Deux membres du personnel de l'Université ont été tués par les allemands en août 1914

Il y a 100 ans débutait la guerre 1914-1918.  Profitons de l'occasion pour rappeler qui était le personnage qui figure sur la plaque fixée dans le Hall du bâtiment Maxwell.

Il y a cent ans, Louvain et son université ont été grièvement touchés par les actions de l’armée allemande. Des centaines de louvanistes ont perdu la vie, des milliers se sont enfuis ou ont été déportés.
Selon l’annuaire universitaire de 1919, il n’y avait que deux membres du personnel qui y ont laissé la vie pendant ces jours d’août. Pour les « écoles spéciales » qui ont précédé la faculté des ingénieurs, leurs noms avaient une signification plus que quotidienne : il s’agissait du professeur Honoré Ponthière et de Mr. Vincent Lenertz.

Cette année est une bonne occasion de se rappeler leur mémoire. Le premier était le fondateur et le « chef de département » de l’institut électromécanique, situé dans la rue des Flamands (Vlamingenstraat), dans le bâtiment où réside actuellement l’école de management Vlerick.
Le second était directeur des Travaux Graphiques et aussi l’architecte « de la maison » de l’université, il a conçu le bâtiment en question, a dessiné l’institut de Chimie (ou d’Arenberg) et bien d’autres.

Quelle est leur histoire ?

Honoré-Noël Ponthière naquit le 25 décembre 1850 à Vonêche près de Beauraing dans une famille de la classe moyenne. Après ses études d’ingénieur à Louvain, il fait carrière dans l’industrie sidérurgique avant d’être nommé professeur de métallurgie. Très vite, il réalise que le domaine de l’électricité devient de plus en plus important, aussi bien pour la propulsion des machines que dans les processus métallurgiques. Il s’installe d’abord dans une annexe du collège de Prémontré (au coin de la rue du premier bâtiment devenu trop petit), ensuite en 1901 dans la rue des Flamands, bâtiment qu’il réussit à construire à l’aide des industriels. Architecte : Vincent Lenertz. En 1950, les « électriciens » déménagent vers le parc d’Arenberg.
Le professeur Ponthière habitait Marché aux Grains 24 (l’actuel Hooverplein) mais il avait une villa à Hermeton-sur-Meuse, dans la commune de Hastière (où la Meuse entre en Belgique) où il passait les vacances.
Là, après quelques jours de guerre, l’armée française était venue au secours de la nôtre. Malgré la procession solennelle de mi-août et la présence de la statue de la Vierge miraculeuse, les combats continuent. Après des échanges de coups de feu et des bombardements féroces, le 23 août les troupes allemandes envahissent Hastière. Le lendemain, même scénario à Hermeton. La plupart des habitants s’étaient déjà enfuis dans les bois par peur des fusillades allemandes. La villa de Ponthière, elle aussi, sert de cible aux balles allemandes. Accompagné de son épouse Pauline Schlögel, de l’une de ses filles, de son beau-frère qui était curé de Hastière-par-delà et encore d’autres personnes, le professeur avait trouvé refuge dans le souterrain de l’église d’Hermeton. Constatant que les allemands avaient déjà mis le feu à deux tiers des maisons du village, ils décident de quitter leur abri. Ponthière, muni d’un bâton auquel il avait attaché un mouchoir blanc, était en tête du groupe.
Parlant couramment l’allemand, langue de la technique en ce temps-là, il espérait convaincre les allemands de les épargner et de laisser passer tous ceux qui se trouvaient encore au village. Quelle déception ! Ils furent arrêtés et accusés d’avoir tiré sur les allemands. Il y avait des francs-tireurs au village ! Rien à faire : on les arrête et on emmène tous les hommes présents, pour les fusiller un peu plus loin dans une ruelle.
Trois jours plus tard, les cadavres de Ponthière, son beau-frère et un vieillard local gisaient toujours au sol. On les enterrera provisoirement sans cercueil à cet endroit même.
Actuellement, un « monument de Souvenir » au mur de l’église abbatiale de Hastière-par-delà rappelle les évènements et les noms des victimes des massacres qui se sont produits à Hastière et Hermeton.
En 1921 une plaque commémorative a été solennellement inaugurée dans l’entrée de l’institut électromécanique rue des Flamands. Déménagée en 1950 vers le bâtiment parc d’Arenberg, elle se trouve actuellement, suite à la scission de l’université, dans le hall d’entrée du bâtiment Maxwell à Louvain-la-Neuve. La date de son exécution figurant sur cette plaque n’est pas exacte; la date exacte (25 août) se trouve sur la plaque rédigée par la famille.

Vincent Lenertz, architecte de l’institut électromécanique, naquit à Echternach au Grand-Duché de Luxembourg le 22 avril 1864. Il est très doué en dessin. En 1909, il conçoit la maquette du sigle universitaire, la « Sedes Sapientiae », qui a subi diverses modifications et qui est actuellement différente pour l’UCL et la KULeuven.

Aux Ecoles Spéciales il était directeur des Travaux Graphiques. En 1913, il construisit une magnifique demeure au Boulevard de Tirlemont (Tiensevest) no. 36, depuis lors disparu. C’est près de sa porte, sous les arbres du trottoir, que le professeur Lemaire, lui aussi attaché aux écoles spéciales, le découvrit quelques jours plus tard, gisant dans une mare de boue sanglante.

Quel est le récit des événements ?

Le 25 août 1914, les allemands ont mis le feu à une grande partie du centre de la ville louvaniste. En ville, c’était la panique, et pour cause. Les louvanistes avaient le choix : s’enfuir ou (le mauvais choix) se cacher. Vincent Lenertz, son épouse, ses cinq enfants et sa belle-mère s’abritent dans les caves de sa maison. Mais les troupes allemandes avaient mis le feu à plusieurs maisons voisines ; il commence à craindre pour leur vie. Dans la cave, on peut être brûlé vivant ou asphyxié par la fumée. Le matin du 26 août, il décide donc de quitter sa cave pour aller parler aux allemands. Etant luxembourgeois, il parle bien l’allemand, et, peut-être comme Ponthière avant lui, espère-t-il convaincre les allemands d’épargner leur vie. Une fois de plus, cette tentative s’avère vaine : les soldats le tuent de deux balles dans la nuque sur le seuil de sa porte. Comme exemple dissuasif, on interdit de l’enterrer, son corps gisant à terre pendant des jours, comme le raconte le chanoine Lemaire. Finalement, il repose dans la sépulture commune place de la Station (maintenant Place des Martyrs – Martelarenplein), avant d’être enterré au cimetière communal. Comme des centaines de concitoyens et de soldats, son nom figure sur le Monument des Martyrs.
Et sa famille? Elle fut épargnée (comme celle du prof. Ponthière). Son épouse lui survivra pendant 40 ans.

C’est une coïncidence remarquable que deux collaborateurs de l’université, habitant à une centaine de kilomètres l’un de l’autre, tous deux liés à l’enseignement des ingénieurs et à l’institut d’électricité, aient trouvé la mort d’une façon similaire.
Malgré les importantes destructions et les pertes de vies humaines qu’a subies la ville de Louvain, la situation d’Hastière et d’Hermeton était encore plus pénible.

Traduit d'un texte original de (ir.) Jan Cuypers publié par la KULeuven.

Publié le 04 septembre 2014