Atelier sur la notion de vérité en poésie

ECR

24 février 2022

9h - 17h30

Louvain-la-Neuve

COUB01

Organisé par Stéphanie Vanasten et Helena Van Praet.

L'atelier se déroulera au COUB01 et en distanciel sur Teams, inscription indispensable.

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Programme - Argumentaire et résumés

Affiche

Programme :

9h-9h15 Accueil

9h15-9h30 Introduction (Stéphanie Vanasten & Helena Van Praet, UCLouvain)

9h30-10h45 De la vérité : aspects philosophiques et performatifs

9h30-10h00 : Elisabeth Aydin (UCLouvain / GEMCA), Principes classiques du rapport entre poésie et vérité, illustrés par la pensée d’Henri II Estienne
10h00-10h30 : Michel Lisse (UCLouvain / F.R.S.-FNRS), Les vérités de Jacques Derrida

10h45-11h15 Pause-café/thé

11h15-12h30 De la vérité : aspects expérientiels et cognitifs

11h15-11h45 : Adrien Chiroux (UCLouvain / F.S.R.), Le sujet lyrique à l’épreuve de l’en-quête romanesque de soi : exploration et apports d’un concept
11h45-12h15 : Anthony Manu (VUB / FWO), Sur l’hétérogénéité générique et la vérité dans Premières poésies de Musset

12h30-13h30 Lunch

13h30-14h45 De la vérité : aspects documentaires et sociopolitiques

13h30-14h : Jonathan Châtel (UCLouvain) : Une ‘autre’ vérité à la scène : la poésie de Trakl dans le théâtre de Claude Régy
14h-14h30 : Geneviève Fabry (UCLouvain) : Vérité et impasse du document dans la poésie de Jaime Luis Huenún

14h45-15u15 Pause-café/thé

15h15-15h45 : Laurent Robert (UCLouvain) : Vérité politique, vérité poétique chez Jean-Marie Gleize et Nathalie Quintane
16h00-17h15 « Toucher au vrai », en retour, Entretien virtuel avec Annick Ettlin, discussion

Un temps de 20 minutes est prévu par présentation, suivi de 10 minutes de discussion.
Les plages horaires sont notifiées pour faciliter un suivi serein et fructueux sous format hybride, en présentiel et à distance.

Texte de référence proposé :

Baetens, Jan, et Annick Ettlin. “On a touché au « vrai » : Lectures historiques de la figure du poète penseur.” Toucher au « vrai » : La poésie à l’épreuve des sciences et des savoirs, numéro spécial Fabula-LhT, no. 24, 2020, www.fabula.org/lht/24/presentation.html.

Argumentaire

Souhaitant explorer dans cet atelier la relation entre poésie et vérité, nous faisons implicitement le lien avec la question posée dans notre série de conférences du premier semestre sur la matérialité de la poésie et de son langage. Car, comme s’interrogent aussi Annick Ettlin et Jan Baetens dans leur introduction au numéro thématique (2020) « Toucher au « vrai » : La poésie à l’épreuve des sciences et des savoirs » de la revue Fabula-LhT: « la valeur de vérité des poèmes tient-elle à un travail des formes, est-elle issue d’une matière, linguistique, laquelle se prêterait à diverses manipulations ? Il s’agissait ainsi de s’interroger sur les spécificités matérielles du discours poétique par rapport aux autres formes de discours, d’étudier l’attention très vive que les poètes portent à la langue, les inventions qu’ils y opèrent, sans pour autant bien sûr succomber au mythe de l’unicité ou de la supériorité du langage poétique. » Cette attention pour le langage spécifique de la poésie et son substrat, sa soi-disant poéticité, comme critère de sa fonction épistémologique, constitue un fil conducteur de cet atelier.

La poésie contemporaine, dans ses manifestations textuelles, contextuelles et culturelles les plus diverses, nous confronte sérieusement, lecteurs du XXIème siècle, aux (en)jeux (certes pas neufs) de la vérité. Aussi nous souhaitons, à partir de cette publication récente de Annick Ettlin et Jan Baetens, prolonger une réflexion encore fragmentée, voire limitée à des articulations définies (comme poésie et sciences) dans certaines traditions scientifiques liées au sein des études littéraires et poétiques à des domaines linguistiques particuliers. Quels traits du dire ‘vrai’ dans la (les) langue(s) du poète et son écriture singulière, quels effets de discours et valeurs de la notion de vérité une exploration comparée de cas d’études situés dans ou entre diverses traditions linguistiques, modes génériques, pratiques inter-artistiques, sans prétention de représentativité sinon leurs actualisations créatives et variables, peut-elle alors faire remonter, à nouveaux frais possiblement ?

Lorsque nous envisageons le rapport entre poésie et vérité, nous pensons tout d’abord, pour baliser quelques points d’ancrage invitant à son examen, à une conception « post-romantique » de la notion de vérité en poésie. Il nous semble opportun – et sans doute propre à notre Zeitgeist, considéré comme « métamoderne » dans certains milieux philosophiques et littéraires –, d’adopter comme point de départ une interprétation du terme « vérité » qui reprend les notions poststructuralistes de la vérité, en la complémentant d’une valeur humaniste (voir Holland 2013). Comme le soutiennent Ettlin et Baetens, il s’agit de “S’opposer à une certaine conception ancienne, tout ensemble mystifiante et élitiste, des rapports entre poésie et vérité, certes ; mais sans renoncer à l’idée d’une certaine capacité de déblocage ou de déphasage, qui serait propre à l’écriture poétique et conduirait encore malgré tout à la considérer, de façon renouvelée, désacralisée, comme épiphanie. » Bien que nous ne souhaitions pas limiter la portée de notre investigation et que cet atelier veut également considérer avec intérêt les interprétations historiques du concept de vérité en poésie, il semble impossible de ne pas examiner avec une certaine distance critique l’idée romantique de la poésie comme vérité ultime.

En posant la question de la vérité, cet atelier touche à ce qui est (encore) au cœur de la poésie et aux fonctions qu’elle peut remplir. Comme le soulignent Ettlin et Baetens, ce questionnement semble particulièrement pertinent, surtout dans cette ère de post-truth : « En témoigne […] l’écriture documentaire de Franck Leibovici, fondée sur l’utilisation d’un matériau authentique, marqué du sceau de notre réel, dans son immédiateté et sa trivialité. » De fait, la notion de vérité en poésie évoque toute une série de notions connexes qui ne se limitent pas au documentaire et à son rapport à d’autres matériaux discursifs, voire au « réel » : en premier lieu, la notion d’idée, mais aussi celle, étroitement liée, de connaissance (p. ex. Bouveresse 2008), qui évoque encore les notions de science et d’exactitude (p. ex. Hallyn 1990, Rancière 1994, Peelen 2001, Klausnitzer 2008, Vogl 2008), voire de religion, d’idéologie, de métaphysique et d’épiphanie. Mais la connaissance peut également être comprise comme une connaissance de soi, et la notion de vérité évoque alors des échos à des termes tels qu’authenticité et expérience authentique, qui ébranlent la littérature dans son rapport à la fiction, à la feintise, voire au ‘faux’. La question de la vérité nous mène alors à penser l’exploration, par l’expérience poétique, du côté de l’affect, du lien habité et éprouvé du sujet à la langue, et du singulier sensible.

Cet atelier souhaite se concentrer sur trois piliers, dégagés à partir des termes que Ettlin et Baetens mentionnent dans leur introduction. Le premier pilier, évoqué plus haut, concerne la qualité documentaire de la poésie, qui peut comporter (mais pas nécessairement) des enjeux socio-politiques. Comme le disent les auteurs, « La défense d’un rapport naturel entre la poésie et la vérité va alors de pair avec l’espoir qu’elle retrouve son rôle politique et social. » Nous complétons ensuite cette question d’une vérité socio-politique de la poésie, intimement liée à la valeur qui lui est octroyée, par une enquête sur le pouvoir performatif de la poésie en tant qu’« énoncé de vérité », dans son unicité et agir non reproductible. On peut explorer cette puissance performative à travers l’expérience de lecture, c’est-à-dire comme moyen de transmettre et de donner à opérer entre poète et lecteurs une certaine vérité interpersonnelle : « D’un point de vue pragmatiste, ce n’est plus l’exactitude qui compte, mais l’efficacité ; l’énonciation réussie est celle qui porte une force d’émotion ou de conviction. […] La vérité poétique est alors entièrement contenue, circonscrite dans l’acte de lecture (ou d’écoute) et dans l’expérience qu’il constitue. » Cette dimension performative est, enfin, fortement liée à la compréhension de la vérité en tant qu’expérience personnelle forgeant de nouveaux de sens, des suppléments, des révélations. Ettlin et Baetens relient cette dimension aux vues de Mallarmé : « Mallarmé, auquel on peut revenir enfin, associait bien la vérité à l’effet transfigurateur de l’œuvre d’art, à travers l’émotion esthétique. […] La correspondance, cette fois, s’établit entre le moi et le monde : et la vérité poétique est alors intérieure. » Voilà les trois questions centrales sur lesquelles cet atelier propose de s’appuyer : les aspects sociopolitiques, performatifs et intérieurs-expérientiels de la vérité en poésie.

Ouvrages cités

  • Bouveresse, Jacques. La connaissance de l’écrivain : Sur la littérature, la vérité & la vie. Agone, 2008.
  • Ettlin, Annick, and Jan Baetens. “On a touché au « vrai » : Lectures historiques de la figure du poète penseur.” Toucher au « vrai » : La poésie à l’épreuve des sciences et des savoirs, special issue of Fabula-LhT, no. 24, 2020, www.fabula.org/lht/24/presentation.html. Accessed 19 May 2021.
  • Hallyn, Fernand. The Poetic Structure of the World: Copernicus and Kepler. Zone Books, 1990.
  • Holland, Mary K. Succeeding Postmodernism: Language and Humanism in Contemporary American Literature. Bloomsbury Academic, 2013.
  • Klausnitzer, Ralf. Literatur und Wissen: Zugänge – Modelle – Analysen. Walter de Gruyter, 2008.
  • Peelen, Gert J., editor. Dichter bij de waarheid: Gedachten over poëzie en wetenschap. Zoetermeer, Meinema, 2001.
  • Rancière, Jacques. Les noms de l’histoire. Essai de poétique du savoir. Éditions du Seul (“La Librairie du XXIe siècle”), 1992. (English translation: The Names of History: On the Poetics of Knowledge. Translated by Hassan Melehy, U of Minnesota P, 1994.)
  • Vogl, Joseph. Kalkül und Leidenschaft: Poetik des ökonomischen Menschen. Diaphanes, 2008.

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