Théâtre et exil

ECR

15 mai 2019

17 mai 2019

Louvain-la-Neuve

Théâtre Blocry et sénat académique

Illustration © Bruno Catalano

Sous la direction de Jonathan Chatel et Pierre Piret

Colloque organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire du Centre d’études théâtrales de l’Université de Louvain (Louvain-la-Neuve, Belgique). La publication des actes est prévue dans la revue Études théâtrales en 2020.

La question migratoire a plongé l’Europe dans une crise profonde, dont témoignent les clivages qu’elle a créés au sein de la société et de la classe politique. Art citoyen par excellence, le théâtre a réagi à cette situation en se saisissant de ces thématiques cruciales et en multipliant les recherches génériques et formelles pour les approcher.

Aussi nécessaire soit-elle, cette réaction ne va cependant pas sans poser un certain nombre de questions. Comment aborder des problèmes si aigus, si clivants, si largement débattus, avec les moyens du théâtre ? Comment échapper aux pièges de l’idéologie, voire aux prescriptions implicitement imposées par l’institution théâtrale, elle-même dépendante des attentes du public et des pouvoirs subsidiants ? C’est que le théâtre n’est pas – et c’est heureux – une tour d’ivoire : l’artiste est lui-même pris dans les discours à partir desquels il invente. Plus fondamentalement, si les questions d’actualité s’invitent au théâtre, celui-ci se voit en retour interrogé par elles, au point d’être parfois sommé de se réinventer.

Les études théâtrales peuvent apporter sur ce point un éclairage précieux : en analysant les productions théâtrales, elles sont appelées à distinguer et à identifier les différentes stratégies esthétiques mises en œuvre, à les situer dans l’histoire des formes et des dispositifs, et à en analyser la portée, la valeur et les enjeux. Le concept d’exil peut servir ici d’utile contrepoint. Au sens premier du terme, l’exil relève de la sphère politique : il désigne l’exclusion d’un sujet de la communauté à laquelle il appartenait, soit par la contrainte (lorsque le sujet est « condamné à l’exil »), soit par l’effet de sa propre décision (dont rend compte la forme pronominale « s’exiler »). Par extension, il désigne une expérience subjective complexe et ambivalente, l’exil pouvant engendrer souffrance et amertume mais permettre aussi d’affûter le regard sur le monde, de susciter la pensée critique, voire de soutenir l’invention, notamment artistique. Peu mobilisé aujourd’hui, ce concept permet de décaler le regard sur la vaste problématique de la migration dans un monde globalisé, de lui conférer une profondeur historique et une complexité théorique.

En consacrant un colloque aux rapports entre théâtre et exil, nous entendons donc nous extraire de l’actualité, pour sortir, autant que possible, de la confusion idéologique régnante et essayer de faire le point sur un certain nombre d’enjeux essentiels qui dépassent le seul théâtre moderne et contemporain, mais qui l’interpellent néanmoins tout particulièrement.

Sans vouloir exclure aucune piste de recherche, nous souhaitons privilégier deux axes de travail principaux.

Le premier a trait aux trajectoires d’exilés. Il s’agirait d’analyser le parcours de dramaturges, de metteurs en scène, de comédiens, de praticiens et de tous ceux qui participent à la création théâtrale pour prendre la mesure des effets de l’exil sur leur art et sur leur pensée du théâtre. Apaisé, exalté ou douloureux, l’exil a-t-il été pour eux un facteur d’invention et à quel titre ? Comment a-t-il déterminé leur rapport à la langue, devenue plurielle, comme aux langages qu’ils ont maniés dans le cadre de leur art ? Leur travail artistique a-t-il été marqué par une appartenance problématique à quelque titre que ce soit (sentiment d’ostracisme, d’exclusion, ressentiment ou nostalgie, désir de ne pas appartenir et de demeurer dans l’entre-deux, etc.) ?

Le deuxième concerne les esthétiques de l’exil. Quels sont les enjeux, les défis, les difficultés voire les impasses auxquels la problématique de l’exil confronte les dramaturges et les artistes de théâtre ? Comment rendre compte des deux facettes de l’exil, politique et existentielle, sachant qu’elles impliquent chacun personnellement, y compris le spectateur ? Quelles formes et quels dispositifs adopter ? Étant donné le lien essentiel entre exil et communauté, quel peut être l’apport spécifique du théâtre, art de la présence, de la rencontre, du collectif, dans le traitement d’une telle problématique ? Comment éviter la déresponsabilisation du spectateur qui risque de s’identifier à l’exilé le temps du spectacle, mais pas au-delà ? À quelles mythologies contemporaines les mises en scène de l’exil peuvent-elles conduire ; quelle est leur pertinence et leur efficience ? Et comment prendre en compte l’exil des inconnus, des anonymes, dont l’histoire est passée sous silence ?

Programme

Mercredi 15 mai : théâtre Blocry

10h00 : Accueil des participants
10h45 : Ouverture du colloque par Jonathan Châtel et Pierre Piret

Session 1 : Mises en perspective (présidence : Catherine Naugrette)

11h00 : Jean-Pierre Sarrazac (Université de Paris Sorbonne nouvelle) : L’Exil d’Inferno, à l’origine d’une profonde réinvention de la dramaturgie strindbergienne
11h30 : Jonathan Châtel (UCL) : Henrik Ibsen, l’exilé et ses pseudonymes
12h00 : Pierre Piret (UCL) : Une éthique de l’exil. Sur Les Paravents, de Jean Genet
12h30 : Synthèse
13h00 : Repas

Session 2 : Trajectoires exiliques au xxe siècle (présidence : Jean-Louis Besson)

14h30 : Georges Banu (Université de Paris Sorbonne nouvelle) : L’exil : le défi du metteur en scène
15h00 : Entretien filmé avec Martial Di Fonzo Bo (directeur de la Comédie de Caen), par Georges Banu
15h30 : Charline Lambert (FNRS-UCL) : Radovan Ivsic : l’exil comme écart et conquête d’un « autre théâtre »
16h00 : Pause
16h30 : Christiane Page (Université Rennes 2) : De l’exil forcé à l’exil intérieur
17h00 : Nathalie Cau (Université de Paris Nanterre et EUR ArTeC) : Mir zaynen do ! Nous sommes là : festivités rituelles et émergence du « nous » entre la Libération et la création de l’Etat d’Israël parmi les personnes déplacées juives d’Allemagne en zone américaine, 1946-1947
17h30 : Synthèse

Jeudi 16 mai : Sénat académique

Session 3 : Détours mythiques et autres dispositifs (présidence : Jean Florence)

9h00 : Florence Baillet (Université de Paris Sorbonne nouvelle) : Corps, carnavalesque et animalité dans Perikizi d’Emine Sevgi Özdamar : une écriture décentrée pour faire entendre les voix de « subalternes »
9h30 : Elise Deschambre (FRFC-UCL) : Ithaque (Notre Odyssée 1) de Christiane Jatahy : dispositif scénique et expérience exilique. Vers une autre représentation de la frontière
10h00 : Cyrielle Dodet (Université d’Albi) : Mettre en scène l’exil, une expérience contrapuntique ?
10h30 : Pause
11h00 : Sandrine Le Pors (Université d’Artois) : Poétique d’un dérèglement : dramaturgie vocale de l’exil et trajectoires du son dans La trilogie Chto de Sonia Chiambretto
11h30 : Joseph Danan (Université de Paris Sorbonne nouvelle, écrivain) : Le drame des migrants : entre pièce documentaire et fiction
12h00 : Synthèse
13h00 : Repas

Session 4 : Enjeux actuels (présidence : Joseph Danan)

14h30 : Emmanuel Wallon (Université de Paris-Nanterre) : Représentations du réfugié : logiques de blocage et lieux de passage
15h00 : Maria Chiara Provenzano (Università del Salento) : Mare Nostrum cotidianum. Naufragés et exilés entre théâtre civil et théâtre d’art
15h30 : Synthèse
16h00 : Pause

Jeudi 16 mai : théâtre Blocry

17h00 : Spectacle (sur réservation) : Chercheurs d’âme, de et par le Toneelhhuis et Mokhallad Rasem (production : Toneelhuis, Anvers). En néerlandais, sous-titres français
18h00 : Analyse de Chercheurs d’âme par Erwin Jans (professeur à la Artesis Plantijn Hogeschool Antwerpen et dramaturge à la Toneelhuis d’Anvers), en présence de Mokhallad Rasem et échanges avec le public
19h00 : Cocktail dînatoire à l’occasion des 50 ans du Centre d’études théâtrales (sur invitation)

Vendredi 17 mai : théâtre Blocry

Session 5 : Théâtre, exil, communauté (présidence : Jonathan Châtel)

9h00 : Yassaman Khajehi (Université Clermont Auvergne) : La théâtralité de l’exil et le cas des pièces de Mohsen Yalfani
9h30 : Sylvie Chalaye (Université de Paris Sorbonne nouvelle) : Dramaturgies afro-contemporaines : du sentiment d’exil à la conscience diasporique
10h00 : Judith Depaule (Université de Paris Nanterre ; artiste) : Je passe – récits d’exil
10h30 : Pause
11h00 : Amos Fergombé (Université de Valenciennes) : Des corps subtils et subtilisés : l’expérience d’exil du faso danse théâtre
11h30 : Roberto Fratini Serafide (Institut de théâtre de Barcelone) : Le spectateur exilé
12h00 : Synthèse
12h45 : Repas

Session 6 : L’entre-deux (présidence : Pierre Piret)

14h00 : Catherine Naugrette (Université de Paris Sorbonne nouvelle) : D’une langue l’autre : le théâtre de Beckett
14h30 : Entretien avec Koen Tachelet (auteur et dramaturge) par Jonathan Châtel à propos de ses adaptations théâtrales de Job et de La Marche Radetzky de Joseph Roth, mises en scène par Johan Simons
15h00 : Synthèse et conclusions du colloque

Lieux

Le théâtre Blocry

Le sénat académique (16 mai) : Halles Universitaires, Place de L’université 1, 1348 Louvain-la-Neuve

Comités

Comité organisateur

  • Jonathan Châtel (professeur à l’UCL)
  • Véronique Lemaire (professeure invitée à l’UCL)
  • Isabelle Ost (professeure à l’USL-B)
  • Pierre Piret (professeur à l’UCL)
  • Laurent Van Eynde (professeur à l’USL-B)
  • Karel Vanhaesebrouck (professeur à l’ULB).

Comité scientifique

  • Georges Banu (professeur émérite à Paris Sorbonne nouvelle)
  • Jean-Louis Besson (professeur à Paris Nanterre)
  • Jonathan Châtel (professeur à l’UCL)
  • Joseph Danan (professeur à Paris Sorbonne nouvelle)
  • Jean Florence (professeur émérite à l’UCL)
  • Catherine Naugrette (professeure à Paris Sorbonne nouvelle)
  • Pierre Piret (professeur à l’UCL)
  • Jean-Pierre Sarrazac (professeur émérite à professeur à Paris Sorbonne nouvelle)
  • Emmanuel Wallon (professeur à Paris Nanterre).

Inscription

L’accès au colloque est gratuit. L’inscription n’est pas nécessaire.

L’accès au spectacle Chercheurs d’âme est gratuite, grâce au soutien du fonds de développement culturel de l’UCLouvain. La réservation est vivement conseillée

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