C.J.U.E., arrêt du 9 février 2017, M., C-560/14, EU:C:2017:101

Louvain-La-Neuve

Interprétation du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire : confirmation et précision

Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne estime que le droit d’être entendu n’exige pas, dans le cadre d’une procédure d’octroi de la protection internationale en deux temps, que le demandeur de protection subsidiaire bénéfice du droit à un entretien oral relatif à sa demande et du droit d’appeler ou de mener un contre-interrogatoire des témoins à l’occasion de cet entretien. Elle précise néanmoins qu’un entretien oral doit être organisé lorsque des circonstances spécifiques, tenant aux éléments dont dispose l’autorité compétente ou à la situation personnelle ou générale dans laquelle s’inscrit la demande de protection subsidiaire, le rendent nécessaire pour statuer en pleine connaissance.

Protection subsidiaire – droit d’être entendu – nécessité d’une audition – droit d’appeler et de contre-interroger des témoins – vulnérabilité particulière.

A. Arrêt

1. Faits et rétroactes

Le requérant, M. (ressortissant rwandais) a été admis en Irlande, sous le couvert d’un visa étudiant. Au terme de ses études, il a introduit une demande d’asile. Celle-ci a été rejetée. Il a ensuite introduit une demande de protection subsidiaire[1], également rejetée. Dans le cadre de l’examen du recours introduit devant la High Court contre la décision rejetant la demande de protection subsidiaire, celle-ci a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La question partait de l’hypothèse selon laquelle le demandeur sollicite le statut conféré par la protection subsidiaire après que le statut de réfugié lui ait été refusé, et où il est proposé qu’une telle demande soit rejetée. Il s’agissait de savoir si l’exigence de coopérer avec le demandeur imposée aux Etats membres par l’article 4, § 1er, de la directive qualification[2] obligeait les autorités compétentes à communiquer au demandeur les résultats d’une telle appréciation avant l’adoption d’une décision finale, de manière à lui permettre de réagir aux aspects de la décision de rejet. La Cour a considéré que si l’article 4, § 1er, de la directive qualification n’oblige pas les Etats à communiquer les motifs pour lesquels ils s’apprêtent à adopter une décision de rejet d’une demande de protection internationale, le droit d’être entendu consacré par l’article 41, § 2, a), de la Charte des droits fondamentaux impose d’entendre le demandeur avant de statuer sur sa demande de protection subsidiaire, même s’il a déjà été entendu dans le cadre de l’examen de sa demande d’asile[3].

À la suite de cet arrêt, la High Court a jugé que l’autorité compétente avait omis, à tort, d’organiser une audition effective de M. lors de l’examen de sa demande de protection subsidiaire. L’autorité compétente a introduit un recours contre cette décision devant la Supreme Court, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle. Elle demande à la CJUE si le droit d’être entendu exige, dans le cadre d’un système dual, que le demandeur de la protection subsidiaire bénéfice du droit à un entretien oral relatif à sa demande et du droit d’appeler ou de mener un contre-interrogatoire des témoins à l’occasion de cet entretien[4].

2. Décision de la Cour

La Cour rappelle la jurisprudence relative au droit d’être entendu[5] et les conclusions particulières du premier arrêt M.

  • Le droit d’être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, lequel constitue un principe général du droit de l’Union européenne devant être garanti pour les décisions qui affectent de manière sensible les intérêts des destinataires (pt 25).
  • Lorsqu’une réglementation nationale prévoit deux procédures distinctes et successives aux fins de l’examen, respectivement, de la demande visant à obtenir le statut de réfugié et de la demande de protection subsidiaire, le droit du demandeur d’être entendu doit être pleinement garanti dans le cadre de chacune des procédures (p26).
  • Le droit d’être entendu n’exige pas qu’il soit nécessairement procédé à un entretien oral dans le cadre de la procédure d’examen de la demande de protection subsidiaire (pt 27).
  • Le droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision relative à une demande de protection subsidiaire doit permettre au demandeur d’exposer son point de vue sur les éléments pertinents dont l’administration doit tenir compte dans son évaluation individuelle d’une demande de protection internationale[6], afin de lui permettre de statuer en pleine connaissance de cause et de motiver sa décision d manière appropriée afin que, le cas échéant, le demandeur puisse exercer son droit de recours (pts 28-37).

Dans ces conditions, la Cour estime que le fait qu’un demandeur de protection subsidiaire n’ait pu faire état de son point de vue sur l’ensemble des éléments pertinents que sous une forme écrite ne pourrait, de manière générale, être considéré comme affectant le respect effectif du droit d’être entendu avant l’adoption sur sa demande. Elle estime que ces éléments peuvent utilement être portés à la connaissance de l’autorité compétente au moyen de déclarations écrites du demandeur ou d’un formulaire adapté prévu à cet effet, accompagnés, le cas échéant, des preuves documentaires. Elle considère que si le demandeur dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour exprimer son point de vue et qu’il bénéficie, si besoin, d’une assistance appropriée, un tel mécanisme procédural est de nature à lui permettre de s’exprimer de manière circonstanciée sur les éléments devant être pris en considération par l’autorité compétente et d’exposer, s’il le juge utile, des informations ou des appréciations différentes de celles déjà soumises à l’autorité compétente à l’occasion de l’examen de sa demande d’asile (pts 38-41).

Cela étant, la Cour pose une exception. Elle déclare que des circonstances spécifiques peuvent rendre nécessaire l’organisation d’un entretien oral afin que le droit d’être entendu du demandeur de protection subsidiaire soit effectivement respecté. Elle se base sur l’article 4, § 1er, de la directive qualification en vertu duquel, si les éléments fournis par le demandeur de la protection internationale ne sont pas complets, actuels ou pertinents, l’autorité compétente a l’obligation de coopérer activement avec le demandeur pour permettre la réunion de l’ensemble des éléments permettant d’apprécier sa demande. Partant, un entretien oral doit être organisé dans deux hypothèses. Premièrement, si l’autorité compétente n’est objectivement pas en mesure, sur la base des élément dont elle dispose à la suite de la procédure écrite et de l’entretien oral du demandeur réalisé lors de l’examen de sa demande d’asile, de déterminer en pleine connaissance de cause s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de renvoi, le demandeur courrait un risque réel de subir des atteintes graves. Deuxièmement, s’il apparaît, au regard de la situation personnelle ou générale dans laquelle s’inscrit la demande de protection subsidiaire, notamment de l’éventuelle vulnérabilité particulière du demandeur, tenant par exemple à son âge, à son état de santé ou au fait qu’il aurait subi des formes graves de violence, qu’un entretien oral est nécessaire pour lui permettre de s’exprimer de manière complète et cohérente sur les éléments susceptibles d’étayer sa demande (pts 47-52).

Dans l’hypothèse où un entretien oral aurait dû être organisé, la Cour considère que le droit d’appeler et de mener un contre-interrogatoire des témoins lors de l’entretien dépasse les exigences qui découlent du droit d’être entendu dans les procédures administratives, tel qu’il en résulte de la jurisprudence[7]. Elle ajoute que les règles applicables à l’examen des demandes de protection subsidiaire ne confèrent pas aux témoignages une importance particulière dans l’appréciation des faits et circonstances pertinentes (pts 53-55)..

B. Éclairage

La CJUE précise la portée du droit d’être entendu dans le droit de l’Union européenne, s’agissant en particulier de la procédure d’octroi de la protection subsidiaire (1). Dans son raisonnement, elle introduit explicitement la notion de vulnérabilité à l’égard des demandeurs d’asile (2).

1. La portée du droit d’être entendu

Ainsi qu’en attestent les renvois de la Cour à la jurisprudence antérieure, le droit d’être entendu dans le contentieux de l’asile et de l’immigration fait l’objet d’une construction prétorienne récente. Dans l’arrêt M., la Cour a considéré que le droit d’être entendu, en tant que partie intégrante du principe général des droits de la défense, peut être invoqué dans le cadre des procédures d’asile. Elle a abouti à la même conclusion dans les arrêts G. et R., Mukarubega et Boudjlida au sujet du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure relative à l’adoption d’une décision d’éloignement et à l’éventuelle privation de liberté en vue de cet éloignement. Dans ces arrêts, la Cour s’est prononcée sur le champ d’application de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sur le respect du droit d’être entendu ainsi que sur ses modalités[8].

Dans l’arrêt commenté, la Cour poursuit et développe le raisonnement entamé dans le premier arrêt M., concernant l’application du droit d’être entendu dans le cadre de la demande de protection subsidiaire faisant suite à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié.

Comme le rappelle l’avocat général dans ses conclusions[9], lors du premier arrêt M., la Cour n’a pas jugé que dans la procédure tendant à la reconnaissance de la protection subsidiaire une audition de l’intéressé est « toujours et absolument nécessaire » (pt 52). L’arrêt doit être lu non pas dans le sens d’une affirmation de la nécessité absolue d’une audition dans le cadre de la procédure relative à l’octroi de la protection subsidiaire, mais plutôt comme un rappel fort à l’exigence que le droit d’être entendu doit pleinement être respecté dans cette procédure, y compris dans un système dual (pt 55).

En l’espèce, la Cour et l’avocat général déduisent une logique inversée de ces considérations. La première établit que le droit d’être entendu n’exige pas que le demandeur bénéficie du droit à un entretien oral sauf lorsque des circonstances spécifiques le rendent nécessaire ; le second considère que le droit d’être entendu exige une audition personnelle du demandeur, sauf dans des cas exceptionnels. En effet, l’avocat général estime que si ces considérations ne militent pas en faveur de la reconnaissance d’un droit absolu à une audition personnelle dans tous les cas de demandes de protection subsidiaire, l’exigence de garantie particulière d’exercice effectif du droit d’être entendu dans une telle procédure, au vu de sa nature particulière et de ses objectifs, l’audition personnelle du demandeur devrait en tout état de cause constituer la règle et non l’exception et que celle-ci ne pourrait être omise que dans des cas exceptionnels et ce, même dans un système dual (pt 56).

Selon l’avocat général, la fonction du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure tendant à l’octroi de la protection subsidiaire est de permettre à l’administration compétente de faire prendre position à l’intéressé sur les faits qui sous-tendent sa demande, de manière à assurer, d’une part, sa protection effective et, d’autre part, l’adoption d’une décision de la part de l’administration en plein connaissance de cause (pt 57 ; voy. aussi pt 30 des conclusions). Or, l’audition personnelle constitue l’expression maximale du doit d’être entendu, l’occasion unique pour le demandeur d’exposer personnellement son histoire et de s’entretenir avec la personne la plus qualifiée pour tenir compte de sa situation personnelle. A cette occasion, il peut présenter d’éventuels nouveaux éléments au soutien de sa demande qu’il n’avait pas intégrés dans son argumentation et surtout, s’expliquer personnellement sur des doutes éventuellement survenus ou d’éventuels éléments perçus comme contradictoires (pt 58). On ajoute également l’importance du contact interpersonnel, d’autant plus face à des individus qui ne sont pas habitués aux procédures administratives et qui dépendent parfois de tiers pour s’exprimer par écrit. Pour l’autorité nationale compétente, l’audition est l’occasion d’examiner de manière concrète des éléments, notamment de nature subjective, et donc pouvant difficilement être relevés par écrit, qui pouvaient ne pas revêtir d’importance aux fins de l’octroi du statut de réfugié et qui en revanche peuvent être pertinents aux fins de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire (pt 59). Dans une procédure telle que celle relative à l’octroi de la protection subsidiaire, dans laquelle la personnalité de l’intéressé joue un rôle central et dans laquelle il est souvent impossible de fournir des preuves documentaires, l’audition personnelle constitue une phase d’importance fondamentale, aux fins notamment de l’appréciation de la personnalité de l’individu et de la crédibilité des éléments invoqués dans sa demande (pt 60).

Au vu de ces développements, il est regrettable que la Cour n’ait pas suivi l’avocat général. Le droit d’être entendu est un maillon du droit à l’effectivité de la protection internationale et à l’effectivité des recours. Il s’agit d’une composante du principe de bonne administration – lui-même participant au principe d’effectivité – et des droits de la défense, et il semble que « le fil rouge de tous ces principes est réellement, constamment, l’idée d’une administration rationnelle »[10]. La suite du raisonnement de l’avocat général, repris ci-après, traduit le lien intrinsèque existant entre la qualité de la procédure et les garanties au fond, dans le contentieux de l’asile et de l’immigration.

L’avocat général poursuit en assurant que le fait que le droit d’être entendu ait été pleinement respecté dans le cadre de la procédure antérieure relative à la demande d’asile n’implique pas que l’exigence particulière de garantie de l’exercice effectif de ce droit soit limitée dans la procédure relative à l’octroi de la protection subsidiaire, qui y succède. Le droit d’être entendu dans les deux procédures se rapporte à des critères différents et constitue une garantie de procédure qui couvre des contextes différents (pt 63). A cet égard, on peut renvoyer à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui souligne que le droit d’être entendu doit être respecté dans la décision de retour qui est différente de la décision de fin de séjour[11].

L’avocat général déduit que, dans un système dual, les constatations opérées par l’administration dans la première procédure ne peuvent être automatiquement transposées dans la seconde procédure. En d’autres termes, on ne peut pas transférer le respect du droit d’être entendu d’une procédure à l’autre. Il insiste : « dans un contexte tel que celui de la protection internationale, à la lumière du caractère fondamental que revêt le droit d’être entendu, ces considérations sont d’autant plus importantes pour ce qui est des constatations négatives sur la crédibilité qui sont susceptibles d’avoir un impact décisif sur la décision finale » (pt 64). 

La mise en évidence de la crédibilité est absente des considérations de la Cour. Elle considère que les éléments pertinents à l’appui de la demande de protection internationale peuvent être portés à la connaissance de l’autorité compétente au moyen de déclarations écrites du demandeur ou d’un formulaire adapté prévu à cet effet, accompagnés, le cas échéant, des preuves documentaires jointes. Une telle argumentation semble déconnectée de la réalité factuelle, culturelle et psychique des demandeurs. Ceux-ci sont particulièrement démunis pour prouver la crainte de persécution ou le risque réel de subir des atteintes graves qu’ils allèguent : ils disposent généralement de très peu de preuves matérielles, ils sont potentiellement traumatisés et ils proviennent d’un environnement social et culturel différent. Ces circonstances complexifient l’établissement des faits, tant pour les demandeurs dont les déclarations orales deviennent le seul élément probant et qui peinent dans leur restitution des faits et circonstances à l’origine de leur fuite, que pour les décideurs qui ne parviennent pas à les comprendre. Le recours à l’écrit, jugé suffisant par la Cour dans l’arrêt commenté, n’apparait pas comme participant à la mise en œuvre, entamée et nécessaire, de pistes d’amélioration de la bonne administration de la preuve.

Les enseignements du premier arrêt M. ne se sont pas imposés à la Belgique. La procédure de demande de protection internationale est une procédure dite « à guichet unique ». Le CGRA examine, dans la même et unique procédure, le statut de réfugié et la protection subsidiaire. Ces enseignements indiquent toutefois que, même dans le cadre d’une procédure unique, la garantie d’audition impose que, lors de son audition, les deux volets de la demande de protection soient examinés, à défaut de quoi une nouvelle audition serait nécessaire pour le second volet. Ils vont au delà de l’hypothèse d’une procédure à deux guichets en ce qu’ils rappellent que le devoir de coopération et le droit à une audition sont des principes généraux de droit de l’Union européenne[12].

En droit belge, l’arrêté royal relatif à la procédure et au fonctionnement devant le CGRA prévoit que demandeur d’asile doit être convoqué au moins une fois devant un agent de protection[13]. Il peut toutefois être fait exception à cette obligation d’audition dans le cas de demandes d’asile subséquentes[14], ainsi que si l’audition est manifestement impossible (par exemple en raison de problèmes de santé)[15].  Lorsque la demande d’asile subséquente tend à l’octroi de la protection subsidiaire et que celle-ci n’a pas fait l’objet d’un examen suffisant lorsque la première demande d’asile, cet arrêt peut imposer une nouvelle audition.

2. La vulnérabilité du demandeur de protection

La Cour nuance toutefois son raisonnement. Elle établit deux circonstances spécifiques rendant nécessaire le droit à un entretien oral pour la demande de protection subsidiaire. L’une est requise par la vulnérabilité particulière du demandeur.

Dans sa jurisprudence, la Cour se réfère très peu à la notion de « vulnérabilité ». Le cas échéant, elle désigne rarement des personnes et plus souvent des zones, des espèces protégées, voire l’industrie européenne au regard du contexte économique mondial. La présence du « signifié » y est néanmoins bien réelle[16]. Elle peut provenir des processus de réglementation et de désintervention induits par les règles européennes de libre circulation économique et, en atteste l’arrêt Ruiz Zambrano[17], le critère de la vulnérabilité tente de supplanter celui de la mobilité[18].

Jusqu’alors, la Cour n’avait pas mentionné la vulnérabilité des demandeurs de protection internationale, malgré la reconnaissance de celle-ci par la Cour européenne des droits de l’homme[19] et le législateur européen dans les directives accueil et procédures[20]. Ces textes dressent une liste non exhaustive de personnes qui peuvent être considérées comme vulnérables (ou qui nécessitent des garanties procédurales spéciales). Cette liste renvoie à des catégories ou à des groupes qui, compte tenu, de leur âge, de leur état physique ou physiologique, de leur situation familiale ou encore de leur vécu présentent une certaine fragilité, précarité, faiblesse ou dépendance, nécessitant une aide, une attention, des soins spécifiques. Il s’agit par exemple des mineurs, des personnes âgées, des femmes enceintes, des victimes de la traite des êtres humains, etc. De la même manière, dans l’arrêt commenté, la Cour spécifie que la vulnérabilité du demandeur peut tenir, par exemple, à son âge, à son état de santé ou au fait qu’il aurait subi des formes graves de violence.

La référence, brève mais explicite, faite par la Cour à la vulnérabilité des demandeurs est importante mais pas encore significative. Si les décisions de la Cour sont toujours circonscrites par les questions préjudicielles posées par les Etats membres, il devient nécessaire qu’elle précise les contours du concept de vulnérabilité. Les directives le reconnaissent et l’exemplifient mais ne donnent aucune indication quant à l’étape de l’identification des personnes vulnérables (mis à part que cela doit être fait dans un délai raisonnable après l’introduction de la demande de protection, pour ce qui est des besoins particuliers en matière d’accueil) ni aux conséquences sur le plan juridique (la directive procédures prévoit que les Etats membres ont l’obligation de veiller à ce qu’un soutien adéquat leur soit accordé pour qu’ils puissent, tout au long de la procédure d’asile, bénéficier des droits et se conformer aux obligations prévues par la directive). Les Etats membres jouissent d’une large marge de manœuvre alors que la « vulnérabilité » n’est pas définie juridiquement et que sa détection devrait être opérée par des spécialistes.

H.G.

C. Pour aller plus loin

Lire l’arrêt : arrêt du 9 février 2017, M., C-560/14, EU:C:2017:101

Jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne :

- arrêt  du 22 novembre 2012, M., C-2711/11, EU:C:2012:744 ;

- arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C-166/13, EU:C:2014:2336 ;

- arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C-249/13, C-166/13, EU:C:2014:2431 ;

- arrêt du 17 mars 2016, Bensada Benallal, C-161/15, EU:C:2016:175.

Doctrine :

- H. GRIBOMONT, « Ressortissants de pays tiers en situation irrégulière : le droit d'être entendu avant l'adoption d'une décision de retour », J.D.E., 2015, p. 192 ;

- E. GUILD & K. NAPLEY, « The right to be heard in immigration and asylum cases: the CJEU moves towards a definition », EU law analysis, January 2015 ;

- L. LEBOEUF, Le droit européen de l’asile au défi de la confiance mutuelle, Limal, Anthémis, 2016, pp. 383-399 ;

- M. MORARU & G. RENAUDIERE, « European Synthesis Report on the Judicial Implementation of Chapter III of the Return Directive Procedural safeguards », REDIAL Research Report 2016/03, pp. 10-15. 

Sur le droit d’être entendu, voy. aussi :

- L. LEBOEUF, « Droit d’être entendu et ordre public. Le rappel du principe d’équivalence », Newsletter EDEM, mars 2016, pp. 3-7 ;

- G. RENAUDIERE, « Le droit d’être entendu avant l’adoption d’une mesure privative de liberté : un obstacle à l’effectivité ? », Newsletter EDEM, novembre 2016, pp. 17-20

 

Pour citer cette note : H. GRIBOMONT, « Interprétation du droit d’être entendu dans le cadre de la procédure d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire : confirmation et précision », Newsletter EDEM, mars 2017.


[1] En Irlande, la procédure de demande de protection internationale est dédoublée. Le « guichet unique » prévoyant le dépôt et l’examen simultané des demandes d’asile et de protection subsidiaire n’y a pas été instauré.

[6] Article 4 § 3, de la directive (U.E.) n° 2011/95 du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte), J.O., 20 décembre 2011, L 337, p. 9. Il s’agit des informations et documents relatifs à l’âge du demandeur, à son passé, à son identité, à sa ou ses nationalités, aux pays où il a résidé auparavant, à ses demandes d’asile antérieures, à son itinéraire, aux raisons justifiant sa demande et, plus largement, aux atteintes graves dont il a fait ou pourrait faire l’objet. Le cas échéant, l’autorité doit aussi prendre en considération les explications fournies quant à l’absence d’éléments probants et la crédibilité générale du demandeur.

[8] Voy. not. : L. LEBOEUF, Le droit européen de l’asile au défit de la confiance mutuelle, Limal, Anthémis, 2016, pp. 383-399 ; M. MORARU & G. RENAUDIERE, « European Synthesis Report on the Judicial Implementation of Chapter III of the Return Directive Procedural safeguards », REDIAL Research Report 2016/03, pp. 10-15 ; E. GUIL & K. NAPLEY, « The right to be heard in immigration and asylum cases: the CJEU moves towards a definition », EU law analysis, January 2015 ; H. GRIBOMONT, « Ressortissants de pays tiers en situation irrégulière : le droit d'être entendu avant l'adoption d'une décision de retour », J.D.E., 2015, p. 192.

[10] I. Opdebeek et M. Van Damme (dir.), Beginselen van behoorlijk bestuur, Bruges, La Charte, 2006, p. 10.

[11] Voy. : CE, 15 décembre 2015, n° 233 257 : « Dès lors que l’interdiction d’entrée était de nature à affecter de manière défavorable et distincte de l’ordre de quitter le territoire les intérêts de [l’étranger], son droit à être entendu a impliqué que [l’administration] l’invitait à exposer également son point de vue au sujet de cette interdiction avant de l’adopter. Le premier juge a donc pu décider légalement que le principe général du droit de l’Union européenne du respect des droits de la défense n’a pas été respecté par [l’administration] car [l’étranger] n’a pu faire valoir son point de vue qu’à l’égard de l’ordre de quitter le territoire et non à propos de l’interdiction d’entrée ».

[12] J.-Y. Carlier et S. SAROLEA, Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 619.

[14] Article 6, § 2, de l’arrêté royal du 11 juillet 2003 précité.

[15] CCE, 28 juin 2013, n° 103 656. Voy. aussi : C.C.E., 25 juin 2014, n° 126 219. Le principe général de droit de l’Union qu’est le droit d’être entendu n’est pas violé en cas de refus de prendre en considération une nouvelle demande d’asile sans procéder à une nouvelle audition s’il n’apparait pas que cela aurait amené le C.G.R.A. à adopter une décision différente.

[16] P. Martens, « La nouvelle controverse de Valladolid », Rev. trim. dr. h., 2014, p. 322.

[18] E. Dubout, « La vulnérabilité saisie par la Cour de justice de l’Union européenne » in L. Burgorgue-Larsen (dir.), La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, Pedone, Paris, 2014, pp. 31 à 57.

Publié le 19 avril 2017