26 juin 2017
16h00
Auditoire Desc 85
Madame Marie-Anne MISENGA DITUANYA, de Ndekesha (RDC), présentera sa dissertation doctorale pour l’obtention du grade de docteur en théologie et la soutiendra publiquement le lundi 26 juin 2017 à 16h00 dans l’auditoire DESC 85, Grand-Place, 45 à Louvain-la-Neuve.
Le jury est composé de MM. les professeurs
A. Join-Lambert, président
A. Wénin, promoteur
H. Ausloos,
D. Luciani, secrétaire
D. Nocquet (correcteur extérieur, professeur à la faculté protestante de Montpellier)
L’élection d’Israël et son lien intrinsèque à l’alliance dans la Torah. Une étude synchronique
Le principal objectif de la thèse consiste à montrer comment élection et alliance sont liées afin de faire d’Israël le peuple appartenant à Dieu pour un service de type sacerdotal. Cette étude est une lecture délibérément synchronique du texte canonique hébreu dans sa forme massorétique. Avec les outils exégétiques que proposent la narratologie et la rhétorique sémitique, on y explore cette question essentielle : quels rapports les textes qui fondent le statut d’Israël établissent-ils entre ces alliés de Dieu et les autres peuples de la terre ? Les passages ciblés dans la Torah fondent l’élection d’un seul et indiquent que cette relation entre Dieu et son peuple a pour fonction de réguler les rapports entre ce dernier et les nations.
La 1ère partie aborde la thématique dans la Genèse, plus précisément dans l’histoire d’Abraham. Le choix de celui-ci et le but pour lequel Dieu le met à part esquissent déjà un lien indissociable, bien que discret, entre élection et alliance. Y est ébauché aussi le projet d’un rapport entre Dieu et les clans de la terre. Ce plan y dysfonctionne à cause de l’élu lui-même au contact des clans égyptiens (Gn 12). Ensuite, pour que la dynamique d’alliance – bénédiction pour Abram, en Abram et à travers lui, pour ceux qui le béniront – qui est au cœur de l’élection puisse se mettre en place (v. 2-3), Dieu formalise la mise à part d’Abram par le pacte (Gn 15) scellé ultérieurement par le signe de la circoncision qui distingue le clan de son allié (Gn 17). Au sein de ce clan, Dieu choisit d’ores et déjà ceux qui seront plus tard son peuple.
Au centre de cette étude, il y a le récit de la rencontre au Sinaï (Ex 19,1–24,11 : 2ème partie). Là, Dieu offre à la descendance d’Abraham de devenir sa « part personnelle » (segoullah) en se liant à lui par une alliance qui le consacre comme un peuple de prêtres chargé de médiatiser la relation entre Dieu et les autres nations (Ex 19,5-6). Cet accord relève de la promesse faite au patriarche d’être bénédiction pour « tous les clans de la terre » (Gn 12,3), alors que l’élection vise l’établissement du lien perpétuel entre Dieu et la descendance d’Abraham (Gn 17,1-8). Le statut d’Israël s’appuie ainsi sur le pacte de Dieu avec l’ancêtre, tout en prenant un sens spécifique pour la descendance de ce dernier. Une fois l’invitation acceptée, Israël – à la fois une nation comme les autres, et distincte d’elles puisqu’elle est sainte – reçoit la loi des « dix paroles » qui vient sceller sa différence pour un service particulier au sein de l’humanité (Ex 19,10–20,21). Dans cette ligne, le code de l’alliance (Ex 20,22–23,19) développe ce qu’implique le statut de peuple élu dans ses relations avec Dieu, dans sa fonction de médiateur de la bénédiction et dans sa vie sociale, c’est-à-dire le vivre ensemble des Israélites entre eux, avec les personnes vulnérables et les étrangers parmi lesquels les émigrés. Mais, la fin du code introduit une tension dans la relation entre Israël et les nations.
La 3ème partie examine les prolongements de la thématique dans le Deutéronome. Un autre aspect central de la recherche y est développé : la question de l’identité du peuple d’Israël face à l’altérité des nations. De la même manière qu’en Ex 19,5-6, le statut du peuple élu y est affirmé en rapport avec tous les peuples de la terre (Dt 4,19-20 ; 7,6.7.14 ; 4,6-8 ; etc.). Sa singularité s’inscrit donc dans l’affirmation de l’universalité de son Dieu. Autrement dit, le choix divin (baḥar) est réaffirmé dans le contexte des autres nations dont Israël continue à faire partie. Pourtant, la dimension universelle de l’alliance abrahamique (Gn 12,3) et l’idée du rôle sacerdotal d’Israël au milieu des nations (Ex 19,4-6) semblent ignorées en Dt 7. Une tension importante porte sur le statut de ce peuple vis-à-vis des autochtones qui occupent le pays promis et qu’Israël doit « vouer à l’interdit » (ḥérem, Dt 7,1-5.16-26 ; Ex 23,23b-33), ce qui, dans ce contexte, n’implique pas forcément l’extermination d’êtres humains, comme on l’a souvent compris.
Alliance et élection sont inséparables dans la Bible mais le lien entre ces notions fondamentales n’a guère suscité de travaux qui lui soient consacrés. Cette interprétation des deux concepts théologiques à partir de l’exégèse synchronique des textes de la Torah a pour but de proposer des éléments permettant d’éclairer les enjeux identitaires. La tension dans le rapport entre Israël (et déjà Abram) et les nations, qui résulte de la problématique qui est au cœur de Gn 12,1-13,1, Ex 19,1–24,11 et Dt 7 contribue à la prise de conscience de la portée toujours actuelle de l’élection et de la responsabilité des uns et des autres par rapport à cette réalité.