Dessin : ©Julien Champy
Poser un regard réflexif sur les enjeux de la décolonisation, donner une voix aux oublié·es de l’Histoire, raconter les tabous, changer de perspective : c’est la force de l’exposition intitulée « Angles morts de la décolonisation belge », visible au Forum des Halles de Louvain-la-Neuve jusqu’au 27 avril 2023.
Aux murs, des planches originales de bande-dessinée réalisées au feutre, à l’aquarelle, à la gouache, au crayon, ou directement en numérique. Elles sont l’œuvre des étudiant·es de la section BD de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc de Bruxelles. Et pour mettre en perspective les histoires qui y sont racontées et créer des liens entre les réflexions, des textes ont été rédigés par des étudiant·es de la Faculté de philosophie, art et lettres de l’UCLouvain dans le cadre du cours Comics and decolonization de la Pr Véronique Bragard.
« Raconter le monde, c’est un enjeu majeur pour les artistes »
Aux origines de ce projet artistique et collaboratif, on retrouve Alicia Lambert, doctorante en littérature de l’UCLouvain qui travaille sur l’imaginaire colonial dans la BD. C’est elle qui a lancé un challenge aux étudiantes et étudiants de Saint-Luc dans le cadre de leur exercice pratique de BD documentaire. « Quand les étudiant·es ont reçu le thème des angles morts de la décolonisation belge, ils ont fait une tête ‘comme ça’», raconte Noémie Marsily, enseignante au sein de la section BD de Saint-Luc, en mimant une mine déconfite. « La classe est notamment composée d'étudiant·es français·es qui avouent ne pas bien connaitre leur passé colonial, alors celui de la Belgique… forcément, ça leur faisait un peu peur. » Mais après avoir assisté à un cycle de conférences, écouté des podcasts, regroupé un tas d’information, rencontré des personnes de terrain et des associations, comme Fiona Nziza de Louvain Coopération, chacun·e s’est emparé d’un sujet qui lui parlait et se l’est approprié. « Les étudiant·es ont l’habitude de travailler la fiction. Ici, on leur a demandé de se confronter au réel. Raconter le monde, c’est un enjeu majeur pour les artistes. Ils et elles ont réussi à libérer une parole plus poétique, » complète Noémie Marsily.
Photo : ©Louvain Coopération
La BD, un médium qui permet le dialogue et le débat
Les travaux exposés entremêlent fiction, autobiographie et documentaire, et la question du racisme y est centrale, comme elle l’est dans le débat décolonial. Dans ces planches, les œuvres d’art prennent vie, la rumba résonne, les statues fondent ou se rebellent, un lac congolais se raconte, on pénètre dans l’intimité des tabous familiaux, on suit Mathilde dans son quotidien avec sa grand-mère congolaise, on remonte à la racine avec les enfants métis déracinés, on déconstruit notre folklore pour le faire évoluer. « L’imaginaire collectif autour de la colonisation belge souffre d’un manque de représentations diversifiées. Or, la BD est un médium qui permet le dialogue, le débat, en s’emparant de sujets de manière critique et réflexive. L’objectif de ce projet était de faire sortir nos recherches sur la BD en lien avec le décolonial des murs de l’université, » explique Alicia Lambert.
L’exposition se clôture par la projection du poignant film d'animation "Machini" conçu par deux artistes de Lubumbashi, dans un souhait d’établir des dialogues entre artistes du nord et du sud.
Pourquoi venir voir l’exposition ? On vous donne 5 raisons !
- Parce qu’elle prouve que oui, la BD peut s’exposer. C’est beau la créativité !
- Parce que c’est une vraie collaboration entre des étudiant·es en art et des étudiant·es en langues et littérature, une vraie rencontre entre théorie et artistique.
- Parce qu’elle aborde des enjeux importants et questionne beaucoup d’angles morts dans notre Histoire.
- Parce qu’elle nous embarque tour à tour dans une enquête au Congo, un appartement bruxellois, sur les genoux de Saint-Nicolas, au Cinquantenaire, … autant de regards que de styles narratifs et picturaux. Ça va forcément vous parler !
- Parce qu’elle donne à voir d’autres représentations dans un débat qui souffre d’un manque de dialogue.
En pratiqueL’exposition Les angles morts de la décolonisation belge est à visiter au Forum des Halles (galerie de la gare de Louvain-la-Neuve) jusqu’au 27 avril. Entrée libre >> Toutes les infos Coordination : Chloé Andries, Véronique Bragard, Dominique Goblet, Sacha Goerg, Alicia Lambert, Noémie Marsily et Fiona Nziza, en partenariat avec UCLouvain Culture Rencontres-débats autour de l’expositionDans le cadre de l’exposition, deux moments de rencontre-débat vous sont proposés au Forum des Halles :
Au programme : partage de lectures et discussions animées par Véronique Bragard, professeure de littérature et Alicia Lambert, doctorante. L’occasion d’alimenter nos réflexions et de partager les regards autour de cette question et processus complexes. N’hésitez pas à vous munir de vos lectures inspirantes (BD, essais, romans…) - Pas d’inscription préalable. |