Edito Newsletter 10 du CriDIS.
Au cours de ce dernier trimestre 2024, une série d’excellentes nouvelles sont venues confirmer le dynamisme et la reconnaissance nationale et internationale des chercheurs du CriDIS. Thomas Périlleux a reçu le prestigieux prix « Penser le Travail 2024 » attribué par Le Monde et Sciences Po pour son livre « Le Travail à vif » et Mathieu Berger, qui édite un livre important consacré à l’écologie humaine, a été élu Président de l’Institut de Recherches Interdisciplinaires sur Bruxelles (IRIB) qui rassemble environ 60 chercheur.e.s et 18 centres de recherche.
Du côté de la vie du centre, la formule des « midis du CriDIS » s’installe et a donné lieu à des échanges passionnants. Ils ont souligné tout l’intérêt de maintenir une dynamique intellectuelle dans un centre interdisciplinaire autour des questions de démocratie et des enjeux globaux. L’événement marquant du trimestre fut la visite d’Abeer Musleh, présidente du département des sciences sociales de l’Université de Bethléem, en Palestine. Pour sa conférence d’ouverture de l’année en sociologie, elle a articulé une analyse de la situation des jeunes en Palestine avec des considérations méthodologiques et épistémologiques et une réflexion sur le rôle de la sociologie et nos relations avec les acteurs.
Pour ma part, ce trimestre fut marqué par ma participation aux congrès latino-américain, japonais et lituanien de sociologie dans la première quinzaine de novembre, avant le congrès indien de sociologie en décembre. Ces rencontres « en présentiel » avec des chercheurs de différents continents permettent d’engager un dialogue bien au-delà des séminaires en ligne. J’en reviens avec la conviction du dynamisme des sciences sociales et de l’importance d’un dialogue global. Celui-ci permet de mieux comprendre les défis auxquels nous faisons face à partir d'expériences de différents pays : la face cachée du développement néolibéral et les difficiles tentatives de reconnexion avec Haïti pour les sociologues des Caraïbes (et du monde) ; le déclin démographique au coeur des préoccupations des collègues japonais et l’intégration progressive d’épistémologies plus subjectives et situées dans une sociologie japonaise qui reste très marquée par la quête de l’objectivisme, des big data et de l’américanisation, et le dynamisme économique, social et culturel de la Lituanie qui contraste avec le sentiment de crise dans le reste de l’Europe.
L’un des défis communs dans ces trois pays est de maintenir des sciences sociales multilingues, de combiner une projection à l’international et une présence croissante de l’anglais avec le maintien des publications en espagnol, japonais ou lituanien. Réduire la sociologie globale à une uniformisation sous l’égide occidentale et de la langue anglaise est tout aussi erroné que de s’exclure du dialogue global en refusant de publier en anglais.
Publier en différentes langues est un impératif professionnel et éthique. Nous devons publier en anglais, bien sûr, pour contribuer aux avancées des sciences sociales internationales, mais aussi en français, afin que les citoyens, acteurs sociaux et politiques qui financent nos recherches puissent s’emparer des résultats de celles-ci. Nous devons aussi publier dans la langue des acteurs qui sont au coeur de nos recherches et avec lesquels nous essayons de mieux comprendre le monde. Ce multilinguisme des sciences sociales, qui se produisent et se diffusent en différentes langues, est une pratique bien ancrée au CriDIS, dans notre institut Iacchos et dans les sciences sociales à l’UCLouvain. On ne peut que s’en réjouir.
Geoffrey Pleyers
Directeur du CriDIS