L’UCLouvain a accueilli Abeer Musleh la 3e semaine d’octobre sur l’invitation de Geoffrey Pleyers, professeur de sociologie à l’UCLouvain.
Elle est intervenue le mercredi 16 octobre à la conférence de rentrée en Sociologie. Le lendemain, elle a rencontré la rectrice, Françoise Smets, et a terminé sa visite le 18 octobre en participant au cours d'Elena Aoun sur "la gestion des turbulences globales" à Mons dans le cadre du master en science politique et relations internationales.
Geoffrey Pleyers nous explique le pourquoi de cette invitation :
Il est de tradition d'inviter un·e sociologue reconnu·e pour la conférence d'ouverture de l'année académique en sociologie. D'habitude nous invitons un sociologue européen ou nord-américain. Mais il est important de montrer que la sociologie se produit partout dans le monde, pas seulement dans les pays du nord : nous avons beaucoup à apprendre de nos collègues du Sud de la planète, et à cet égard la conférence d’Abeer Musleh a tenu toutes ses promesses. Je suis régulièrement en contact avec des sociologues de tous les pays y compris la Palestine et je suis très admiratif quand je vois que, malgré des circonstances si difficiles, ils produisent des recherches de qualité et continuent d'enseigner avec motivation. Recevoir la Professeure Abeer Musleh pour cette conférence prestigieuse est un signe de soutien à ses collègues palestiniens et aux sciences sociales qu’ils produisent.
Nous avons rencontré Abeer Musleh et lui avons posé quelques questions sur son travail et sa visite à l’UCLouvain :
Pouvez-vous vous présenter à la communauté universitaire en quelques mots ?
Je m'appelle Abeer Musleh. Je suis une professeure et chercheuse à l’Université de Bethléem. Mes recherches se concentrent sur la jeunesse dans le contexte de la colonisation, son impact sur la vie, les structures et l'engagement des jeunes. Je mène des recherches sur la jeunesse à la fois en tant que praticien et en tant que sociologue. Je m'intéresse à la recherche sur la jeunesse, principalement dans le cadre de la compréhension du contexte palestinien et de l'impact de la colonisation sur les jeunes.
Quelle est la genèse de votre visite à l’UCLouvain ?
La connexion a commencé avec Geoffrey Pleyers qui est professeur à l’UCLouvain et également président de l’Association Internationale de Sociologie dont je suis membre. Il m'a proposé d'être l'orateur de la conférence d'ouverture de l'année universitaire en sciences sociales. Mais à la fin, nous avons surtout parlé de la manière dont nous pourrions établir une connexion à long terme entre les deux universités afin de pouvoir échanger des connaissances
Était-ce difficile d’organiser le voyage pour venir ici au vu de la situation en Palestine ?
Il y avait beaucoup d’incertitudes quant à savoir si mon voyage serait possible ou non. Je n’étais pas sûre de pouvoir sortir de Palestine. Il m'a fallu 24 heures pour arriver à cause des différents points de contrôle et du passage de la frontière jordanienne, en raison de la situation actuelle dans la région.
Pourquoi était-il si important pour vous de venir à l’UCLouvain, compte tenu du risque et de la difficulté des déplacements ?
Je pense que nous partageons les mêmes valeurs. C’est ce que j’ai pu constater chez tous les collègues qui m’ont reçu. Nous avons tous parlé de notre responsabilité envers l’humanité. De plus, en tant que chercheuse sur la jeunesse, j'ai la responsabilité de présenter une compréhension alternative pour la jeunesse palestinienne qui découle de la voix des jeunes et de leur perception de leur vie et de leur rôle sous la colonisation. Ils sont victimes de la guerre mais ils luttent toujours pour la vie. La plupart du temps, nous sommes considérés uniquement comme des victimes et nous ne sommes pas considérés tels que nous sommes réellement. Comment nous apportons de l’espoir. Comment nous continuons à vivre, malgré toutes les atrocités.
Quels sont les messages que vous souhaitez transmettre à notre communauté universitaire ?
Nous sommes tous responsables de ce qui se passe dans le monde. Nous sommes responsables si nous ne parlons pas, si nous n’agissons pas. Il est temps d’agir maintenant. Nous ne pouvons pas attendre que le génocide et la guerre soient terminés. Si nous acceptons ce génocide, il se reproduira. Nous avons tous une responsabilité envers l’humanité, pas seulement envers la Palestine. Une façon d’y mettre fin est également de soutenir les colonisés, et pour cela, l’éducation est importante. En dispensant une éducation, nous ne transmettons pas seulement des connaissances, nous apportons de l’espoir.
Qu’attendiez-vous de cette visite ?
J’ai été tellement surprise du nombre de personnes prêtes à me recevoir. Je ne m’attendais pas à être accueillie aussi chaleureusement. J’espère que nous pourrons construire une coopération entre les deux universités. J’espérais planter la graine d’une coopération. Ce que je vois maintenant, c’est qu’il y a bien plus que cela. Les possibilités sont grandes, non seulement pour planter la graine, mais aussi pour la faire pousser.
Pensez-vous que des résultats concrets sortiront de cette visite ?
Oui tout à fait, la rectrice m’a accueilli et nous avons eu une discussion constructive. Les différentes équipes des sciences sociales sont ouvertes à la construction d'une coopération, y compris les collègues individuellement. Je pense donc que nous disposons d'un point de départ solide et je m'attends à une collaboration plus longue entre les deux universités.
Vous travaillez avec des jeunes en Palestine. Quel est leur état d’esprit à l’heure actuelle ?
Il y a beaucoup de peur. Mais les jeunes avancent. L'ambiance n'est évidemment pas au beau fixe, mais voir comment ils reviennent jour après jour à l’école, passent les contrôles pour s’y rendre et poursuivent leurs études, c’est un signe d’espoir. Ils créent leur avenir même s’ils ne sont pas toujours optimistes à son sujet. Ils ne se contentent pas de rêver et de rester chez eux. Ils rêvent et marchent vers l’avenir.