Partager les savoirs

LOUVAINS

Le ‘partage des savoirs’ unit les trois personnalités à qui l’UCLouvain décernera un doctorat honoris causa en février prochain : Angélique Kidjo, Nuccio Ordine et François Taddei.

La diva engagée

Engagée. C’est l’adjectif qui convient le mieux à la chanteuse et compositrice béninoise Angélique Kidjo. Exilée à Paris en 1993 après avoir fui le climat politique instable de son pays, devenue une artiste mondialement reconnue, elle ne cesse de mettre sa notoriété au service d'une cause qui l'anime : l’éducation des femmes africaines.

En 2002, Angélique Kidjo devient ambassadrice de bonne volonté de l’UNICEF, mais elle n’est pas là pour serrer des mains. « Je ne suis pas diplomate, la vérité, j’ai tendance à la dire brutalement. » Ce qu’elle veut faire de ce rôle : favoriser l’éducation des jeunes filles et des femmes d’Afrique. « Les femmes éduquent les garçons. Si on éduque les femmes, on éduquera les hommes autrement et les mentalités changeront génération après génération. »

Cette bataille, Angélique Kidjo la mène aussi depuis 2006 avec sa fondation Batonga. Vous ne connaissez pas ce mot ? C’est normal ! Il sort tout droit de l'esprit de la petite Angélique qui aimait, enfant, le crier fièrement comme une revendication face à ses camarades d'école masculins. « Si on veut transformer l’économie et la politique sur mon continent, il faut des femmes qui comprennent la complexité du monde. » Batonga travaille donc en faveur de l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur des filles d'Afrique. « Mon père nous a permis, à mes frères, mes soeurs et moi, d’aller à l’école. Parce qu’il croyait profondément que l’éducation est la seule richesse qu’il pouvait nous donner pour faire de nous des adultes responsables. » La pomme n'est donc pas tombée très loin de l'arbre…

Sur scène comme dans ses engagements idéologiques, Angélique Kidjo dégage une énergie incroyable. « Mes chansons ne sont jamais des leçons de morale. C’est pour que chacun écoute et ensuite prenne ses responsabilités. » Et si on s’arrêtait quelques instants pour l’écouter ?

Sabrina Gaspari
Social Media Editor

> batongafoundation.org/

Les citations sont extraites de L’Invité, TV5 Monde, septembre 2017 et Internationales, TV5 Monde, septembre 2017.

Le savoir, c'est la joie de connaître

Nuccio Ordine, professeur à l’Université de Calabre, est philosophe et en guerre contre l’utilité, notion maîtresse du 21e siècle. Son crédo ? L’utilité de l’inutilité. Soit faire ou apprendre, juste pour le plaisir. Sans objectif derrière : « c’est le plaisir qui nous permet de devenir meilleurs ». Une phrase, toute simple, qui fait le lien avec l’une des valeurs fondatrices de l’université, en 1425 : ‘devenir meilleur pour soi-même et pour les autres’. Le choix de l’UCLouvain de lui décerner le titre de docteur honoris causa devient, dès lors, évident.

« Les découvertes fondamentales, qui ont façonné la société actuelle, proviennent de la curiosité. » D’où l’importance, pour Nuccio Ordine, de scinder l’envie d’apprendre et de découvrir, de la nécessité pratique de la découverte ou de l’enseignement. « Le GPS existe grâce à la théorie de la relativité. Or, Einstein ne l’a pas imaginée dans un esprit utile, il voulait comprendre, c’est tout. » Laisser son cerveau vagabonder est aujourd’hui un luxe : « on demande aux scientifiques, avant même d’entamer leurs recherches, de savoir ce qu’ils découvriront. Et c’est pareil du côté des étudiant·es, ils ou elles doivent déjà savoir quelle carrière ils embrasseront, avant même d’entamer leurs études… C’est une grande folie ! »

« Pendant des siècles, le but de l’enseignement était de former des citoyens cultivés et libres. » Aujourd’hui ? La société forme des professionnels adaptés au marché de l’emploi. Le risque, pour Nuccio Ordine ? Une perte des compétences profondes et du sens de l’éthique. Son conseil ? « Il faut suivre ses passions ! »

Isabelle Decoster
Attachée de presse UCLouvain

> bit.ly/2P4El9i

Tout un village pour apprendre

Quand on arpente les couloirs du Centre de Recherche Interdisciplinaire (CRI) cofondé par François Taddei, on a un peu l’impression de se perdre dans les rues d’un étonnant village, habité et traversé tout à la fois par des professeur·es, des chercheur·ses et des étudiant·es. Et c’est bien la volonté affichée du futur docteur honoris causa de l’UCLouvain, chantre du croisement des réflexions et des regards, qui entend créer partout où c’est possible des Carrefours de Rencontres Intéressantes.

Notre hôte l’affirme : pour mieux appréhender les enjeux qui défient nos sociétés, il faut dépasser le cloisonnement et la hiérarchie des disciplines ; et se doter d’outils performants pour éviter tout aveuglement cognitif. Ainsi François Taddei applaudit-il une initiative comme Wikipédia (lancée par Jimmy Wales, également docteur honoris causa de notre université) et soutient-il l’idée de la création d’un ‘GPS des connaissances’, qui permettrait de trouver les meilleurs chemins pour (mieux) apprendre, chacun·e selon ses propres besoins de formation. Des outils strictement numériques ? Non, François Taddei est convaincu que les interactions sont essentielles, et font la valeur ajoutée des campus universitaires, lieux privilégiés pour mobiliser l’intelligence collective. Dans les seuls amphithéâtres ? Non, le chercheur lance des idées originales et propose des modèles innovants, avec l’envie de contribuer à inventer d’autres écosystèmes d’apprentissage.

À l’échelle d’une planète où il faudrait, selon François Taddei, « créer une université par jour pendant 20 ans pour répondre à l’envie d’apprendre », sa démarche créative et réflexive ne peut nous laisser indifférents.

Benoit Van Oost
Animateur du Réseau des diplômés de l’UCLouvain (Alumni Louvain)

> cri-paris.org

> www.uclouvain.be/dhc2020

Article paru dans le Louvain[s] de décembre 2019 - janvier-février 2020