Des chercheurs de l’UCL ont découvert que certaines bactéries communiquent pour coordonner lutte biologique et capture de matériel génétique. Johann Mignolet, chercheur post-doctorant dans le laboratoire du Professeur Pascal Hols au sein de l’Institut des Sciences de la Vie de l’UCL, a réalisé une avancée majeure dans la compréhension du comportement bactérien. Il a montré qu’une bactérie résidant dans l’intestin produit une molécule (aussi appelée phéromone) dont l’objectif est de renseigner l’ensemble de ses congénères du meilleur moment pour libérer des toxines antibactériennes (bactériocines), et s’approprier les gênes des bactéries ennemies tuées. Les résultats de ces travaux de recherche, publiés dans la prestigieuse revue scientifique Cell Reports,ouvrent la voie vers de nouveaux traitements antimicrobiens.
La peau, la paroi vaginale, la bouche et l’intestin foisonnent de bactéries qui prolifèrent (la plupart du temps) pacifiquement avec leur hôte humain. Environs 100.000 milliards ! Ce nombre est si impressionnant que les scientifiques estiment que notre corps porte 10 fois plus de bactéries que de cellules humaines. Les bactéries se battent constamment pour monopoliser l’espace et la nourriture à la surface des muqueuses humaines, territoires vastes, surpeuplés et surtout hostiles. Certaines d’entre-elles ont développé des stratégies pour évoluer plus rapidement et/ou pour synthétiser des molécules qui empoisonnent les bactéries aux alentours.
Johann Mignolet et Pascal Hols ont découvert qu’une phéromone unique produite par Streptococcus salivarius, une bactérie qui vit en symbiose à l’intérieur de l’intestin humain, coordonne de manière étroite ces deux stratégies. D’une part, S. salivarius produit des toxines dans l’intestin pour assassiner les bactéries voisines et d’autre part, il capture leur matériel génétique. Ce transfert de gènes participe à l’acquisition de nouvelles caractéristiques de survie et rend S. salivarius mieux à même de prospérer dans la microflore intestinale. Les deux scientifiques prennent comme métaphore pour expliquer ce comportement les tribus cannibales qui tuent leurs ennemis et mangent leurs organes afin d’aspirer leur âme et leur force.
Johann Mignolet et Pascal Hols ont aussi dévoilé lors de leurs recherches comment les bactéries bénéfiques ou leurs armes pourraient être utilisées pour combattre les bactéries qui résistent à plusieurs familles d’antibiotiques, un problème grandissant pour la santé humaine. Ils sont persuadés que si les bactéries sont un problème, les bactéries pourraient être la solution. Dans cette perspective, les bactériocines apparaissent comme une alternative viable aux antibiotiques, étant donné que les molécules toxiques produites par S. salivarius sont efficaces contre plusieurs bactéries responsables de maladies humaines sévères (staphylocoque doré, listeria, entérocoques et streptocoques causant scarlatine ou caries).
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec Tom Coenye de l’Université de Gand et Jacques Mahillon, Professeur à l’UCL, et subsidiés par le FNRS ainsi que par des fonds fédéraux (PAI).