Marine Kneubühler, doctorante en visite au CriDIS, sous la supervision de Mathieu Berger

Marine Kneubühler, doctorante en cotutelle entre l’Université de Lausanne et Télécom ParisTech, a obtenu une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans le cadre de sa thèse. Son projet porte sur les articulations possibles entre l’expérience phénoménologique en première personne et l’expérience publique potentiellement politique à partir d’une enquête menée sur le rap suisse romand et le suivi d’un rappeur en particulier. Elle est en visite au CriDIS pour une durée de six mois avant de rejoindre le Danemark où elle sera accueillie au Center for Subjectivity Research de l’Université de Copenhague.

Diplômée de l’Université de Lausanne, elle dispose d’une formation en épistémologie des sciences sociales, ainsi qu’en sociologie de la communication et de la culture avec une Maîtrise en Sciences Sociales pour laquelle elle a reçu en 2012 le prix de Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne. De 2011 à 2016, elle y occupe un poste d’assistante diplômée consistant à encadrer des cours et séminaires tout en réalisant une thèse de doctorat qu’elle poursuit dorénavant en tant que boursière FNRS.

Elle travaille également à partir de la linguistique pragmatique, de la philosophie politique, de la phénoménologie et de la musicologie. Depuis son mémoire de maîtrise, elle s’intéresse aux modes d’existence des collectivités humaines et questionne à la fois leurs modalités d’incarnation, leurs rapports aux médias traditionnels et alternatifs qui nous permettent de « faire corps » à distance et leur potentiel ancrage dans un espace public démocratique.

Dans sa thèse, plutôt que de reconduire le « pessimisme démocratique » qui émerge de la littérature portant sur les modes traditionnels d’engagement participatif, elle se propose de sortir des sentiers battus en laissant de côté les lieux d’émergence emblématiques des collectifs politiques. Pour ce faire, elle se penche sur les processus de communication propres aux chansons de rap qui ont été peu investigués dans cette perspective jusqu’à présent. Le pari consiste à retracer les jalons qui permettent aux chansons de rap de contribuer à la constitution, la maintenance, la transformation, voire l’évaporation de certains collectifs. Une telle reconstitution des chaînages faisant advenir des collectifs à l’existence semble d’autant plus intéressante en partant d’une activité qui ne paraît pas a priori collective.

C’est pour cette raison qu’une partie de son enquête consiste à analyser le moment de création d’une chanson par un rappeur romand dont le travail d’écriture se présente de prime abord comme une activité en solitaire. Cependant, elle montre que cette activité n’est solitaire qu’en apparence. En effet, l'expérience musicale, corporelle et émotionnelle du rappeur nous entraîne à "zoomer" sur les êtres collectifs qu'il rencontre, anime, imagine, produit au cœur de la situation de création. Une telle expérience en première personne se poursuit et se transforme tout au long du cheminement qui aboutit, en dernière instance, à une chanson qui circule dans l'espace public et se prête à une ressaisie en troisième personne. C'est précisément la nature, plus ou moins collective, de cette ressaisie qu'il s'agit d'évaluer avec un regard critique en mesurant les conséquences publiques et l'expérience démocratique qu'elle serait à même de susciter, de nourrir ou, à l'inverse, d'étouffer.

Publié le 16 avril 2016