Par Jean-Luc Depotte
On l’ignore souvent, l’UCLouvain possède à Mons un lieu devenu au fil du temps, pour nombre de musicologues et musicien·nes, une véritable référence. Ce vaisseau sonore, à l’acoustique remarquable, accueille chaque année des dizaines de concerts et sert régulièrement de lieu d’enregistrement.
Bruits de bombes et chants sacrés
Si la fondation du couvent des Sœurs Noires de Mons date de 1485, ses murs ont eu à subir, aux hasards douloureux de l’histoire, de nombreuses destructions. Le bombardement de la ville conduit par Louis XIV en 1691 laisse le couvent en ruines. Il faudra attendre la fin du 19e siècle pour que l’ensemble se relève de ses cendres et que soit reconstruite la Chapelle conventuelle dédiée à saint Augustin. De style néo- gothique, lambrissé sur tout son pourtour, l’espace semble tout entier dédié au chant. On peut y parler, certes - on doit quand même pouvoir y dire la messe ! - mais la voix parlée « passe » plutôt mal.
"De style néo- gothique, lambrissé sur tout son pourtour, l’espace semble tout entier dédié au chant."
En revanche, que l’on s’y mette à chanter, et c’est un ravissement… Magie de l’acoustique.
Un nouvel élan
Peu occupée pendant des décennies, la priorité étant naturellement accordée au développement des programmes de formation continuée proposés par les Ateliers, la Chapelle commence à se faire connaître sur la nouvelle scène culturelle montoise lorsqu’un partenariat noué en 2006 avec le Manège et l’ensemble Musique Nouvelles, sous la direction de Jean-Paul Dessy, permet l’organisation de cycles annuels d’une dizaine de concerts de midi. La formule est un succès : un public vite fidélisé trouve le chemin du lieu et les artistes ne tarissent pas d’éloges quant à ses qualités acoustiques et à l’accueil qui leur est réservé.
Lorsqu’en 2008 est créée à Mons l’actuelle Cellule Culture intégrée à UCLouvain Culture, la Chapelle - jouxtant le cloître, lieu d’exposition déjà largement révélé - s’impose d’emblée comme lieu de culture à développer. On se situe alors dans la double perspective de la fusion des institutions (FUCaM et UCL), qui aura lieu en 2011, et de l’année exceptionnelle Mons, capitale européenne de la culture 2015 (dix ans bientôt !). Deux belles occasions de donner au lieu un nouvel élan.
Les partenariats se confirment, notamment avec l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie (ORCW), Harmonia Sacra, Ensemble baroque du valenciennois sous la direction de Yannick Lemaire, et Mars (Mons Arts de la Scène). Peu à peu également – et ce n’est pas le moindre motif de satisfaction des organisateurs – le public se diversifie.
L’inclusion de concerts dans certains programmes de cours (on pense en particulier aux cours axés « culture » des bacheliers et masters en communication) n’y est sans doute pas pour rien, mais le bouche à oreille produit son effet et l’on voit de plus en plus fréquemment des groupes d’étudiant·es venus spontanément au concert s’attarder auprès des artistes après le spectacle pour partager avec eux leurs émotions.
"Les artistes ne tarissent pas d'éloges quant à ses qualités acoustiques et à l'accueil qui leur est réservé."
Essentiellement centrée sur les solos, chœurs ou petites formations, souvent dédiée au baroque mais sans exclusive, la programmation annuelle s’étoffe. On y écoute aussi bien de jeunes artistes prometteurs (leur liste est longue…) que des artistes confirmés tels, pour n’en citer que quelques- un·es, Alexandre Debrus et Karine Lechner, Frédérik Haas, Marc Grauwels ou Frank Braley… Voire dans d’autres registres, – pas d’exclusive ! – le jazz trio de Nathalie Loriers.
Plus qu’un lieu de concerts
« Quant à la chapelle, notre souhait est qu’elle se développe comme lieu de concerts, mais aussi qu’y trouvent place des workshops , master classes et autres aventures de création et d’expérimentation musicales, à l’image de ce qui se réalise déjà dans le cadre du partenariat entre les Ateliers et le Conservatoire (Arts²) voisin ». Cet extrait d’une note d’intention datée de 2016 situe bien le sens dans lequel la Chapelle continue d’évoluer.
Année après année, les professeur·es et étudiant·es du Conservatoire de Mons (intégré à l’Ecole ARTS², voisine des Ateliers) investissent de plus en plus fréquemment les lieux pour des cours, travaux dirigés, répétitions et concerts. Que rêver de mieux, pour un jeune ensemble, que de venir s’immerger dans l’atmosphère recueillie de ces lieux pour répéter ?
"Que rêver de mieux, pour un jeune ensemble, que de venir s'immerger dans l'atmosphère recueillie de ces lieux pour répéter ?"
Et que rêver de mieux comme synergie pour l’UCLouvain que d’accueillir leurs concerts de fin d’année et autres sessions ouvertes au public ? Sans compter un excellent piano que le Conservatoire laisse gracieusement en dépôt sur place… Plus récemment, le Chœur du Pôle Hennuyer, sous la direction de Charles Michiels, y a aussi établi ses quartiers pour ses répétitions hebdomadaires et ses concerts.
Des CDs pour faire… trace(s)
Lieu de concerts, de travail et d’expérimentation, c’est tout naturellement que la Chapelle, située au cœur d’un îlot bâti à l’écart des voieries, et donc des bruits de la ville, devient aussi au fil des ans un lieu d’enregistrement de CDs et de vidéos.
Plusieurs d’entre elles, dont celle du Trio Jenlis, bien connu du public néolouvaniste, seront mises en ligne sur le flux YouTube de l’UCLouvain lors de la crise covid. Le premier CD enregistré à la Chapelle fut en 2014 « Gift », merveilleux solo de violoncelle de Sigrid Vandenbogaerde, avec lequel elle devait d’ailleurs remporter un Octave de la Musique. Suivront d’autres très belles réalisations (seulement parfois perturbées au printemps par quelque pigeon égaré dans les combles – Stefano Poletto, chef de chœur de Meltingvox et de la Chorale des étudiant·es de l’UCLouvain, vous en parlera…). La dernière parution en date estampillée « Recorded at Chapelle des Sœurs Noires… » est le duo pour flûtes de Marc Grauwels et Frank Masquelier, Mozart – Il mio Tesoro, sorti en avril de cette année, et un album solo de Diego Salamanca, jeune luthiste d’origine colombienne, est annoncé.
Stefano Poletto
Chef de chœur
Deux enregistrements, deux concerts et mon ressenti est toujours le même : le compromis idéal entre une recherche de la résonance des voix et la compréhension des diffé- rentes lignes mélodiques.
Qu’il y ait 16 choristes ou 25, qu’on y chante a cappella ou avec piano et violon, l’acoustique reste compacte car la lar- geur est réduite (moins de 10 mètres). Le son y circule donc de façon assez directe vers les spectateurs. La chapelle étant assez grande permet au son de garder son amplitude en donnant aux voix la profondeur et les richesses harmo- niques que je recherche.
Cet effet est amplifié par les matériaux utilisés : du marbre au sol et pour l’autel, mais du bois sur les murs. La voix est facilement projetée vers le public et le plafond mais légère- ment ralentie par le bois.
Notre choix est aussi guidé par l’extrême facilité et préci- sion organisationnelle de la cellule culture de l’UCLouvain Mons FUCaM, sans oublier que le lieu est un ancien couvent qui, à mon goût, présente de base une esthétique chaleu- reuse et accueillante.
Marie Colot
Présidente de la chorale universitaire de Louvain
Au printemps dernier, toute la chorale universitaire de Lou- vain s’est déplacée jusqu’à la Chapelle des Sœurs Noires de Mons pour y enregistrer notre futur album de chants de Noël. La plupart d’entre nous découvrait pour la première fois les lieux. Ce qui a marqué les choristes, c’est l’ambiance chaleu- reuse du bâtiment et ce dès le pas de la porte. Parfait pour chanter des morceaux festifs !
Une fois arrivé à la chapelle, personne n’était déçu. Nous avions entendu parler d’une acoustique digne de belles salles de concerts. On ne nous avait pas menti. Le plus difficile finale- ment n’a pas été de chercher la précision et la beauté la plus parfaite possible lors des enregistrements, mais plutôt d’empê- cher les choristes de chanter en continu pendant les pauses !
Après deux jours, douze heures d’enregistrement, quinze chants, des centaines de prises de son et à peu près autant de roucoulements de pigeons et craquements de la char- pente, on a pu boucler l’album qui n’aurait pas été si beau sans la collaboration des Ateliers de la FUCaM et de la cel- lule culture de Mons.
Collaboration qui continue car nous sommes invités à reve- nir dans cette même chapelle pour y interpréter notre réper- toire de Noël lors d’un concert le 14 décembre à 20h15 ! Suivez l’actualité de la chorale universitaire de Louvain sur Instagram @choraledelouvain et sur Facebook «Chorale uni- versitaire de Louvain».
Copyright : Frédéric Blondeau