C.E.D.H., 14 septembre 2017, Ndidi c. Royaume-Uni, req. n° 41215/14

Louvain-La-Neuve

Éloignement pour motifs d’ordre public : un étranger averti en vaut deux

Une expulsion pour motif d’ordre public d’un jeune majeur qui a un passé de délinquant juvénile ne viole par l’article 8 CEDH même s’il est arrivé dans son pays de résidence âgé de quelques mois. La mesure est proportionnelle dès lors qu’il a été avisé qu’en cas de récidive, il serait expulsé. L’écoulement du temps depuis la mesure d’expulsion ne modifie pas l’analyse, dès lors que même si le requérant semble s’être amendé, aucune circonstance exceptionnelle n’est invoquée.

CEDH - Art. 8 – Expulsion - Ordre public - Délinquance juvénile – Récidive – Avertissement - Proportionnel.

A. Arrêt

L’intéressé et sa mère sont arrivés au Royaume-Uni le 13 janvier 1989. Ils reçoivent un titre de séjour à durée limitée au terme duquel ils demeurent sur le territoire sans y être autorisés. Le père les rejoint en 1991. Deux autres enfants naissent en 1993 et 1995. Une demande d'asile est introduite mais rejetée. La famille se voit octroyer en 1999 une régularisation pour motifs exceptionnels d’une durée de quatre ans.

Quelques mois plus tôt en mars 1999 et à nouveau en novembre 1999, l’intéressé est mis en cause pour des faits délictueux (atteinte à l’intégrité physique d’autrui et vol). En 2003, il est condamné pour vol avec violences ayant occasionné de graves blessures.

En 2003, la famille reçoit un permis de séjour à durée illimitée au Royaume-Uni. La mère du requérant et ses frères et sœurs deviendront citoyens britanniques.

En décembre 2003 et en 2004, Monsieur NDIDI est à nouveau condamné à plusieurs reprises et est placé dans une institution de détention pour jeunes délinquants.

Les autorités administratives débutent alors la procédure d’expulsion. Les autorités y renoncent en 2006 sur la base de la longueur du séjour au Royaume-Uni. Il est toutefois averti qu’en cas de récidive, il pourrait être sujet à une expulsion. En 2006, son père se voit octroyer un titre de séjour à durée illimitée au Royaume-Uni.

En juillet 2008, l’intéressé plaide coupable dans le cadre d’une affaire de trafic de drogues pour laquelle il sera condamné quelques mois plus tard à une peine privative de liberté de sept ans. Une mesure d’expulsion est alors ordonnée. Elle procède à une analyse de proportionnalité. Il est souligné que ses proches pourront lui rendre visite au Nigéria où il a encore d’autres membres de sa famille. Il n’a pas de vie de couple ou d’enfants au Royaume-Uni ; il est en bonne santé et l’anglais est utilisé au Nigéria. La Cour estime que des raisons sérieuses au sens de l’arrêt Maslov prononcé par la Cour européenne des droits de l'homme existent pour justifier l’éloignement.

Au terme des procédures internes, Monsieur NDIDI est âgé de 25 ans. Plusieurs recours sont encore introduits devant les juridictions internes. L’écoulement du temps et l’évolution de la situation ne sont pas considérés comme étant de nature à modifier les décisions prises.

La Cour prononce un arrêt particulièrement succinct. Elle analyse la violation alléguée de l’article 8 de la Convention aux §61 à 82 et un second argument fondé sur l’article 8 combiné à l’article 14 aux §83 à 86.

La Cour rappelle en quelques paragraphes sa jurisprudence en matière d’éloignement pour motifs d’ordre public. La jurisprudence est bien établie notamment par les arrêts Boultif contre Suisse ou Maslov contre Autriche. Ce dernier arrêt rendu en grande chambre concernait également un jeune majeur.

La Cour souligne au §76 que sa supervision ne signifie pas qu’elle doit reprendre ab initio l’analyse de proportionnalité. Au contraire, la marche d’appréciation réservée aux Etats signifie que lorsque des juridictions nationales indépendantes et impartiales ont examiné soigneusement les faits, ont appliqué des standards en matière de droits de l’homme conformes à la Convention et à sa jurisprudence, ont procédé à un examen adéquat mettant en balance les intérêts privés et les intérêts publics, la Cour n’a pas à substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales.

Il n’est fait exception à ce principe que s’il y a de fortes raisons de le faire. La Cour cite deux affaires récentes d’expulsion d’étrangers dans lesquelles elle a refusé de substituer ses conclusions à celles des juridictions internes qui avaient procédé à une telle analyse de manière minutieuse. (Hamesevic contre Danemark, décision n°25748/15 du 16 mai 2017, §43 ou Alam contre Danemark, décision 33809/15, §35 du 06 juin 2017). Dès lors qu’une analyse rigoureuse a mené à des conclusions qui ne sont ni arbitraires ni manifestement déraisonnables, la Cour se limite à un examen marginal.

En l’espèce, il ressort du dossier que les juridictions nationales ont mis en balance les liens avec le Royaume-Uni et les difficultés de réinstallation au Nigéria tout en ayant égard au caractère sérieux du dossier pénal. Elles ont noté qu’en dépit d’un long séjour au Royaume-Uni et de circonstances familiales, il existait des raisons très fortes (« very weighty reasons ») de procéder à l’expulsion. Ultérieurement, il informera les autorités de sa relation avec une citoyenne britannique et du fait qu’elle a donné naissance à un enfant. Ces éléments ne furent pas considérés comme étant de nature à constituer des circonstances exceptionnelles justifiant une révision de la décision d’éloignement.

Quant à l’argument selon lequel la règlementation interne en matière d’immigration imposerait un standard plus élevé que celui de la proportionnalité puisqu’il faut faire valoir des circonstances exceptionnelles, la Cour note que, dans le cas d’espèce, l’examen qui a été réalisé répond au test de proportionnalité requis par l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

En ce qui concerne l’allégation de violation des articles 8 et 14 de la Convention, la Cour relève que le requérant n’a jamais invoqué une telle argumentation devant les juridictions nationales. Quand bien même aurait-il invoqué l’existence d’une double peine ou d’un traitement discriminatoire par rapport aux nationaux, l’incorporation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans le droit britannique aurait eu comme conséquence que les juridictions nationales se seraient référées à l’arrêt Moustaquim qui écarte ce type d’argumentation.

Le juge Turkovic défend une opinion dissidente. Elle regrette l’absence de prise en compte de l’évolution de la situation entre la décision d’expulsion et la date de l’examen par la Cour. Selon la jurisprudence « bien établie » de la Cour, ce qui se produit pendant cet écoulement du temps est pris en compte. Tel est particulièrement le cas si l’intéressé a fait des efforts pour se réhabiliter ou pour s’intégrer, de sorte que le risque de récidive est restreint. Dans un tel cas, il appartient au gouvernement en cause de démontrer que, malgré cette évolution, un risque actuel et réel subsiste. La Cour inverserait ici la tendance en exigeant du requérant qu’il démontre un changement exceptionnel de circonstances. Elle souligne de plus qu’en l’espèce, 10 ans se sont écoulés et l’intéressé n’a plus commis de faits délictueux. Il a démontré qu’il se dissociait réellement du passé. Cela ne signifie pas qu’il faille s’écarter de l’appréciation des autorités mais il faut, à tout le moins, leur demander de se justifier. La juge Turkovic juge particulièrement problématique une telle approche de la Cour dans le cas d’étrangers établis légalement de longue date dans un pays et qui sont identifiés comme des délinquants juvéniles. Sur la base de la jurisprudence Maslov et d’autres affaires qui s’alignent sur les principes de cet arrêt, l’opinion dissidente reproche à la Cour son manque de cohérence. Elle appelle la Cour à clarifier sa position à l’heure où l’Europe fait face à des difficultés d’intégration, notamment de la seconde génération. Ce contexte ne devrait pas permettre à la Cour d’accorder plus de poids à l’intérêt public qu’à la vie privée et familiale. Enfin, elle souligne que la Cour n’a pas pris en compte correctement l’intérêt supérieur de l’enfant cité dans l’arrêt comme un simple élément parmi d’autres.

B. Éclairage

Les États ont le droit « d’assurer l’ordre public, en particulier dans l’exercice de leur droit de contrôler, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux »[1]. Cette formule apparaît dans quasiment toutes les affaires d’éloignement du territoire pour motifs d’ordre public. Ce postulat n’est pas débattu, même si la question de la double peine est encore posée par certains étrangers, comme en l’espèce. Ce principe est opposé aux étrangers qui invoquent le droit au respect de la vie privée et familiale pour contester une mesure d’éloignement du pays où ils résident. Ce droit n’est pas absolu puisque l’article 8 CEDH admet qu’il puisse faire l’objet d’une « ingérence […] nécessaire […] dans une société démocratique ». Cette nécessité conduit la Cour de Strasbourg, depuis des décennies, et à sa suite la Cour de Luxembourg et les juridictions nationales, à procéder à un contrôle de proportionnalité. L’Etat en cause utilise-t-il des moyens proportionnels à l’objectif poursuivi et qui ne soient pas démesurément attentatoires au droit protégé ?

L’arrêt prononcé ce 14 septembre 2017 pose – une fois encore – la question de l’éloignement pour motifs d’ordre public d’étrangers arrivés dans leur pays de résidence fort jeunes. Il s’agit de personnes qui ont commis des faits délictueux durant leur minorité et qui sont éloignés dès leur majorité.

Il permet de rappeler les critères dégagés par la jurisprudence (a), en soulignant l’approche spécifique aux dossiers impliquant de jeunes délinquants (b). La marge d’appréciation laissée aux Etats est particulièrement large (c). Cette problématique est d’actualité pour la Belgique dont la législation en matière d’éloignement pour motifs d’ordre public a été récemment modifiée par une loi du 24 février 2017[2] (d). Malgré l’intérêt de ces questions, on ne reviendra pas ici sur la question de la double peine ou de la discrimination sur la base de la nationalité, écartées ici par la Cour d’un revers parce que non invoquées devant le juge national et, en tout état de cause, vouées à l’échec vu sa jurisprudence (notamment dans les arrêts Moustaquim c. Belgique et Uner c. Suisse).

a) Les critères

L’analyse de la proportionnalité met dans la balance l’atteinte aux liens familiaux et sociaux de l’étranger, et la gravité des faits délictueux qui lui sont imputés. A l’occasion des arrêts Boultif et Ezzouhdi, la Cour tente d’établir une liste de critères permettant d’objectiver l’analyse de la proportionnalité. Elle indique que sont pertinents « la nature et la gravité de l’infraction commise par le requérant, la durée de son séjour dans le pays d’où il va être expulsé, la période qui s’est écoulée depuis la perpétration de l’infraction ainsi que la conduite de l’intéressé durant cette période, la nationalité des diverses personnes concernées, la situation familiale du requérant, par exemple la durée de son mariage, et d’autres éléments dénotant le caractère effectif de la vie familiale d’un couple, le point de savoir si le conjoint était au courant de l’infraction au début de la relation familiale, la naissance d’enfants légitimes et, le cas échéant, leur âge […] la gravité des difficultés que risque de connaître le conjoint dans le pays d’origine de son époux ou épouse, bien que le simple fait qu’une personne risque de se heurter à des difficultés en accompagnant son conjoint ne saurait en soi exclure une expulsion » (Cour eur. D. H., Boultif (2001), § 49).

L’arrêt rendu en grande chambre dans l’affaire Uner confirme l’utilisation de ces critères. La sévérité manifestée précédemment par la jurisprudence à l’égard des délits de trafic de stupéfiants s’applique également en matière de terrorisme (voy. not. Cherif c. Italie, 7 avril 2009, très partagé, quatre voix contre trois).

Un autre critère apparaît dans la jurisprudence et intéresse les pratiques actuelles. Il s’agit de la durée de l’interdiction du territoire prononcée. Ainsi, dans l’affaire Emre c. Suisse, la Cour juge qu’une interdiction d’entrée de dix ans infligée à la suite d’erreurs de jeunesse alors que l’étranger était arrivé dans l’État d’accueil à l’âge de 6 ans et s’est comporté de manière irréprochable depuis lors, viole l’article 8 CEDH qui protège le droit à la vie privée et familiale (§ 63 et 74). A l’inverse, dans Jankov c. Allemagne, un éloignement pendant trois ans n’est pas disproportionné s’agissant d’une situation où les liens familiaux intenses dans le pays d’accueil étaient en balance avec des infractions graves dans le domaine des stupéfiants. La durée de trois ans a fait l’objet d’une négociation entre les autorités allemandes et le requérant qui avait pu rendre visite à sa famille durant cette période. Dans Shala c. Suisse, la Cour souligne que « pour apprécier la proportionnalité de l’ingérence, la Cour tient compte de la durée de l’interdiction de séjour (….). En l’espèce, la Cour constate que l’expulsion du requérant a été prononcée pour une période limitée, soit de dix ans. Il s’agit là d’un élément important qui distingue la cause du requérant de celle qui était à l’origine notamment des affaires précitées, dans lesquelles les intéressés étaient expulsés pour une durée illimitée » (§ 56). La directive retour mentionne que l’éloignement en ce compris l’interdiction d’entrée doivent tenir compte de « a) de l’intérêt supérieur de l’enfant, b) de la vie familiale, c) de l’état de santé […] et respectent le principe de non-refoulement » (ces critères étant repris aux art. 5 et art. 74/13 Loi du 15 décembre 1980).

b) Les jeunes majeurs

La Cour va affiner les critères et distinguer entre deux catégories d’étrangers : les immigrés de la seconde génération ou les étrangers arrivés dans leur prime jeunesse, et les personnes arrivées à l’âge adulte. Les critères dégagés par l’arrêt Boultif s’appliquent dans le second cas, le principal obstacle à l’expulsion étant constitué par la rupture des liens familiaux liée notamment aux difficultés pour un conjoint et des enfants de vivre dans le pays d’origine de l’autre conjoint. Pour les premiers, sont également pris en compte les liens particuliers tissés dans le pays d’accueil où « ils ont passé l’essentiel de leur existence […] reçu leur éducation et […] noué la plupart de leurs attaches sociales [où] ils […] ont le plus souvent leurs principales attaches familiales », de même que le fait que « certains n’ont pas conservé avec leur pays natal d’autres liens que la seule nationalité » (voy. par ex. Cour eur. D. H., Mokrani c. France, §§ 30-31). Pour les seconds, il faut encore distinguer entre les étrangers titulaires d’un titre de séjour et les autres.

La Cour est plus clémente avec les jeunes délinquants. Dans l’arrêt Maslov prononcé en Grande Chambre le 23 juin 2008, la Cour souligne le jeune âge du requérant. Elle fait notamment référence à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union (par exemple dans l’affaire Orfanopoulos). Dans Malsov, elle souligne, « Le requérant était mineur au moment de l’imposition de l’interdiction de séjour. Il a atteint l’âge de la majorité, c’est-à-dire 18 ans, lorsque la mesure est devenue définitive, en novembre 2002, après le prononcé par la Cour Constitutionnelle de sa décision, mais il vivait encore avec ses parents. En tout état de cause, la Cour a admis dans un certain nombre d’affaires concernant de jeunes adultes qui n’avaient pas encore fondé leur propre famille que leurs liens avec leurs parents et d’autres membres de la famille proche s’analysaient également en une vie familiale ». Ne figure d’ailleurs pas dans l’arrêt le paragraphe habituel selon lequel il est un principe général bien établi que les Etats ont le droit d’expulser un étranger qui réside sur leur territoire. Au contraire, la Cour commence par souligner qu’il y a vie familiale et vie privée. Ensuite, elle indique, au §65, « pareille ingérence enfreint l’article 8 de la Convention, sauf si elle peut se justifier sous l’angle du paragraphe 2 de cet article, c’est-à-dire si, « prévue par la loi », elle poursuit un ou des buts légitimes énumérés dans cette disposition et est « nécessaire, dans une société démocratique », pour le ou les atteindre ». Les mineurs font l’objet d’une attention particulière en raison des liens souvent tenus qui leur restent avec leur pays d’origine et des chances sérieuses d’amendement. « S’agissant d’un immigré de longue durée qui a passé légalement la majeure partie, sinon l’intégralité, de son enfance et de sa jeunesse dans le pays d’accueil, il y a lieu d’avancer de très solides raisons pour justifier l’expulsion, surtout lorsque la personne concernée a commis des infractions à l’origine de la mesure d’expulsion pendant son adolescence » (§ 75). Elle mentionne également la prise en compte de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Dans le même sens, dans un dossier Emre c. Suisse, la Cour fait aussi mention des principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile adoptée et proclamée par l’Assemblée générales des Nations Unies dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990, selon laquelle « l’expérience montre que la délinquance juvénile tend à disparaître chez la plupart des individus avec le passage à l’âge adulte ».

Dans le présent dossier, la juge Turkovic fait aussi appel aux études criminologiques et plus particulièrement aux statistiques selon lesquels s’il n’y a pas eu récidive pendant trois ans, le risque diminue fortement.

c) Réforme du droit belge

La loi du 15 décembre 1980 a été modifiée par une loi du 24 février 2017. Désormais, la loi comporte un chapitre VI dans le Titre I, intitulé : « Fin du séjour de plus de trois mois pour des raisons d'ordre public ou de sécurité nationale ». Il est désormais prévu qu’il peut être mis fin au séjour d’un étranger admis ou autorisé au séjour pour des raisons d'ordre public ou de sécurité nationale. Ces mêmes motifs doivent être graves s’il s’agit d’un étranger établi, bénéficiant du statut de résident de longue durée ou autorisé ou admis à séjourner plus de trois mois dans le Royaume depuis dix ans au moins et qui y séjourne depuis lors de manière ininterrompue.

Outre cette dernière sauvegarde élevant le standard de dangerosité sur la base de la longueur du séjour en Belgique, l’article 23 dispose que 

« § 1er. Les décisions de fin de séjour prises en vertu des articles 21 et 22 sont fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'intéressé et ne peuvent être justifiées par des raisons économiques.

Le comportement de l'intéressé doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.
§ 2. Il est tenu compte, lors de la prise de décision, de la gravité ou de la nature de l'infraction à l'ordre public ou à la sécurité nationale qu'il a commise, ou du danger qu'il représente ainsi que de la durée de son séjour dans le Royaume.

Il est également tenu compte de l'existence de liens avec son pays de résidence ou de l'absence de lien avec son pays d'origine, de son âge et des conséquences pour lui et les membres de sa famille ».
 

Cette disposition intègre en partie les critères de la jurisprudence de Strasbourg. Cette intégration n’est pour autant pas rassurante. D’une part, la Cour européenne des droits de l’homme adopte dans l’arrêt Ndidi une posture particulièrement sévère à l’égard d’un jeune délinquant, qui semblait pourtant s’être amendé. D’autre part, le droit belge n’offre pas les mêmes garanties en termes de minutie du contrôle par le juge national, dès lors que le Conseil du contentieux des étrangers n’exerce qu’un contrôle de légalité et non de plein contentieux. Son approche s’apparente davantage à celle de la Cour européenne des droits de l’homme qui laisse aux Etats une large marge d’appréciation qu’à celles des juridictions britanniques dont la Cour loue l’analyse rigoureuse et approfondie du cas qui leur était soumis. Ces dernières ont procédé à une mise en balance sévère mais semble-t-il approfondie, examinant notamment soigneusement l’ensemble des faits de la cause. Le juge administratif belge doit limiter son contrôle à un examen marginal de la seule légalité de l’acte attaqué, à l’exclusion de son opportunité. L’on sait à quel point la distinction légalité-opportunité entrave un contrôle effectif de proportionnalité qui se nourrit principalement de l’analyse des faits de la cause.

S.S.

C. Pour aller plus loin

Pour lire l’arrêt :

C.E.D.H., 14 septembre 2017, Ndidi c. Royaume-Uni, req. n° 41215/14.

Jurisprudence:

Pour n’en citer que quelques-uns, dont deux arrêts de grande chambre, voy.

- CEDH, GC, Maslov c. Autriche, 23 juin 2008 ;

- CEDH, GC, Uner c. Pays-Bas, 18 octobre 2006 ;

- CEDH, Bousarra c. France, 23 septembre 2010 ; et le commentaire de HERVIEU, N., « Tu n’expulseras pas un délinquant étranger né en France ou arrivé à un très jeune âge sans motifs impérieux. Expulsion pour « raisons de sécurité publique » d’un étranger régulièrement présent en France depuis son plus jeune âge », note sous CEDH, Bousarra c. France, 23 septembre 2010, Actualités droits-libertés du 23 septembre 2010

- CEDH, Shala c. Suisse, 15 novembre 2012 ; a maintenu des liens très fort avec Kosovo + interdiction de 10 ans

 

Pour citer cette note : S. Sarolea, « Eloignement pour motifs d’ordre public : un étranger averti en vaut deux, note sous C.E.D.H., 14 septembre 2017, Ndidi c. Royaume-Uni », Cahiers de l’EDEM, septembre 2017.

 


[1]              Voy. notamment parmi les premiers arrêts sur cette question les affaires Abdulaziz, Cabales & Balkandali (1985) et Berrehab (1988).

Publié le 03 octobre 2017