«Entrer en débat, c’est devenir plus libre»

LOUVAINS

débat

Valentine Foucart et Charles Lurquin participent au projet SPECQUE, la plus importante simulation francophone du Parlement européen imaginée en 1998. Si la liberté était déjà abordée avant la crise, elle est devenue beaucoup plus importante aujourd’hui.

Valentine Foucart et Charles Lurquin, tous deux en master en droit, ont recréé la délégation SPECQUE – Simulation du Parlement Européen Canada-Québec- Europe – de l’UCLouvain en 2018. Durant une semaine, des étudiantes et étudiants francophones venu·es du monde entier endossent les rôles d’eurodéputées et d’eurodéputés, de rapportrices et rapporteurs, de lobbyistes ou encore de journalistes. Cette année, la simulation aura lieu à Amiens (France) du 11 au 18 juillet.

Liberté d'expression

Valentine et Charles voient un lien fort entre leur engagement et la notion qu’ils ont de la liberté. « Ce que je prenais pour acquis – aller au théâtre, au cinéma, dans un auditoire, rencontrer des gens –, tout a disparu de nos vies pendant un an. Actuellement, je pense à la culture, la liberté culturelle et celle de s’instruire, l’accès aux informations variées, toutes ces possibilités me manquent. Il y a une limite aux écrans qui réduit la passion d’échanger. Selon moi, la liberté, c’est une question d’échange. D’échanges humains aussi, car je suis convaincue qu’on ne peut pas tout résoudre avec des ordinateurs », indique Valentine Foucart. « Ce qui me vient directement à l’esprit, c’est la liberté d’expression », ajoute Charles Lurquin. « C’est une valeur extrêmement importante au sein de la SPECQUE parce qu’il s’agit d'un projet basé sur le fonctionnement des échanges entre jeunes autour de thématiques européennes afin d’arriver à des consensus. » Pour l’étudiant, le fait que la SPECQUE favorise à ce point la liberté d’expression est enrichissant parce qu’elle permet de dépasser ses propres contraintes, opinions, contradictions. « Bien entendu, il y a un parallèle à faire entre la liberté d’expression des parlementaires et ce que nous faisons au cours des simulations. Ils bénéficient d’une liberté très large et de notre côté, c’est ce que nous valorisons dans le projet SPECQUE », complète Charles.

Le monde d'avant, dépassé?

La liberté n’a pas attendu le covid-19 pour s’inviter dans les débats de la SPECQUE. « En 2018, Charles et moi faisions partie de la Commission Liberté. On travaillait sur un texte visant à réguler les fake news et les propos haineux », explique Valentine. Mais cette thématique a pris plus d’ampleur. « De manière indirecte, cette année, on va débattre d’un projet de directive qui tend à étendre la non-discrimination fondée sur le genre au niveau européen. » Cette thématique de la liberté est devenue plus importante et a évolué après plus d’un an de mesures covid. Pour les deux membres du projet SPECQUE, elle se confond avec d’autres préoccupations actuelles. « Je dirais qu’il est davantage question d’autonomie que de liberté. Maintenant qu’on est dans une phase plus positive, un vent de liberté revient mais il ne faut pas le confondre avec les opportunités à saisir. Je pense que c’est ça qui préoccupe les étudiants », raconte Charles. « On parle souvent de revenir au monde d’avant, mais moi, je ne veux pas revenir à ce monde-là », souligne Valentine. « Parce que si c’est le cas, on va avoir d’autres crises. La situation sanitaire actuelle et le réchauffement climatique sont une seule et même chose. On exploite tellement les ressources qu’on découvre des virus censés évoluer sans nous. Je ressens que, dans notre génération ou dans notre milieu, on parle du réchauffement climatique. Mais aussi qu’il faut qu’on change notre système d’exploitation des ressources. On ne peut pas continuer comme avant parce que c’est pour cette raison que la crise a pris cette ampleur. » Et l’étudiante de poursuivre : « La liberté a un prix. Je suis prête à payer le prix de respecter davantage la planète, de réfléchir avant de prendre l’avion pour retrouver une certaine liberté. Mais je n’ai pas envie de retrouver la liberté à tout prix pour, à nouveau, devoir tout sacrifier. J’ai peut-être peur qu’on continue à polluer, à surexploiter nos ressources, mais je crois que notre génération a le sentiment qu’il faut changer quelque chose par rapport au monde d’avant », détaille Valentine.

L’université, un moyen d'être libre

Les deux étudiants sont formels, que ce soit à l’université ou à travers le projet SPECQUE, on apprend à être plus libre, notamment grâce à la liberté d’échanger. « Le concept même de l’université est fondé sur l’émancipation individuelle, l’apprentissage de connaissances et un certain savoir-être qui est la capacité à confronter sa propre opinion. Le fait d’entrer en discussion et en débat, d’apprendre à argumenter, permet de développer l’esprit critique et, in fine, de devenir plus libre », déclare Charles, avant de poursuivre : « Le projet SPECQUE répond à mes convictions. L’idée est de rapprocher des mondes d’horizons différents autour d’un objectif. En tant qu’initiative internationale et transatlantique, ce projet me convainc de la nécessité d’avoir des échanges entre cultures », conclut-il.

Laurick Ayoub
Diplômé en journalisme, étudiant en sciences politiques

valetine et charlesValentine Foucart et Charles Lurquin
Étudiante et étudiant en master en droit à l’UCLouvain, à l’initiative de la relance du projet SPECQUE au sein de leur université. 

 

Article paru dans le Louvain[s] de juin-juillet-août 2021