclouvain.be/louvain4

Metrolab Brussels réunit 4 centres de recherche : côté UCL, le Centre de recherches interdisciplinaires démocratie, institutions, subjectivité (CriDIS), la Faculté d’ingénierie architecturale, architecture, urbanisme (LOCI). Côté ULB, le Laboratory urbanism, infrastructure ecology (LoUIsE) et l’Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire (IGEAT). Le Metrolab est un des projets du Louvain4City.

Crédit photo : Alexis Haulot

Article paru dans le Louvain[s] de mars-avril-mai 2017