Promouvoir la santé en prison

Pour son mémoire, Rachelle Rousseaux s’est plongée dans le milieu carcéral. Une expérience interpellante et un prix à la clé.

Rachelle Rousseaux, chercheuse à l’Institut de recherche santé et société de l’UCLouvain (IRSS) et lauréate d’un HERA Award 2022, a fait de la promotion de la santé en prison le coeur de son mémoire en santé publique. « Il est essentiel d’aider les personnes détenues à retrouver leur autonomie et leur pouvoir d’action sur leur quotidien », clame-t-elle.

Qu’est-ce qui a motivé votre sujet de recherche ?

Après mes études de psychologie, j’ai réalisé un master complémentaire en santé publique à l’UCLouvain. J’ai décroché par hasard un job d’étudiante au sein du service de promotion de la santé RESO à l’Institut de recherche santé et société de l’UCLouvain. Je retranscrivais des réunions d’équipe d’associations bruxelloises actives dans le secteur. Parmi elles, I.Care, active en prison, notamment celle pour femmes de Berkendael. Le sujet m’a passionné.

Pourquoi ?

Les membres de l’équipe pluridisciplinaire de l’ASBL RESO effectuent un travail formidable. Ils vont à la rencontre des détenu·es dans leur lieu de vie pour échanger individuellement au sein des cellules, dans des groupes communautaires ou de manière plus informelle au préau. L’objectif des entretiens est toujours le même : redonner aux personnes le pouvoir d’agir sur leur quotidien. C’est très important pour leur bien-être et leur réinsertion. Par exemple, des détenues ont réécrit le règlement d’ordre intérieur afin qu’il soit compréhensible par toutes.

Un témoignage particulièrement frappant ?

Oui, celui d’un homme qui sentait mauvais à sa sortie de prison. Quelqu’un le lui a fait remarquer, lui demandant s’il prenait des douches. Il s’est alors rendu compte qu’il avait oublié ce geste quotidien essentiel car personne ne le lui avait rappelé. Il était en totale perte d’autonomie. C’est très interpellant. 

Quelles sont vos principales observations ?

Au sein de la prison, les professionnels qui ont un pouvoir de changement sur la santé ne se limitent pas au personnel médical. Les travailleurs et travailleuses d’I.Care jouent souvent, sans le vouloir, le rôle de référent santé au coeur de l’établissement. L’équipe envisage la santé de façon holistique dans sa dimension physique, psychologique et sociale. L’approche est globale et très positive.

Le concept peut-il s’adapter à d’autres publics fragilisés ?

Mon travail porte sur le milieu très particulier de l’univers carcéral. Mes conclusions sont donc dif ficilement transférables telles quelles à d’autres situations. Par contre mon étude peut apporter des éléments de réflexion, notamment dans le cadre du projet de la future méga-prison de Haren.

Qu’est-ce que le prix HERA vous apporte ?

J’ai été très touchée de recevoir ce prix. Je suis contente de savoir que mon travail ne va pas tomber aux oubliettes mais qu’il a une perspective à long terme. Il y a énormément de travail à faire dans ce domaine et j’espère avoir l’opportunité d’investiguer davantage.

Dans quel sens ?

J’aimerais approfondir le concept de ‘Prisons Promotrices de Santé’. Penser le milieu pénitentiaire dans son entièreté pour favoriser le bien-être, les perspectives de réinsertion et lutter contre les inégalités sociales de santé. Le paysage carcéral va connaître de nombreux changements dans les mois à venir, en particulier à Bruxelles. C’est l’occasion de repenser la problématique de la santé en prison, avec toutes les personnes qui agissent sur le terrain afin de construire ensemble une société plus durable.

Anne Mauclet
Chargée de communication recherche

LouvainS : Juin 2022

• Partir du bon pied
• A-t-on raison d'avoir peur?
• Promouvoir la santé en prison

Télécharger le magazine Lire en ligne