Communiqué de presse
Sociétés en changement n°6 - 100ème anniversaire de l’armistice de la Grande Guerre
Ce centième anniversaire de l’armistice de la Grande Guerre est l’occasion de nombreuses commémorations, et d’interrogations sur ses empreintes dans nos sociétés contemporaines. Parmi ces empreintes, une question s’impose : les femmes belges sortent-elles de la Grande Guerre plus émancipées qu’avant ? Des chercheurs de l’Institut d’analyse du changement dans l’histoire et les sociétés contemporaines (IACCHOS) de l’UCLouvain, qui réunit près de 200 chercheurs, y répondent dans le sixième numéro de la publication Sociétés en changement, qui vise à renforcer la présence des sciences sociales dans les débats de société.
Le croisement des travaux d’Emmanuel Debruyne, d’Aurore François et de Laurence van Ypersele, historien·ne·s, et de Thierry Eggerickx, démographe, dévoilent une émancipation féminine toute relative. Dans toute l’Europe, la guerre a certes amené les femmes à investir de nouvelles fonctions pour pallier au départ des hommes, mais au lendemain de celle-ci, la reconnaissance de leur engagement s’est heurtée à l’invitation à réintégrer leur rôle traditionnel. En Belgique, cette tension s’est manifestée de manière particulière, dans la mesure où la guerre a surtout été synonyme pour la société belge de quatre années d’occupation, qui l’ont marquée dans sa vie quotidienne, son imaginaire et sa démographie.
Comme le révèlent les monuments de Guerre, l’imaginaire collectif confine généralement les femmes dans un rôle passif. Dans la réalité des faits, si seule une petite minorité s’engage dans des réseaux de résistance, toutes les occupées ont fort à faire pour affronter les difficultés du quotidien. La dégradation des conditions de vie et l’absence de nombreux soutiens de famille entraîne une chute de la natalité, mais aussi une explosion de la prostitution, sollicitée par la pléthore de clientèle militaire. Parquets et tribunaux reçoivent des plaintes en quantité, dénonçant des mères prostituées, ainsi que des jeunes filles. Cependant, la volonté de contrer ce « désordre sexuel » donne aussi un coup de fouet à l’investissement féminin bourgeois dans des œuvres de charité, destinées à offrir des soins à la petite enfance, une aide matérielle aux familles, ou encore une activité « morale » aux femmes de condition modeste, de manière à les écarter du vice.
Toutes ces recherches UCLouvain esquissent le profil d’une société belge soucieuse de préserver l’ordre qui prévalait avant la guerre, y compris en termes de rapports de genre. Et cela, même si de nombreuses femmes ont posé des choix individuels conduisant certaines à transgresser l’ordre occupant… ou occupé.
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