C.E., arrêt no219.219 du 8 mai 2012

Louvain-La-Neuve

Recueil d’informations par le C.G.R.A.: méthode d’obtention d’informations par téléphone.

Le C.C.E. doit répondre à un argument relatif au recueil d’informations par le C.G.R.A. par téléphone et fondé sur la violation de l’article 26 de l’arrêté royal du 11 juillet 2003 fixant la procédure devant le C.G.R.A. À défaut, l’arrêt du C.C.E. est cassé. Si l’article 26 a été méconnu, les informations obtenues devaient être écartées.

A.R. 11/07/2003, art. 26 – procédure devant le C.G.RA. – informations obtenues par téléphone – argument non examiné par le C.C.E. – (cassation)

A. L’arrêt

L’article 26 de l’A.R. régissant la procédure devant le C.G.R.A. prévoit que ce dernier « peut, dans sa décision, s'appuyer sur des informations obtenues d'une personne ou d'une institution par téléphone ou courrier électronique ». Dans ce cas, certaines garanties sont prévues. D’une part, le dossier administratif doit préciser « les raisons pour lesquelles cette personne ou cette institution a été contactée ainsi que les raisons qui permettent de présumer de leur fiabilité ». D’autre part, un compte rendu écrit doit être versé au dossier et mentionner « le nom de la personne contactée par téléphone, une description sommaire de ses activités ou de sa fonction, son numéro de téléphone, la date à laquelle a eu lieu la conversation téléphonique, ainsi qu'un aperçu des questions posées pendant la conversation téléphonique et les réponses données par la personne contactée ».

La requête devant le C.C.E. invoquait la violation de cette disposition, soulignant que « le dossier administratif ne cont[enait] ni les raisons pour lesquelles les personnes interrogées ont été contactées, ni les raisons qui permettent de présumer de leur fiabilité, ni les questions qui leur ont été posées ». Le C.C.E. n’a pas répondu à cet argument alors que, s’il s’avérait fondé, le C.G.R.A. n’aurait pas pu s’appuyer sur le rapport qu’il a rédigé pour statuer.

Le C.E. estime que cette lacune suffit à casser l’arrêt du C.C.E. et à lui renvoyer le dossier pour qu’il examine le bien-fondé de cet argument.

B. L’éclairage

Cet arrêt invite les praticiens et les instances à porter davantage d’attention à l’arrêté royal relatif à la procédure suivie par le C.G.R.A. Si cette administration dispose de divers moyens de s’informer, des garanties sont prévues par l’arrêté royal et doivent être respectées, sous peine d’invalider la décision prise.

Ainsi, l’article 26 précité régit l’obtention d’informations par téléphone. L’article 4, § 4, de l’arrêté royal interdit quant à lui au C.G.R.A. de recueillir des informations auprès des auteurs présumés de persécutions ou d’atteintes graves et donc de vérifier les dires du candidat auprès de ces derniers dans son pays d’origine[1]. Si des contradictions émaillent le récit du demandeur, l’article 17 de l’arrêté royal impose pour sa part qu’elles soient soulevées et que l’occasion lui soit donnée de s’expliquer. Cette disposition répond aux critiques dénonçant le non-respect du principe du contradictoire dans le cadre de la procédure d’asile. Dès lors qu’il n’y a dans la plupart des cas qu’une seule audition, il est important que le demandeur puisse s’expliquer sur d’éventuelles incohérences avant la décision[2]. Il n’est toutefois pas prévu que le requérant relise ses déclarations et qu’il les signe[3].

Le juge peut « annuler la décision attaquée du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides […] pour la raison que la décision attaquée est entachée d'une irrégularité substantielle qui ne saurait être réparée par le Conseil »[4]. Ce serait par exemple le cas s’il n’avait pas été procédé à une audition, si l’audition n’avait pas été réalisée de manière satisfaisante[5] ou si les règles relatives au droit à l’assistance d’un interprète avaient été méconnues.

S.S.

C. Pour en savoir plus

- Pour consulter l’arrêt : C.E., arrêt n° 219.219 du 8 mai 2012.

- La procédure devant l’O.E. est régie par un l’arrêté royal du 11 juillet 2003 fixant certains éléments de la procédure à suivre par le service de l'Office des étrangers chargé de l'examen des demandes d'asile sur la base de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

- Sur l’arrêté royal de procédure, voyez : F. Bernard, « Loi du 28 avril 2010, arrêtés royaux du 18 août 2010: de nouvelles règles de procédure et de fond pour l’examen des demandes d’asile », R.D.E., 2010, p. 307.


[1] Voyez également sur cette règle : U.N.H.C.R., Advisory Opinion on the Rules of Confidentiality Regarding Asylum Information , 31 mars 2005, § 22.

[2] Voyez notamment : C.C.E. arrêt no 36.936, 12 janvier 2010 et C.C.E., arrêt no 82 241, 31 mai 2012.

[3] Sur la signature, voyez C.C.E., arrêt no 38.172, 4 février 2010 et C.C.E., arrêt no 39.124, 22 février 2010.

[4] Loi du 15 décembre 1980, article 39/2.

[5] Voyez notamment C.C.E., arrêt no 81 908, 30 mai 2012 : « 3.2 Pour sa part, et après analyse du dossier administratif et des pièces de procédure, le Conseil estime qu’il ne détient pas tous les éléments lui permettant de statuer en connaissance de cause. À la lecture du rapport d’audition, il apparaît ainsi que le requérant n’a été que sommairement interrogé sur son compagnon et la relation homosexuelle qu’il déclare avoir entretenue avec lui, alors que la découverte de son homosexualité constitue la crainte à la base de sa demande de protection internationale. Du rapport d’audition, il ressort également que le requérant n’a été interrogé que de manière superficielle en ce qui concerne la manière dont lui et son partenaire ont été surpris. Quant à son arrestation et sa détention, le requérant n’a pas été interrogé à cet égard et aucun motif de la décision entreprise n’en fait mention. » Voyez également C.C.E., arrêt no 81 916, 30 mai 2012.

Publié le 23 juin 2017