Les deux visages de la Sabine

CEMA

Ce projet de recherche vise à étudier les modes de peuplement et la société de la Sabine intérieure, entre la phase de formation de l'ethnie historique des Sabins au début de l'âge du fer et la romanisation. L'étude se concentre en particulier sur le territoire montagneux de l'ancienne Nursia (dans la Valnerina, au sud-est de l'Ombrie), à l’extrémité nord-est du monde sabin, en contact avec les Ombriens, les Étrusques et divers autres peuples osco-ombriens au sud et à l'est, au-delà des montagnes. C'est ici, dans les paysages accidentés de la crête des Apennins, que Caton, cité par Denys d’Halicarnasse (DH II.49.2 [= Cat. fr 50P]), situe la patrie des Sabins, précisément à Testruna, près d'Amiternum (près de L'Aquila).

C’est de là que les Sabins commenceront l'expansion qui les mènera dans la fertile vallée du Tibre, près de Rome, entrant ainsi, dès leur formation, dans l'histoire de l'Urbs. Ce sont les Sabins de centres comme Eretum ou Cures – faisant l'objet d'un projet spécifique du GEEI – qui apparaissent dans la plus ancienne mythologie romaine, en particulier dans l’épisode de l’enlèvement des Sabines ou dans la figure de Titus Tatius, co-roi de Rome avec Romulus.

Et c’est cette Sabine tibérine qui devint une région de centres proto-urbains (comme Cures), nettement plus petits toutefois que les métropoles étrusques, et moins riches, tandis qu'à l'intérieur, dans les montagnes, la population reste peu dense, préservant une société agro-pastorale qui reflète ce visage austère des Sabins si cher aux sources moralistes romaines. Ce sont les « deux visages de la Sabine » : d’une part la richesse et la fertilité de la Sabine Tibérine, qui est entrée très tôt en contact avec Rome, d’autre part la dureté et la sévérité de la Sabine intérieure, qui avant la conquête romaine en 290 avant J.-C. par Manius Curius Dentatus n'avait que des relations marginales avec Rome. Il est ainsi possible d'expliquer l'apparente contradiction entre les Sabins « riches », qui par exemple dans l'épisode de la trahison de Tarpéia portent des bracelets et des bagues en or, et étaient réputés « doux » comme les Étrusques (DH II.38.3), et d’autre part les Sabins pour qui la guerre, la frugalité et la rigueur étaient les principales vertus, au point de justifier leur descendance mythique des Spartiates (DH II.49.4-5).

Le but du projet est d'étudier, à travers l'étude de cas de l'ancien territoire de Nursia, la société Sabine telle qu'elle s'est développée dans la géographie accidentée des Apennins, sa terre d'origine, afin de comparer et d'analyser, en termes archéologiques et historiques, la différente évolution entre les « deux visages de Sabine » : celui de l'intérieur et celui de Tibérine. 

Illustration : Vue du territoire montagneux des Apennins de la municipalité de Cascia.