Supreme Court (U.K.), Al-Sirri and DD (Afghanistan) v. Secretary of State for the Home Department, Judgment n° [2012] UKSC 54, 21 Nov. 2012

Louvain-La-Neuve

Exclusion, terrorisme et forces armées sous mandat de l’ONU.

Les agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies (art. 1-F-c Conv. Genève) fondant une exclusion incluent les attaques à l’encontre des forces armées autorisées par le Conseil de Sécurité et les actes de terrorisme pourvu qu’ils affectent les relations entre États.

Exclusion – agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies – attaques contre les forces armées autorisées par le Conseil de Sécurité – terrorisme –impact international requis - art. 1-F-c Convention Genève

A. L’arrêt

L’arrêt concerne deux exclusions du statut de réfugié fondées sur l’article 1, F, c, de la Convention de Genève de 1951, en raison d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies. Dans l’affaire Al-Sirri, la question se posait de savoir si les activités qualifiées de terroristes en droit national constituaient, de ce seul fait, des agissements contraires aux buts et principes de l’ONU, ou si elles devaient constituer une menace contre la paix et la sécurité internationale ou aux relations pacifiques entre États. La Cour suprême a répondu que les termes agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies devaient avoir une signification autonome ; qu’il ne pouvait être accepté que chaque État membre soit libre d’adopter individuellement sa propre définition[1]. Elle a ajouté :

« the appropriately cautious and restrictive approach would be to adopt para 17 of the UNHCR Guidelines: ‘Article 1F(c) is only triggered in extreme circumstances by activity which attacks the very basis of the international community’s coexistence. Such activity must have an international dimension. Crimes capable of affecting international peace, security and peaceful relations between states, as well as serious and sustained violations of human rights would fall under this category. »[2]

« The test is whether the resulting acts have the requisite serious effect upon international peace, security and peaceful relations between states. »[3]

Dans l’affaire DD, la question portait sur la nature d’une insurrection armée dirigée contre des forces armées sous mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU soutenant un gouvernement en place, in casu l’ISAF en Afghanistan. De telles attaques constituent-elles des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies justifiant une exclusion ? La Cour suprême répond par l’affirmative :

« an attack on ISAF is in principle capable of being an act contrary to the purposes and principles of the United Nations. The fundamental aims and objectives of ISAF accord with the first purpose stated in article 1 of the United Nations Charter. By attacking ISAF, the appellant was seeking to frustrate that purpose. »[4]

B. L’éclairage

À titre de comparaison, on peut relever que l’affaire Al-Sirri conforte la ligne de conduite empruntée jusqu’ici par le C.C.E. qui avait considéré qu’il ne suffisait pas que le comportement ait été qualifié de terroriste au niveau national, même par le biais d’une condamnation pénale, encore fallait-il examiner s’il constituait une menace pour la paix et la sécurité internationales[5].

Bien qu’elle ne semble pas déraisonnable, cette jurisprudence relative aux attaques contre les forces armées autorisées par le Conseil de Sécurité constitue pour l’heure une particularité anglaise et irlandaise[6]. Ces attaques se distinguent de celles menées contre des forces de maintien de la paix ou des missions humanitaires de l’ONU. Ces dernières constituent des crimes de guerre[7] et justifient à ce titre une exclusion fondée sur l’article 1, F, a, de la Convention de Genève au lieu de l’article 1, F, c.

P.dH.

C. Pour en savoir plus

Pour consulter l’arrêt : Supreme Court (U.K.), Al-Sirri and DD (Afghanistan) v. Secretary of State for the Home Department, Judgment no [2012] UKSC 54, 21 novembre 2012.

En doctrine :

En jurisprudence :

Pour citer cette note : P. d’HUART, « Exclusion, terrorisme et forces armées sous mandat de l’ONU », Newsletter EDEM, décembre 2012.


[2] Ibid, § 38.

[3] Ibid., § 40.

[4] Ibid., § 68.

[5] C.C.E., arrêt no 64.356, 1er juillet 2011, § 5.4.3.5.

[7] Art. 8, 2, b, iii, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale : « Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ».

Publié le 23 juin 2017