Trois ans presque entièrement dédiés à la recherche grâce à un poste de professeure de recherche Francqui : c’est le cadeau que Laure Bindels, spécialiste des liens entre perte de poids, cancer et microbiote intestinal, a ouvert avec joie en septembre.
«Ce poste de professeure de recherche Francqui vient à point nommé pour me consacrer à plusieurs projets de recherche », sourit Laure Bindels, professeure à la Faculté de pharmacie et des sciences biomédicales de l’UCLouvain et investigatrice WELBIO. La responsable d’une équipe de scientifiques au Louvain Drug Research Institute (LDRI), peut, grâce à ce poste financé par la Fondation Francqui, déléguer la plus grosse par tie de ses cours à des personnes intéressées par une nouvelle opportunité d’enseignement. C’est le cas de Sandrine Ellero-Simatos (Université de Toulouse) qui vient donner, pendant trois ans, un cours consacré à la toxicologie et l’environnement.
Perte de poids
Côté recherche, la piste suivie par Laure Bindels est originale : son équipe investigue la perte de poids liée au cancer – la cachexie – et plus particulièrement le rôle des bactéries intestinales dans les désordres métaboliques liés à cette maladie. Car on sait que ce processus aggrave le diagnostic. Plusieurs projets profiteront des 36 mois de ‘liberté’ de la chercheuse. Le premier, financé par le Télévie, tente de comprendre comment la tumeur induit une perte de masse grasse. « Nos études montrent que changer la composition du microbiote est bénéfique sur plusieurs plans : l’atrophie musculaire, la masse grasse et/ou la prolifération du cancer. » L’équipe préconise une prise en charge multimodale de la cachexie : une sélection du type d’aliments proposés au patient, un soutien pharmacologique et des exercices physiques adaptés. « Notre but n’est pas de guérir le cancer uniquement en modifiant le microbiote », précise la Pre Bindels, « mais de proposer une approche nutritionnelle basée sur des connaissances scientifiques. »
Contre l'atrophie
Si les scientifiques de l’UCLouvain savent donc qu’on peut agir sur l’atrophie musculaire en changeant le microbiote intestinal, le mécanisme n’est, lui, pas connu. L’objectif d’un 2e projet (fi nancement Welbio, Région wallonne) est d’identifier de nouveaux métabolites* bactériens qui seraient impliqués dans ces effets. À la clé, la perspective de développer une thérapie plus pharmacologique de la cachexie. Le 3e projet (EOS, fédéral) est, lui, tourné vers la fonction de barrière intestinale.
La passion des maths
Chercheuse, était-ce une vocation ? « Après des secondaires en math-sciences, j’ai fait des études en pharmacie parce que j’aimais beaucoup la chimie et la biologie. » En 2006, Laure Bindels devient étudiante chercheuse, ce qui lui vaut un prix, suivi d’une bourse du FNRS pour faire sa thèse avec la Pre Nathalie Delzenne, spécialiste de la nutrition au Louvain Drug Research Institute. Elle s’envole ensuite pour l’Université du Nebraska qui possède l’un des plus grands hébergements pour animaux sans microbiote. C’est là aussi que la chercheuse acquiert de nouvelles compétences qui rejoignent sa passion pour les maths : la bio-informatique, la programmation et le séquençage. « Aujourd’hui, je forme les (post-)doctorant·es aux techniques de différents types de séquençage, dont celui des bactéries. » De retour en Belgique, la spécialiste en microbiote décroche un post-doctorat du FNRS à l’UCLouvain pendant deux ans, avant d’endosser, en 2016, la toge de professeure dans la même université. « J’ai eu un parcours en ligne droite… et beaucoup de chance », témoigne la chercheuse.
La liberté et l'équipe
Lorsqu’on l’interroge sur ce qui lui permet d’avancer, Laure Bindels pointe la liberté de poser des choix dans ses démarches scientifiques, mais aussi son équipe sans laquelle rien ne serait possible. Reconnaissante pour le poste qu’elle détient pour trois ans, elle ne se prive pas de souligner qu’elle l’est aussi à l’égard de l’université, de ses collègues, avec qui elle partage de nombreuses ressources, et des bailleurs de fonds qui lui font confiance.
Dominique Hoebeke
Communication UCLouvain Bruxelles
> uclouvain.be/perte-poids-cancer-microbiote
* Un métabolite est une molécule de petite taille issue du métabolisme d’un composé complexe, tel qu’un ingrédient alimentaire.
© Alexis Haulot
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