Lorsqu’on mange des graisses et que tout fonctionne dans notre corps, une enzyme de l’intestin indique au cerveau (via la production de molécules) « stop, je n’ai plus faim ». Cet axe intestin cerveau permet de maintenir un bon équilibre alimentaire. Ce sont des chercheurs de l’UCLouvain qui ont réussi à cibler cette enzyme. Elle dysfonctionne chez les sujets en surpoids ou obèses, et du coup, le message « je n’ai plus faim » est interrompu. Conséquence, le surpoids augmente. Ces résultats sont publiés dans la revue scientifique Nature Communications.
Quelles découvertes ?
L’équipe de Patrice Cani (Louvain Drug Research Institute, UCLouvain), est la première à expliquer pourquoi l’axe intestin cerveau est altéré lors d’une surconsommation de graisses:
- Un régime riche en graisses altère l’axe intestin cerveau, via la baisse d’activité d’une enzyme (NAPE-PLD). Résultat, le corps ne réagit plus correctement à cette surconsommation de gras, l’appétit n’est plus régulé et le sujet grossit ;
- Les souris qui n’ont plus cette enzyme dans l’intestin développent un foie gras et deviennent obèses (encore plus que les souris normales) et dépensent moins d’énergie ;
- Si on expose ces souris (sans cette enzyme) à un régime riche en gras, elles n’arrivent pas à arrêter de manger la nourriture grasse, et mangent donc plus que des souris normales recevant cette même nourriture grasse
Comment ça marche ?
- Sans cette enzyme (ou quand elle est moins active suite à l’ingestion de graisses), on perd les signaux qui informent le cerveau d’arrêter de manger. En simple, on a perdu un moyen physiologique qu’a l’intestin d’activer dans l’hypothalamus les neurones anorexigènes… et qui font dépenser plus d’énergie au repos. Conséquences ? On mange plus et on dépense moins d’énergie, donc, on grossit.
- C’est au cours de leur thèse de doctorat qu’Amandine Everard, Hubert Plovier et Marialetizia Rastelli, trois chercheurs FNRS de l’équipe de Patrice Cani (UCLouvain), ont aussi découvert que, sans cette enzyme, l’intestin absorbe plus de graisses et donc engorge le foie qui devient stéatosique (gras). Ça perturbe le microbiote qui, à son tour, renforce le cercle vicieux lié à l’obésité.
- Enfin, la recherche démontre que le fait d’administrer la bactérie Akkermansia[1] chez les souris qui ont perdu cette enzyme, et donc ont un axe intestin cerveau perturbé, permet de faire baisser le foie gras, et aussi de manger moins. Et donc de restaurer le dialogue, via le message « stop, je n’ai plus faim ».
Quel impact sur l’obésité ?
Cette recherche est essentielle car la découverte des effets de cette enzyme ouvre la porte à de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles (actuellement déjà à l’étude dans certaines sociétés pharmaceutiques) pour améliorer cet axe intestin cerveau. Trois pistes sont testées :
- Administrer certaines molécules produites par cette enzyme afin de diminuer l’appétit
- Activer l’enzyme afin d’augmenter la production des molécules et donc ses effets
- Empêcher la dégradation de ces molécules pour garantir leurs fonctionnements
Cette recherche, initiée en 2010 et financée par le WELBIO-FNRS, le Fonds Baillet-Latour et un ERC, vient d’être publiée dans Nature Communications. Coordonnée par l’UCLouvain, elle associe des chercheurs canadiens, italiens, français et hollandais.
[1] Akkermansia est une bactérie intestinale dont les effets bénéfiques ont été mis à jour à l’UCLouvain par Patrice Cani et son équipe. Cette bactérie réduit les effets liés à l’obésité et au diabète, chez la souris.