Une étude UCL établit comment les fleurs diffusent leur parfum dans l’air

Communiqué de presse - Recherche UCL – Revue SCIENCE

Beaucoup de fleurs répandent un doux parfum qui non seulement attire les insectes pollinisateurs, mais aussi les êtres humains qui les utilisent pour créer des senteurs largement utilisées en cosmétique. Mais comment font ces fleurs pour diffuser leur parfum dans l’air ? François Lefèvre, aspirant FNRS à l’Institut des Sciences de la Vie de l’UCL, fait partie d’une équipe de chercheurs qui en a découvert le mécanisme, jusqu’ici ignoré. Les résultats de cette étude sont publiés ce vendredi 30 juin 2017 en Une de la prestigieuse revue Science.

Les plantes produisent des composés odorants majoritairement depuis les pétales des fleurs. Les chercheurs pensaient jusqu’à présent que ces molécules sortaient de manière passive et étaient simplement diffusées dans l’air. L’étude à laquelle ont participé des équipes de recherche de l’UCL, de Purdue University(USA) et de l’Université d’Amsterdam (Pays-Bas) démontre qu’un transporteur actif ABC est nécessaire pour envoyer ces molécules dans l’air. Les transporteurs moléculaires, ou pompes moléculaires sont particulièrement bien connus de l’équipe de recherche de l’Institut des Sciences de la Vie de l’UCL, spécialisée dans ce domaine. Ils se retrouvent dans tous les êtres vivants, et sont très souvent impliqués dans la réponse aux stress. « Lorsqu’elles se font attaquer par un pathogène, ou si elles souffrent de sécheresse, par exemple, les plantes peuvent émettre des molécules dans l’air afin de communiquer cette menace aux autres plantes qui les entourent afin de les ‘prévenir’ de développer les mécanismes pour y résister. Ces mécanismes de communication biochimiques sont essentiels pour la survie des plantes. Il est donc important de comprendre les acteurs moléculaires qui régulent ces phénomènes », explique François Lefèvre,  chercheur UCL.

Ces molécules odorantes, qui sont des composés organiques volatils (COV), sont de plusieurs types (terpènes, dérivés d’acides gras, indoles et benzénoïdes), avec des caractéristiques bien différentes, et sont très utilisées dans l’industrie cosmétique. Les chercheurs se sont principalement penchés sur les benzénoïdes, présents en grande quantité chez les pétunias qui ont servi de modèle dans le cadre de l’étude. Ce que l’on apprend ? Ces molécules sont produites par certaines plantes en permanence, et uniquement à certains moments de la journée chez d’autres. Par exemple, la rose diffuse ses parfums le jour, alors que les pétunias les diffusent en soirée et la nuit, car les insectes pollinisateurs qui la visitent sont majoritairement nocturnes.

Cette périodicité dans la production des molécules odorantes est régulée par un facteur de transcription appelé ODORANT1. Or, ce dernier est également impliqué dans la régulation de PhABCG1, un transporteur actif ABC. Les chercheurs ont constaté que ce transporteur était présent dans les pétales au moment où les composés sont produits. Ils se sont demandés si la présence de ce transporteur était une condition à la diffusion des COV dans l’air ou s’il ne s’agissait que de deux phénomènes indirectement liés

Les chercheurs ont voulu mettre en relation la présence du transporteur PhABCG1 et la diffusion des molécules odorantes. « Par modélisation mathématique, nos collaborateurs ont calculé que si aucun transporteur ne les amenaient vers l’extérieur, la plante devrait produire ces COV en très grandes quantités pour qu’on en retrouve autant dans l’air. Or, il semble qu’il existe un seuil au-delà duquel leur présence peut s’avérer toxique pour la cellule. Cela plaidait donc pour un mécanisme plus complexe, » explique François Lefèvre, chercheur UCL à l’Institut des Sciences de la Vie.

Les chercheurs ont alors établi la preuve que ce transporteur PhABCG1 est directement impliqué dans le mécanisme de transport des molécules odorantes, et n’agit pas de manière indirecte dans  le processus. Comment ? En produisant ce transporteur dans des cellules de plantes en culture. Ensuite, des tests de transport ont été réalisés avec plusieurs molécules. « Deux benzénoïdes (le benzoate de méthyle et l’alcool benzylique) sont en effet véhiculés par ce transporteur. Ce qui n’était pas le cas avec les terpènes par exemple, ce qui démontre une certaine spécificité du transporteur », rapporte François Lefèvre.

Ces recherches fondamentales peuvent servir de base à l’étude des mécanismes d’émission de composés volatils par d’autres êtres vivants comme les microbes, les insectes ou même par notre propre organisme. En climatologie aussi, cette recherche a son utilité : ces molécules, lorsqu’elles sont dans l’air, servent de noyaux de condensation nécessaires à la formation des nuages. Cette découverte permettra donc de développer des modèles météorologiques plus précis. Enfin, cette recherche ouvre de nombreuses perspectives dans le domaine de l’ingénierie métaboliqueen révélant de nouvelles cibles pour améliorer la production et la sécrétion de ces composés très utilisés en parfumerie, en cosmétique, mais aussi comme arômes naturels dans l’industrie alimentaire.  Les chercheurs de l’UCL, eux, se concentrent désormais sur d’autres transporteurs ABC, car cette famille de compte pas moins 120 variantes chez les plantes dont les rôles doivent encore pour la plupart être déterminés.

LEXIQUE : Les transporteurs ABC ou transporteurs à ATP Binding Cassette forment un vaste ensemble de protéines transmembranaires dont le rôle est le transport unidirectionnel de part et d'autre des membranes cellulaire  de diverses substances (ions, stérols, macromolécules...)

 
CONTACT (Presse) 
François Lefèvre, chercheur à l’Institut des Sciences de la Vie de l’UCL, 0495/82 42 72, francois.lefevre@uclouvain.be

 

Publié le 29 juin 2017