Pour Océane Toukam, étudiante en droit européen, l’engagement est aussi vital que le pain. « C’est ce qui me permet de m’épanouir et de me lever le matin. » Et parce qu’elle s’inquiète pour nos droits et libertés, elle ne désarme pas.
Étudiante en master 2 en droit européen, Océane Toukam déborde d’énergie et d’engagements… même si c’est à distance et devant un écran. « Je suis impliquée dans plusieurs associations dont Racism Search, que j’ai co-créée fin 2020 avec plusieurs étudiantes et étudiants et qui veut sensibiliser le public en documentant des questions d’histoire, de droits… Je suis contente, l’impact est positif. »
Océane participe aussi au Forum des jeunes, le porteparole des 16-30 ans de la Fédération Wallonie-Bruxelles. « J’ai travaillé sur plusieurs projets : l’un destiné à recueillir l’avis des jeunes sur les droits des femmes, un autre sur le harcèlement scolaire en secondaire et à l’université et un troisième sur les questions de racisme. » Elle est aussi membre du Bureau des étudiant·es en droit, bénévole pour la Sister’s House et elle a participé au concours interuniversitaire de plaidoirie en droit international humanitaire auquel la Faculté de droit participe chaque année.
Mais où cette jeune femme trouve-t-elle son énergie ? « Avec la pandémie, le tout à distance était lourd. Mais sans cela, j’aurais sombré », affirme-t-elle, avec un sourire qui ne la quitte pas.
Sa liberté, au quotidien
Femme racisée, Océane Toukam aime se battre pour les droits des personnes. « J’ai constaté que c’était ça qui me permettait de m’épanouir et me lever le matin. » Et la liberté ? Elle est primordiale « puisque j’ai la liberté de pouvoir m’engager sans subir de répression politique ou policière, même si celle-ci existe. J’ai la liberté de m’exprimer, celle aussi de pouvoir combiner études et engagements, grâce à ma condition sociale, ce qui n’est pas donné à tout le monde ». Au quotidien, sa liberté, c’est pouvoir sortir et faire ce qu’elle veut. « Même avec les contraintes sanitaires à respecter, je n’ai pas eu de gros problèmes à gérer, ni gardes d’enfants, ni pertes de ressources ou d’emploi. »
Océane Toukam s’estime privilégiée de pouvoir suivre des études « qui donnent accès à davantage de contacts sociaux, à plus de droits et qui apportent un épanouissement incroyable. Même si on râle souvent, on est vachement plus libres que des personnes qui n’ont pas la possibilité de faire des études. Elles ont déjà une liberté en moins, sauf, bien entendu, si c’est leur choix. »
La crise, un déclic
La jeune femme place pourtant le bonheur au-dessus de la liberté. « On peut être libre sans être heureux », remarque-t-elle. « Chaque fois que je vois la joie de personnes qui se sont battues pour obtenir quelque chose, cela rend heureux. C’est le cas, notamment, quand l’excision est bannie dans un pays. Même si ce n’est pas encore acquis sur le terrain, pareille victoire rend heureux. »
Comme pour beaucoup, la crise sanitaire a été un déclic. « Je me suis rendu compte de la chance que j’avais avant la pandémie. Cela a été un choc, une remise en question. » Aujourd’hui l’étudiante en droit savoure le temps passé avec des ami·es, sa famille, ou quand elle est au téléphone avec ses grands-parents qu’elle n’a pas pu aller voir au Cameroun. « Je me suis rendu compte que tout ce que j’avais le droit de faire pouvait disparaitre et qu’il faut profi ter des moments qu’on partage avec les autres. »
« Ce n'est pas le coeur de la liberté »
Qu’en pensent les autres étudiantes et étudiants ? Toutes et tous n’ont pas la même défi nition de la liberté, nuance Océane. « Je peux comprendre la team de La Boum. Bien sûr, les rendez-vous avec mes amis me manquent, mais pour moi, ce n’est pas le coeur de la liberté et je ne participerai jamais à ce genre d’évènements. » Ce qui ne l’empêche pas de préciser, qu’à ses yeux, les étudiants ont été brimés et toutes et tous mis dans le même sac « lorsqu’on nous disait qu’on allait ramener le covid à nos grands-parents. Je comprends que certains aient craqué ».
À quelques jours de la fi n de cette année académique pas comme les autres, la co-fondatrice de Racism Search avoue avoir du mal à se projeter dans l’avenir. « Je ferai peut-être un master complémentaire à l’étranger, si je suis admise. Cela mis à part, je m’engage comme je peux. Entres autres, dans l’ASBL carolo COCAD, un ‘Collectif des Africains pour la diversité’. »
Ne pas juste étudier
A-t-elle des inquiétudes pour nos droits et libertés ? « Je suis juriste, donc oui et je suis contente que la Belgique ait été rappelée à l’ordre. Je crains que l’État de droit ne se perde et que l’on profi te de la pandémie pour faire passer des lois, en Belgique et ailleurs. » Mais elle ne désarme pas. « En tant qu’étudiante, je peux m’engager et montrer que les décisions politiques me concernent. Je peux lire ce qu’il se passe dans les journaux. Signer des pétitions qui peuvent remonter jusqu’au gouvernement, manifester, montrer que je ne suis pas d’accord et non pas juste étudier et profi ter. Il faut penser à l’impact de ce qui se déroule aujourd’hui sur notre avenir. »
En Faculté de droit, Océane Toukam estime avoir la chance d’apprendre les fondements des droits. « J’apprends aussi en lisant et à travers des cours de philosophie ou de sociologie que je n’aurais peut-être jamais ouverts dans d’autres circonstances. Oui, je suis dans une filière qui m’a permis d’apprendre ce qu’il faut pour savoir sur quoi je me base dans mes engagements. »
Dominique Hoebeke
Communication UCLouvain Bruxelles
www.facebook.com/Racism-Search-106139071546315
Océane Toukam |
Article paru dans le Louvain[s] de juin-juillet-août 2021 |