Arrêt de la Cour, Affaire C 179/11, 27 septembre 2012

Louvain-La-Neuve

Directive 2003/9/CE – Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres – Règlement (CE) n° 343/2003 – Obligation de garantir aux demandeurs d’asile le bénéfice des conditions minimales d’accueil pendant la durée de la procédure de prise en charge ou de reprise en charge par l’État membre responsable – Détermination de l’État membre ayant l’obligation d’assumer la charge financière du bénéfice des conditions minimales

Dans cette affaire, le Conseil d’État (France) s’interroge sur l’interprétation de la directive 2003/9/CE (ci‑après la « directive relative aux conditions d’accueil »), lue en combinaison avec le règlement (CE) n° 343/2003 (ci-après le « règlement Dublin II »). La juridiction de renvoi saisie dans cette affaire pose, à ce sujet, deux questions préjudicielles à la CJUE. Il est demandé à la Cour, premièrement, si les conditions d’accueil s’appliquent à un demandeur d’asile qui est soumis à une procédure Dublin et, si tel est le cas, à quel moment prend fin la responsabilité de l’État membre d’accueil de garantir la délivrance de ces conditions.

L’avocat général a considéré dans ses conclusions que les conditions matérielles d’accueil sont applicables aux demandeurs d’asile qui sont soumis à une procédure Dublin; la réglementation ne prévoit, ni expressément ni implicitement, une catégorie distincte de « demandeurs de pré-asile ». La Cour a suivi son raisonnement : il découle des articles 2 et 3 de la directive 2003/9 qu’il n’y a qu’une catégorie de demandeurs d’asile. Une telle interprétation est corroborée par l’article 4, paragraphe 1, du Règlement Dublin II, selon lequel le processus de détermination de l’État membre responsable en vertu du même règlement est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un État membre.

L’accueil, d'après la Cour, ne peut prendre fin qu’au moment d’une prise (ou d’une reprise) en charge effective par le pays responsable. Par conséquent, si un demandeur d’asile conteste son transfert vers un autre État membre (également en instance d’appel), la responsabilité de l’État membre d’accueil prévaut. Ce jugement pourrait donc avoir des conséquences importantes au niveau national. Nous soulignons que, d'après l’analyse de la Cour, l’élément significatif est la présence du demandeur d’asile sur le territoire du pays d’accueil. Le caractère suspensif ou non du recours vis-à-vis du droit national ne nous semble pas décisif ; le demandeur pourrait également obtenir la suspension par d’autres voies (mesure provisoire contre le transfert sur la base de l’Article 39 du Règlement intérieur de la Cour EDH). Outre l’économie générale et la finalité de la directive 2003/9, la Cour a basé son raisonnement sur l’article 1er de la Charte selon lequel la dignité humaine doit être respectée et protégée. Toutefois, si le demandeur d’asile n’a pas réussi à annuler ou à suspendre la décision du transfert et se trouve sur le territoire de l’Etat membre de transfert, ce dernier est responsable même si un recours est toujours pendant dans l’État membre d’accueil. Finalement, la Cour relève que la charge financière liée à la délivrance des conditions d’accueil  doit relever de la responsabilité de l’État membre d’accueil.

Cette analyse est confirmée par le texte de la refonte du Règlement Dublin II (version du 27 juillet 2012) ainsi que par le texte de la refonte de la Directive relative aux conditions d’accueil (version du 16 juillet 2012). Le considérant 9 du Règlement stipule explicitement que la directive relative aux conditions d’accueil est applicable aux demandeurs d’asile qui sont soumis à une procédure Dublin. Le considérant  8 de la Directive affirme que cette directive est applicable dans tous les stades et types de procédures concernant des demandes pour l’octroi de la protection internationale tant que les requérants sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile.

Pour en savoir plus :

Conclusions de l’Avocat Général Mme Eleanor Sharpston, Affaire C-179/11.

COREPER (Council of the EU), Proposal for a Regulation establishing the criteria and mechanisms for determining the Member State responsible for examining an application for international protection lodged in one of the Member States by a third-country national or a stateless person (Recast) [First reading], 12746/12, 27 July 2012 (disponible seulement en anglais).

COREPER (Council of the EU), Amended proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council laying down standards for the reception of asylum seekers (recast), [First reading], 11214/11, 16 July 2012 (disponible seulement en anglais).

Publié le 23 juin 2017