Communiqué de presse - Recherche UCLouvain
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Sophie Lucas, chercheuse à l’Institut de Duve de l’UCLouvain, étudie les réponses immunitaires que les patients cancéreux peuvent monter contre leur propre tumeur. « A long terme, l’objectif est d’essayer de manipuler ces réponses immunitaires pour les rendre plus efficaces et permettre le rejet des cellules tumorale par le patient lui-même. » Ce serait une avancée incroyable dans le domaine de l’immunothérapie, qui est elle-même une belle alternative aux thérapies du cancer qui ciblent les cellules tumorales, comme la chimio ou la radiothérapie. L’immunothérapie, au contraire, cible les cellules du système immunitaire, afin de les stimuler pour que, à leur tour, elles se retournent contre la tumeur du patient pour la détruire.
L’avancée majeure de Sophie Lucas ? Le développement d’un nouveau médicament qui commence tout juste à être testé chez les patients cancéreux pour cibler leur système immunitaire. Pour arriver à ce résultat, l’équipe UCLouvain a accumulé les découvertes majeures ces dix dernières années. Premier pas : « En 2004, on s’est demandé si certaines cellules du système immunitaire pouvaient jouer un rôle négatif chez les patients cancéreux », explique la chercheuse. L’équipe s’est intéressée aux lymphocytes T régulateurs (Tregs), qui peuvent être très toxiques pour les patients cancéreux : ils régulent tellement le système immunitaire qu’ils diminuent l’efficacité des cellules immunitaires (supposées éliminer les cellules cancéreuses). Résultat : le système immunitaire n’est plus efficace pour lutter contre le cancer qui progresse.
Deuxième étape importante : l’équipe de Sophie Lucas a compris comment les Tregs parvenaient à diminuer l’efficacité des cellules immunitaires anti-tumorales, soit via la production d’un messager inter-cellulaire (le TGF-beta) qui transmet des infos depuis les Tregs vers d’autres cellules. Ce messager possède la faculté d’inhiber les cellules immunitaires anti-tumorales, diminuant ainsi leur efficacité. En 2009, l’équipe s’est rendu compte que les Tregs avaient besoin d’une autre molécule pour produire ces messagers. Une sorte de complice, appelé GARP. En quelques années à peine, l’équipe de Sophie Lucas a donc identifié les Tregs, le TGF-beta et GARP comme trois acteurs majeurs qui diminuent les réponses immunitaires anti-tumorales.
Après des tests chez la souris, l’équipe UCLouvain a observé que l’administration d’un anticorps monoclonal anti-GARP pouvait soigner des souris cancéreuses. « Les résultats de ces tests ne sont pas encore publiés », explique Sophie Lucas, « Il semble toutefois que ce médicament fonctionne chez la souris. L’administration de cet anticorps parvient à induire le rejet de certaines tumeurs. » Cette découverte prometteuse a éveillé l’intérêt d’une firme pharmaceutique. « Les essais cliniques chez l’homme viennent de commencer. Quelques premiers patients atteints de cancer viennent d’être injectés avec nos anticorps monoclonaux anti-GARP » explique Sophie Lucas.
La suite ?
Si les essais cliniques avancent bien, l’équipe pourrait avoir accès à des biopsies prélevées chez les patients traités avec le nouveau médicament. « A ce moment-là, ce sera l’occasion de vérifier qu’il fonctionne bien comme on le pense, et d’essayer de prédire avec quels autres médicaments anti-tumoraux on pourrait le combiner pour en améliorer l’efficacité. » Par ailleurs, les chercheurs UCLouvain vont aussi continuer à travailler sur les aspects fondamentaux de la biologie du TGF-beta et de GARP. « On sait que d’autres cellules, en plus des Tregs, produisent ces « messagers » via GARP, mais on ne sait pas à quoi cela sert ». Est-ce pour systématiquement diminuer les réponses immunitaires ? Ou ces acteurs jouent-ils d’autres rôles ? « Pour mieux comprendre la biologie de cet ensemble de molécules magnifiques, nous élargirons notre domaine d’expertise, actuellement essentiellement focalisé sur le cancer, pour nous intéresser aux infections chroniques ou aux maladies auto-immunitaires, par exemple », complète Sophie Lucas. Et à quand un nouveau médicament efficace ? « Il faudra encore 3 à 5 ans pour voir si notre médicament montre des signes d’efficacité sans toxicité excessive pour les patients qui souffrent de cancer », répond Sophie Lucas.
Le prix GSK de l’Académie de Médecine (décerné tous les 2 ans) récompense des travaux dans les domaines de la vaccinologie et de l’immunologie. Ces travaux doivent apporter une contribution importante aux connaissances fondamentales ou cliniques et, éventuellement, avoir un impact pour le patient. Pour le cru 2019, Sophie Lucas et son équipe sont récompensés pour les recherches menées dans leur laboratoire ces 10 dernières années sur l’immunologie des tumeurs.