Discours d'Alina Shkoryna, étudiante ukrainienne en sociologie, marraine d'Oleksandra Matviichuk
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs,
chère Madame Matviichuk,
Aujourd'hui, ce sera la première fois que vous entendrez la langue ukrainienne lors de cette cérémonie de Doctorat Honoris Causa de l'UCLouvain. De même, c'est la première fois que l'on a entendu notre langue sur la scène suédoise de Stockholm au Concert Hall lors de la remise du Prix Nobel de la Paix à Oleksandra Matviichuk et à son organisation, le Centre for Civil Liberties, en raison de leur travail exceptionnel en faveur des droits de l'homme.
Malgré votre rythme de vie effréné, votre présence parmi nous est une grande chance et cela n’a pas été une mission facile. En tant que marraines, nous avons dû jongler avec beaucoup d’incertitudes. Serez-vous là? Quand arriverez-vous? Mangez-vous de la viande? Pourtant, je retire une petite règle de nos échanges: plus les messages sont courts et plus ils auront de chance d’être lus et répondus.
Votre travail avec le Centre for Civil Liberties met en place un grand nombre d'initiatives visant à renforcer le système juridique national et la démocratie internationale, plus de 25 000 crimes de guerre ont été documentés. Il s'agit du travail qui touche le coeur de la douleur humaine et cela est devenu votre combat. Tout cela témoigne de la force de votre volonté, de votre caractère et de la passion inspirante que vous mettez dans ce que vous faites.
Lorsqu'un événement aussi horrible que la guerre se produit, il se traduit souvent en statistiques réductrices: combien y-a-t-il de morts? Combien de personnes déplacées? C’est naturel puisque l’on ne peut porter dans son coeur le chagrin de chaque souffrance. Par conséquent le véritable sens de nombreuses nouvelles est nivelé. Mais vous, Madame Matviichuk, votre action replace chaque personne dans son histoire et porte les tragédies individuelles qui sont vécues en raison de la violation par le pays envahisseur des droits humains fondamentaux, parmi lesquels l'un des plus précieux est le droit à la vie.
Grâce au travail de personnes comme Oleksandra Matviychuk, l'Ukraine gagne !
Gloire à l'Ukraine !
Gloire aux héros !
Discours de Sandy Tubeuf, professeure à la Faculté de Santé publique, marraine d'Oleksandra Matviichuk
Chère Oleksandra,
Vos combats font écho à tant d’autres auxquels j’aimerais prêter ma voix ce soir.… Les idées se bousculent et je ne sais auxquelles consacrer les quelques minutes qui me sont données pour m’exprimer.
En tant qu’avocate, vous défendez le droit des gens ordinaires à mener une vie en paix dans un monde généreux et solidaire. Ce combat résonne avec les travaux que je consacre à l’égalité des chances. L’injustice de la loterie de la naissance est la genèse d’inégalités sociales, géographiques, économiques, ou de santé. Ces écarts façonnent la vie de chaque être humain comme une course d’obstacles ou une balade de plaisance, indépendamment de son talent ou de ses efforts.
Votre activisme est source d’encouragement pour les opprimé.es, celles et ceux qui, à travers le monde, se battent pour défendre leurs droits, s’opposent à la société patriarcale, et réclament inlassablement plus de justice. Je pense à nos soeurs iraniennes qui crient Femme, Vie, Liberté dans un pays où elles se révoltent contre la domination des hommes et un régime obscurantiste et archaïque. Leur quête de la démocratie s’accompagne de sang, de torture et de viols.
Ukrainienne, vous vous adressez à nos consciences pour nous rappeler que notre citoyenneté et notre démocratie sont fragiles. Combien de citoyens et citoyennes dans le monde se battent pour vivre un jour, ou continuer à vivre, toujours, dans un pays démocratique ? J’aspire à ce que leurs voix puissent s’exprimer dans des élections intègres, qu’ils et elles soient en mesure de contester des décisions arbitraires sans risquer d’être persécuté.es, emprisonné.es ou exécuté.es, et que les médias, qui les informent, soient libres et indépendants.
La femme admirable et profondément humaine que vous êtes est une source d’inspiration pour celles et ceux qui ont à coeur de faire obstacle aux violences sexistes et sexuelles qui, dans de nombreux contextes, ne reçoivent pas le traitement et l’attention qu’elles méritent. A l’instar du travail de documentation au Centre for Civil Liberties, la reconnaissance des victimes de violences nécessite de les humaniser en les appelant par leurs nom et prénom, d’adopter un vocabulaire qui ne banalise pas le vécu et de faire état des conséquences physiques, psychologiques et émotionnelles dans leur ensemble.
J’admire votre engagement, Oleksandra Matviichuk, il fait co-exister plusieurs voix, celle de l’avocate, de l’activiste, de l’ukrainienne, et de la femme, et il témoigne que face la violence, la parole est une arme puissante.
Discours d'Oleksandra Matviichuk, avocate spécialisée dans les droits humains
It is a great honor for me to stand on this stage. I have been protecting human rights for many years. At present, other Ukrainian human rights defenders and I are doing our job in such circumstances, when the law does not work. Russia unleashed the war of aggression in 2014 and extended it to large-scale invasion in 2022. The entire international peace and security system is unable to stop Russian crimes against the civilian population.
Russian troops deliberately shelling on the residential buildings, schools, churches, hospitals, manage filtration camps system, organize forcible deportations, committee abductions, tortures, rapes and murders of civilians.
There is no justification for Russia’s actions. Russia simply uses these crimes as a method of warfare. They attempt to break people’s resistance and occupy the country by means of what I call “the immense pain of civilian people”.
The war has turned people into numbers. I noticed that I myself started to speak more with numbers than with names. The scale of war crimes grows so large that it becomes impossible to recognize all the stories.
But I will tell you one. We found the mass graves in the forest near Izium after liberation of Kharkiv region. The murdered Volodymyr Vakulenko was found in this grave under number 319. He wrote stories for children and entire generations grew up with his "Daddy's book". During the Russian occupation, Volodymyr disappeared. His family hoped to the last that he was alive and, like thousands of other people, was in Russian captivity. It is difficult for them to accept the results of the identification.
We are now recording such stories so that, sooner or later, all Russians who have committed these crimes, as well as Putin and the rest of the senior political leadership and military high command, can be brought to justice. For decades the Russian military has been committing war crimes in Chechnya, Moldova, Georgia, Syria, Mali, Libya. And they have enjoyed impunity. They believed they could do whatever they wanted. We must break this circle of impunity. The world must establish an international tribunal to hold these criminals accountable.
I would not wish anyone to go through this experience. However, all these challenges compel us to reveal our best features and to fight for freedom, to take the burden of responsibility, to be courageous, to make correct choices, to help others, and to find creative solutions. Now, like never before, we are acutely aware of what it means to be human beings.
I know that in different countries worldwide every day many people also fight for freedom and human dignity. Sometimes this fight may seem to be senseless because the enormous power opposes them. However, the total history of humanity convincingly proves that people should not give up. Even, when we have no tools, our own opinion and personal stance always remain. Eventually, it is not so little.
believe that we should support each other in this fight for freedom. Many things have no state borders. Human solidarity is one of the most crucial ones. We live in a very interrelated world. Only spread of freedom is able to make our world safer.