Comment concilier l'analyse d'images et la préservation de la vie privée ? Une question compliquée au croisement des algorithmes de compression, de suivi d’objets et des notions d’intimité. Un début de réponse a émergé au sein du Trusted AI Labs (TRAIL), l’institut créé, avec le soutien du SPW-Recherche, par l’UCLouvain, l’UMONS, l’ULB, l’ULiège et l’UNamur et les quatre centres de recherche agréés : Cenaero, CETIC, Multitel et Sirris. Un projet porté par deux chercheurs, Karim El Khoury et Jonathan Samelson au sein du PiLab et supervisé par Benoît Macq.
La perception est basée sur le mouvement
À l’origine du projet, deux domaines de recherche. D’un côté, l’analyse d’images de vidéos de surveillance. Le but ? Rendre les caméras plus intelligentes afin qu’elles puissent à la fois reconnaitre des objets (statique ou en mouvement), mais aussi des événements.
De l’autre côté, on retrouve l’apprentissage profond ou deep learning, un type d’intelligence artificielle capable d’apprendre par elle-même. Le but ? Permettre l’amélioration de deux processus : la compression d’images et les capacités d’analyse de l’intelligence artificielle.
La combinaison de ces deux champs de recherche a permis l’émergence du projet de Karim et de Jonathan lors de la première édition du TRAIL en septembre 2020. Leur objectif est de fournir une représentation d’image publique et respectueuse de la vie privée lors de l’analyse du trafic routier.
Comment cela fonctionne ? L’algorithme, développé par nos deux chercheurs, envoi des images, du flux vidéo, à intervalles réguliers. Ces images sont qualifiées de résiduelles, une sorte d’amas de pixels gris. Ce résultat diminue fortement la capacité à distinguer les éléments d’une image. Par exemple, il sera très difficile de reconnaitre la couleur d’un véhicule, les maisons dans une rue ou tout simplement le paysage.
En plus d’« anonymiser » les images, l’algorithme permet aussi de faire des prédictions sur la future position des objets en mouvement. Ce qui évite de voir l’objet que l’on surveille. Bref, une voiture qui se déplace n’apparaitra plus à l’écran et sera remplacée par une forme qui donne sa position. Et donc, impossible de connaitre le modèle, la couleur ou les dégâts sur le véhicule sans arrêter le processus.
Ne jamais croiser les flux
Le travail de Karim et Jonathan semble très prometteur. Mais quelle est son application concrète dans la vie de tous les jours ? « Comme l’a brièvement mentionné Karim plus tôt, c’est l’idée que l’on pourrait avoir une partie d’un flux vidéo de télésurveillance qui reste cryptée et utilisable uniquement par la Police ou des services de surveillance, annonce Jonathan. Mais qu’en parallèle, un flux contenant des images résiduelles soit mis à disposition du public pour en exploiter les données. »
Les 3 grands inconvénients du Big Data
Ce projet apporte son lot de changements dans l’exploitation des images. Habituellement, dans la vidéosurveillance, les images sont fournies en flux continu. Cette méthode a trois inconvénients que l’on retrouve plus généralement dans le monde de la Big Data.
- Le stockage et la compression des données
- L’analyse et l’utilisation des données
- Le respect de la vie privée lors du stockage et de l’analyse des données
En plus d’apporter des solutions à ces problématiques, il offre une piste qui pourrait avoir un impact sur l’environnement. « On ne se rend pas compte de la pollution issue d’Internet, mais vraiment pas du tout, déclare Karim, également assistant à l'Ecole polytechnique de Louvain. On gaspille d’une manière extraordinaire la consommation de data. Et plus on pourra la réduire, mieux ce sera. La consommation de data augmente d’année en année et ça fait peur. »
Un projet pour la communauté scientifique
Après avoir créé leur outil, Karim et Jonathan comptent le rendre disponible à la communauté scientifique afin de voir qui souhaite s'en servir pour de futures développements. « Pour nous, nous allons mettre notre projet à la disposition des chercheurs du monde scientifique et voir s’ils y trouvent un intérêt à l’utiliser. », déclare Karim. « Et pour l’instant, nous avons quelques travaux de fin d’études qui explore notre domaine de recherche. »