L'OSEL : Un orchestre symphonique au cœur de l’université

Par Frédéric Blondeau

Cela fait plus de 40 ans que l’Orchestre Symphonique des Étudiant·es de Louvain-la-Neuve fait vibrer le cœur battant de la communauté universitaire et partage avec talent et enthousiasme sa passion pour la musique classique. Portrait d’un acteur incontournable de la vie culturelle de l’Université.

C’est en 1981 que se firent entendre les premiers accords de l’OSEL, sous la baguette de Philippe Mercier. Lui ont succédé Jacqueline Fontyn, Guy Douchy, Antonio Sapere, Christian Debauve et Philippe Gérard. Au départ, explique Hélène, violoniste, présidente de l’OSEL et étudiante de Master1 en physique des particules, c’est un orchestre qui rassemble quelques étudiants et alumni ainsi que quelques membres du personnel de l’université autour d’un chef d’orchestre. Ça a débuté comme ça avec un kot à projet, l’Orchestrakot, qui s’est formé autour de cet orchestre. Il faudra attendre 2002 pour que l’OSEL se constitue en asbl, ce qui va lui permettre de développer des projets d’une plus grande ampleur et de garantir une plus grande continuité.

Un orchestre de 70 musicien·nes

Depuis 1999, c’est Philippe Gérard, professeur de direction d’orchestre du Conservatoire Royal de Bruxelles qui assume la direction musicale de cet orchestre étudiant qui compte une septantaine de musicien·nes. Chaque année, l’orchestre s’attache à présenter un programme attractif et varié. Refusant l’hermétisme, soucieux d’attirer vers la musique classique les oreilles des néophytes mais aussi de satisfaire les mélomanes, l’OSEL a eu l’occasion de présenter les œuvres les plus diverses du répertoire symphonique et l’opportunité d’accompagner des solistes très talentueux. Nous organisons deux concerts par an, précise Méline (flûtiste et étudiante de BAC3 en sciences économiques et de gestion). Pour préparer ces concerts, nous participons à une répétition par semaine, tous les mardis soirs. En fin de quadri, un peu avant les concerts, nous participons à un week-end résidentiel pour mieux nous retrouver et créer ce lien fort entre nous nécessaire pour produire une meilleure musique. Au cours de ces 48 heures passées ensemble et de ce travail intensif, nous avons l’occasion de voir toute la musique prendre forme progressivement, et c’est passionnant !

Un projet artistique solide

Selon Méline et Hélène, jouer au sein d’un orchestre symphonique c’est, pour les étudiant·es musicien·nes, une chance extraordinaire de continuer à pratiquer leur instrument (la plupart ayant un cursus musical assez solide) et même de progresser. Non seulement nous jouons dans un orchestre de qualité qui se produit en concert devant un vrai public, mais en plus cet orchestre mène en quelque sorte une entreprise d’éducation qui est super importante : nous avons une Konzertmeister et un chef qui sont à l’écoute des étudiant·es, qui leur permettent d’avancer et de tirer le meilleur d’eux·elles-mêmes. Et donc on se trouve changé·es musicalement par cette formidable expérience artistique. Les membres de l’orchestre ont aussi la chance inouïe d’accompagner des solistes parfois prestigieux. C’est très inspirant pour nous qui sommes à l’université et qui avons parfois été tenté·es par une carrière musicale.

Des renforts nécessaires et inspirants

Dans l’orchestre, il y a bien sûr une majorité d’étudiant·es, mais aussi des ancien·nes, des doctorant·es et quelques musicien·nes professionnel·les. Au-delà du renfort nécessaire à certains pupitres, ils sont très importants parce qu’ils solidifient le groupe et permettent d’avoir des instruments plus rares, souligne Hélène. Par exemple un basson. On n’avait pas trouvé d’étudiant bassoniste depuis des années et cette année on a un excellent basson qui est doctorant, ajoute Méline avec satisfaction.

En fait, il y a toujours eu dans l’orchestre des instruments plus populaires que d’autres. Il est ainsi plus facile de trouver des violonistes que des bassonistes, des harpistes ou des percussionnistes. Le plus facile, c’est de trouver des flûtes, ajoute encore Méline, elle-même flûtiste.
Et donc, renchérit Hélène, heureusement qu’il y a ces alumni et ces professionnel·les qui viennent de temps en temps nous aider. Sans leur apport, on ne pourrait pas faire de la musique et c’est super important pendant la répétition de pouvoir entendre la voix du hautbois, du basson, de la contrebasse. Et puis surtout ils et elles nous apportent un autre regard sur les choses. Ces artistes contribuent par leur expérience et leur maturité à la richesse de l’orchestre. 

Une formidable aventure humaine

À côté de l’aventure artistique exceptionnelle que vivent ces étudiant·es musicien·nes, c’est aussi et peut-être surtout l’aventure humaine vécue au sein de l’orchestre qui est mise en avant. Comme le souligne avec force Hélène, l’OSEL, c’est avant tout un projet humain. On y rencontre une diversité incroyable de personnes, avec des parcours très différents. Les membres de l’orchestre viennent de toutes les facultés de l’université et de toute la Belgique… Et de l’étranger aussi, avec des étudiant·es Erasmus, ajoute Méline. Et donc c’est un grand projet qui nous rassemble humainement, continue Hélène. On a dans l’orchestre une grande variété de caractères, des plus extravertis au  plus discrets, qui partagent une passion commune et ça c’est très chouette. On se rassemble autour de la musique, et c’est encore plus beau ! Un orchestre, conclut Méline, 
c’est une mini société. Et toute l’entreprise d’être musicien·ne d’orchestre c’est d’être à l’écoute des autres, maîtriser sa propre voix, maîtriser son instrument, mais surtout harmoniser sa voix avec celle des autres. 

Des concerts peu conventionnels

Bien sûr, les deux concerts annuels devant mille personnes sont des moments très forts vécus par l’orchestre.  Au-delà du plaisir qu’elles y prennent, Méline et Hélène se sentent investies d’une mission : communiquer leur passion de la musique classique à d’autres jeunes. C’est exceptionnel d’être là sur la scène et de voir ce public super enthousiaste, avec beaucoup d’étudiant·es qui applaudissent quand il ne faut pas, entre les mouvements (rires). Mais ce n’est pas grave. C’est d’abord formidable de voir un concert classique où il n’y a pas que des personnes de plus de 60 ans dans le public. Et tant pis pour les conventions ! Nous on essaie de transmettre notre amour de la musique classique et symphonique à des gens de notre âge qui ne connaissent pas du tout ça et qui vont se dire : « Ah punaise, c’est chouette cette musique ! » Rendre celle-ci accessible, c’est un de nos premiers objectifs. C’est aussi une chose très impressionnante quand on accueille un ou des solistes, quand tout un orchestre de 70 personnes donne tout avec un volume sonore extraordinaire. Et au-dessus de tout ça, dans une salle de 1000 personnes, passe la voix d’une chanteuse ou le son du violon. 

L’OSEL, ambassadeur de l’UCLouvain

En plus des répétitions et des deux grands concerts annuels, il y a d’autres temps forts :  les tournées, qui ont lieu tous les deux ans ! Oh oui ! Ce sont dix jours intenses. On part souvent en bus et on reste sur place assez longtemps pour donner deux ou trois concerts parfois en plein air, parfois dans de belles salles. On essaie d’apporter la musique classique, qu’on a travaillée pendant un quadrimestre ou deux, à des gens qui n’ont pas l’occasion de l’entendre, dans des endroits un peu reculés ou dans des lieux touristiques… Ça fait aussi partie de la rencontre. Ce sont des moments forts qui soudent l’ensemble de l’orchestre et durant lesquels étudiant·es et professionnel·les sont ensemble 24h sur 24 : ils et elles nous parlent de leur vie, on leur parle de la nôtre, et surtout on parle musique et on la pratique. Et quand on demande à Méline de pointer le moment le plus fort de son expérience au sein de l’orchestre, elle n’hésite pas une seconde : quand on répète un morceau avec parties solistes, on répète longtemps sans le ou la soliste, en suivant le chef. Et puis arrive, pour les dernières répétitions, le ou la soliste. À partir de ce moment, on ne suit plus le chef, mais le ou la musicien·ne. Et c’est à chaque fois incroyable parce que tout à coup la musique prend forme. Avant cela, on jouait un accompagnement, mais on n’avait personne à accompagner. L’apport du soliste transcende toute la musique, c’est comme combler un vide et c’est un moment super émouvant pour tout le monde. Pendant 20 minutes, on joue pour sublimer le talent de notre complice d’un soir.

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Quelques musicien·nes solistes
 que l’OSEL a eu la chance d’accompa-gner : Lorenzo Gatto (violon), Camille Tho-mas (violoncelle), Mar-co Tamayo (guitare), Jean-Claude Vanden Eynden (piano), Ronald Van Spaendonck (clarinette), Valère Burnon (piano), Fumika Mohri (violon), Pierre Fonte-nelle (violoncelle) et, bientôt Sylvia (violon) et Stéphanie (violoncelle) Huang, lauréates des Concours Reine Éli-sabeth 2019 et 2022 (liste non exhaustive).
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Le regard de Philippe Gérard, à la direction de l’orchestre depuis 1999

Diriger un orchestre composé d’étudiant·es est certainement un exercice particulier. Qu’est-ce qui change par rapport à la direction d’un orchestre professionnel ?

PG Le travail avec un orchestre d’étudiant·es est un exercice à la fois passionnant et multiple car il est basé sur l’échange, la rencontre, le partage et la quête d’une excellence. Le choix d’un répertoire judicieux pour l’orchestre est, à la base, un des éléments décisifs et particulièrement rassembleurs dans la capacité du groupe à se motiver dans l’évolution de son travail. Partant du fait que le grand répertoire orchestral n’est jamais facile mais pousse le groupe à se surpasser, celui-ci accepte le contrat d’un formidable challenge : proposer un concert de qualité à son public, essentiellement constitué d’étudiant·es comme l’est d’ailleurs l’orchestre lui-même !
Et c’est là qu’un double miracle s’accomplit : celui du partage entre les musicien·nes pour vaincre les difficultés mais aussi « apprivoiser » toute la richesse des œuvres interprétées, et celui de la découverte, par un public jeune, des chefs-d’œuvre joués très vaillamment par de jeunes musicien·nes, leurs collègues et ami·es. 

Durant les nombreuses répétitions en amont du concert se développent une véritable amitié, un partage sans motif économique car l’élément financier professionnel en est absent. Seule la réussite du projet et une évidente fierté à le mener le mieux possible à son terme, sont les puissants leviers de la réussite collective. Il y a donc pas mal de pureté dans ce don musical de soi au projet, mais aussi beaucoup d’esprit festif et une certaine honnêteté à reconnaître l’importance d’un travail accompli.

Tout comme un orchestre professionnel, l’orchestre étudiant vise à proposer le meilleur résultat possible, en fonction des « forces en présence », de créer un esprit de groupe, solidaire et uni. Les différences se situent plutôt dans l’aspect économique, le coût du travail, le tempo de celui-ci. Le trajet vers l’excellence est différent, dans sa durée et sa difficulté, mais l’inaccessible étoile scintille au loin avec la même brillance et reste la motivation principale du groupe.

Quelle satisfaction personnelle trouvez-vous dans cet exercice ?

PG Un des motifs principaux à travailler avec un orchestre d’étudiant·es est ce sentiment de « décollage » de l’orchestre qui, lorsqu’il a vaincu et dépassé les nombreux pièges techniques imposés par l’œuvre interprétée, se meut musicalement dans une sorte de don de soi généreux et collectif. Un autre motif est de voir combien le partage avec son public lui apporte bonheur et fierté. L’OSEL, à ce niveau, est gâté car ses concerts sont toujours suivis et applaudis par un très nombreux public. Ce projet de faire jouer un orchestre jeune pour des jeunes est irremplaçable et super motivant !

Quels sont, dans vos souvenirs, les moments les plus forts vécus avec l’orchestre ?

PG Les tournées musicales de l’OSEL à l’étranger restent des moments privilégiés car ils prolongent un enthousiasme du public au-delà du « pré carré » de l’orchestre : que ce soit en Italie (dans la loggia de la Piazza dei  Signori de Florence..) ou en Lettonie, à Riga, Ventspils ou Celsis. Ou encore en Provence, Espagne, Portugal ou en Croatie, c’est toujours la même expérience de partage avec un public ravi et enthousiaste, et dans des lieux nouveaux et souvent magnifiques !

Article publié en février 2023 dans TRACES, le magazine de l'actualité culturelle à l'UCLouvain. Lire la suite 

Publié le 13 février 2023