Persécution pour motifs religieux : la Cour consolide sa jurisprudence antérieure.
Demande de protection internationale – Règlement Dublin III – Détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection – Non obligation de notification préalable de la prise en charge de la demande par l’Etat auprès duquel celle-ci a été déposée - Portée et contenu du recours contre la décision rejetant la demande de protection – Persécution pour motifs religieux – Notion de religion – Portée du droit à la vie privée du demandeur – Actes constitutifs de persécution pour motifs religieux
Dans cet arrêt rendu sur questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de Sofia, Bulgarie, la CJUE précise les contours formels du processus de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale et la portée du recours introduit contre le refus d’une telle protection. Elle revient également sur la notion de religion et sur les éléments qui doivent être avancés pour démontrer l’existence d’une persécution pour motifs religieux. Finalement, elle confirme les enseignements de sa jurisprudence X et Y du 5 septembre 2012 s’agissant des actes constitutifs de persécution pour motifs religieux.
Alice Sinon
A. Arrêt
1. Faits
Monsieur Bahtiyar Fathi, ressortissant iranien d’origine kurde, introduit une demande de protection internationale auprès des autorités bulgares, le 1er mars 2016. La DAB, agence nationale pour les réfugiés en Bulgarie, traite la demande d’asile après avoir établi qu’elle était responsable de cet examen. Le 20 juin 2012, elle rejette la requête de Monsieur Fathi au motif que celle-ci serait non-fondée.
À l’appui de sa demande, M. Fathi invoque la persécution dont il aurait été victime en Iran, en raison de sa conversion au christianisme, qui daterait de fin 2008, début 2009[1]. Entre autres arguments, M. Fathi invoque s’être procuré et avoir possédé, illégalement, une antenne parabolique lui permettant de capter la chaine chrétienne Nejat TV, interdite en Iran. Le demandeur indique aussi avoir participé, par téléphone, à une émission de cette chaine de télévision prohibée en suite de quoi il aurait été détenu deux jours, en septembre 2009, par les services secrets iraniens. Au cours de cette détention, M. Fathi aurait été contraint d’admettre sa conversion au christianisme. À la suite de cette détention, il indique avoir continué à entretenir des contacts avec d’autres chrétiens en Iran, contacts qu’il aurait liés après sa conversion et avant sa détention, courant 2009. Il n’aurait, pour des raisons financières, pu quitter l’Iran qu’en 2012 et de façon illégale. Il serait alors resté en Iraq, en tant que demandeur d’asile, jusque fin 2015. Il indique par ailleurs avoir été recherché par les services secrets iraniens après son départ.
Les arguments avancés par le demandeur de protection internationale sont jugés non-fondés par l’agence nationale bulgare pour les réfugiés. Ainsi, selon cette autorité, ses déclarations sont contradictoires et son récit, dans l’ensemble, invraisemblable. La lettre de Najat TV du 29 novembre 2012, attestant de la participation de M. Fathi à une émission en direct de cette chaine, n’est pas prise en compte car considérée comme un faux. Tant l’existence de la persécution que le risque que celle-ci se reproduise ne sont, aux yeux de la DAB, pas établis. Il en va de même s’agissant du risque que M. Fathi soit condamné à la peine de mort. Dès lors, suite au rejet de sa demande de protection internationale par le directeur de la DAB, le demandeur introduit un recours en annulation devant le tribunal administratif de Sofia, juridiction de renvoi. Devant celui-ci, le demandeur invoque qu’il n’a pas été suffisamment tenu compte des informations indiquant que le droit iranien, et plus précisément la « loi islamique sur l’apostasie », punit de la peine de mort ou de la prison ce genre de conversion. De même, il estime que c’est à tort que les autorités bulgares ont écarté comme faux la lettre de Nejat TV du 29 novembre 2012 qui prouverait sa conversion.
Le tribunal administratif décide de surseoir à statuer et pose sept questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union européenne, tant concernant la responsabilité de la Bulgarie pour l’examen de la demande d’asile sur base du règlement Dublin III que sur l’interprétation du motif de persécution liée à la religion.
2. Décision de la Cour
La décision de la Cour s’articule donc autour de sept questions préjudicielles différentes. La Cour rassemble ces sept questions en quatre sous-points qui peuvent, par ailleurs, être regroupés en deux thématiques principales. En effet, les trois premières questions soumises à la Cour concernent le processus d’attribution à un Etat membre de l’examen d’une demande de protection internationale (règlement Dublin III) et, plus spécifiquement, les formalités requises, ou non, par cette procédure ainsi que les contours matériels du recours mis à disposition du demandeur en cas de rejet de sa demande d’asile. Les quatre dernières questions ont, quant à elles, trait à la notion de persécution pour des motifs religieux.
La Cour, en réponse aux première et deuxième questions préjudicielles, tranche que l’article 3, paragraphe 1 du règlement Dublin III n’implique pas que l’état membre auquel incombe, en vertu des dispositions du règlement précité, l’examen au fond de la demande de protection internationale, notifie formellement et explicitement cette prise en charge au demandeur.
Ensuite, la Cour, en réponse à la troisième question préjudicielle, indique que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, n’implique pas que la juridiction statuant sur le recours intenté par un demandeur de protection internationale contre la décision rejetant sa demande, procède d’office à l’examen de la bonne application des critères et mécanismes établis par le règlement Dublin III pour déterminer l’état membre responsable de la demande de protection internationale.
La Cour précise encore, en réponse aux quatrième, cinquième et septième questions, qu’il ne découle pas de l’article 10, paragraphe 1, sous b de la directive 2011/95, que le demandeur de protection internationale qui invoque une persécution pour motifs religieux présente des déclarations ou produise des documents relatifs à tous les éléments de la notion de « religion », visée à l’article 10. Néanmoins, cela n’exempte pas le demandeur d’étayer la crédibilité des allégations qu’il avance, ce, en fournissant aux autorités compétentes des éléments permettant de contrôler la véracité desdites allégations.
Finalement, la Cour indique qu’au sens de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/95, le fait, pour le pays d’origine du demandeur, de punir les agissements contraires à la religion d’Etat de la peine de mort ou d’une peine d’emprisonnement peut constituer un « acte de persécution » pour autant que les sanctions qui assortissent cette interdiction soient effectivement exécutées par le pays d’origine du demandeur. La Cour indique que c’est à la juridiction de renvoi, ici le tribunal administratif de Sofia, de vérifier que tel est bien le cas en l’espèce.
B. Éclairage
Vu leur complexité, leur rapport parfois peu évident avec les faits et les différents points thématiques abordés, il nous paraît important de revenir en détail sur les sept questions préjudicielles, regroupées en quatre sous-points par la CJUE.
1. Les première et deuxième questions préjudicielles – Pas d’obligation de notification préalable au demandeur de la prise en charge de sa demande par l’Etat auprès duquel il l’a déposée
Etant donné l’absence d’éléments qui indiqueraient qu’un état membre autre que la Bulgarie serait responsable de l’examen de la demande de protection internationale introduite par M. Fathi, la DAB a procédé à l’examen au fond de la demande sans notifier au préalable, formellement et explicitement, sa décision de prendre en charge la demande de M. Fathi à celui-ci. Ainsi, la seule décision formellement notifiée au demandeur est celle l’informant du rejet de sa demande de protection, au motif qu’elle est non-fondée.
Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation que doit recevoir l’article 3, paragraphe 1 du règlement Dublin III qui dispose que : « Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. ». Plus spécifiquement, le tribunal administratif de Sofia se demande si cet article s’oppose à ce qu’un Etat membre examine au fond une demande de protection internationale sans avoir au préalable pris une décision explicite établissant sa propre responsabilité pour examiner la demande. Cette responsabilité lui incombe(rait) en vertu des dispositions du règlement Dublin III et des critères de détermination de l’Etat membre responsable de la demande de protection que ce règlement prévoit.
La CJUE commence par préciser que la demande de M. Fathi relève bien du champ d’application du règlement Dublin III. Elle rappelle également qu’une telle demande de protection internationale ne sera, en principe, examinée que par le seul Etat membre que les critères détaillés dans le Chapitre III du règlement Dublin III désignent comme responsable. La Cour rappelle également, en s’appuyant sur sa jurisprudence précédente (arrêt C.K. e.a. du 16 février 2017, point 58), que les états membres sont tenus de suivre les procédures prévues par le chapitre IV du règlement Dublin III afin d’identifier l’Etat membre responsable de la demande. Ce processus de détermination, et donc l’application des procédures prévues au Chapitre III, commence dès l’introduction de la demande. Il apparaît ici que les autorités bulgares ont bien respecté ces procédures et en ont conclu que la responsabilité d’examiner au fond la demande de M. Fathi leur incombait. Cependant, ce processus de détermination ne s’est pas soldé par l’adoption d’une décision expresse de la DAB établissant sa propre responsabilité pour examiner la demande au fond. La Cour, après une analyse du libellé de l’article 3 ainsi que du contexte et de l’économie du règlement Dublin III, conclut que cet article ne s’oppose pas à ce que les autorités d’un Etat membre procèdent à l’examen au fond d’une demande de protection internationale en l’absence de décision explicite de ces autorités établissant que, sur base des critères définis par le règlement, la responsabilité de procéder à cet examen revenait bien à cet Etat membre. Nous noterons que la Cour souligne, dans son analyse du règlement Dublin III, que celui-ci prévoit expressément que la décision de transfert d’un demandeur de protection internationale vers l’Etat membre dont on a établi, après application des critères et procédures prévus par le règlement, qu’il est responsable de l’examen au fond de ladite demande, doit être notifiée au demandeur. A contrario, le règlement n’impose pas une telle notification si l’Etat membre auprès duquel la demande de protection a été déposée conclut, après application des dispositions du règlement Dublin III, à sa propre responsabilité.
2. La troisième question préjudicielle – Contenu du recours contre la décision rejetant la demande de protection internationale
Dans la lignée de ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi se demande si, statuant sur un recours introduit, au titre de l’article 46, paragraphe 1 de la directive 2013/32, contre une décision rejetant une demande de protection internationale, elle doit d’office vérifier que les critères et procédures prévus par le règlement Dublin III pour déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de la demande ont été respectés. Le tribunal administratif de Sofia s’interroge donc sur l’interprétation que doit recevoir l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, qui précise la portée du droit à un recours effectif prévu par le paragraphe 1, sous a, de ce même article 46. L’article 46 stipule que ce recours effectif implique un examen « complet » et « ex nunc » des faits et des points d’ordre juridique par la juridiction de renvoi. La Cour précise ensuite le sens que doivent recevoir ces termes. Ainsi, l’utilisation de l’expression « ex nunc » implique que le juge statuant sur le recours prenne en considération, dans son examen, d’éventuels nouveaux éléments qui seraient apparus après que la décision rejetant la demande de protection internationale ait été adoptée. L’utilisation du qualificatif « complet » implique quant à elle que la juridiction de renvoi analyse tous les éléments dont il a été – ou aurait dû être – tenu compte par l’autorité statuant au fond sur la demande de protection. Cela étant, la Cour considère, pour deux raisons, qu’on ne peut déduire de l’article 46 précité une obligation pour la juridiction de renvoi de vérifier d’office le respect des critères et procédures prévus par Dublin III. Tout d’abord, la CJUE précise que la directive 2013/32, en vertu de son considérant 53, ne s’applique pas à ces procédures de détermination de l’Etat membre responsable. Ensuite, l’examen de ces procédures est expressément exclu, par l’article 2, sous d), du règlement Dublin III, de l’examen au fond d’une demande de protection internationale. La juridiction de renvoi, statuant sur le recours intenté contre une décision de refus d’accorder une protection internationale prévu par l’article 46 de la directive 2013/32, ici le tribunal administratif de Sofia, n’est donc pas tenue d’examiner d’office le respect des critères et de la procédure visant à identifier l’Etat membre à qui incombe la responsabilité d’examiner la demande de protection tel que détaillés dans le règlement Dublin III.
3. Les quatrième, cinquième et septième questions préjudicielles – Persécution pour motifs religieux
Vu le libellé de l’article 10, paragraphe 1, sous b) de la directive 2011/95 qui prévoit que « [l]orsqu’ils évaluent les motifs de la persécution, les Etats membres tiennent compte des éléments suivants : […] la notion de religion recouvre, en particulier, le fait d’avoir des convictions théistes, non théistes ou athées, la participation à des cérémonies de culte privées ou publiques, seul ou en communauté, ou le fait de ne pas y participer, les autres actes religieux ou expressions d’opinions religieuses, et les formes de comportement personnel ou communautaires fondées sur des croyances religieuses ou imposées par ces croyances » et, vu le peu d’éléments fournis par le demandeur s’agissant des « contours » de ses convictions[2], la juridiction de renvoi se demande si le demandeur doit présenter des éléments (déclarations ou documents) s’agissant de chacune des composantes de la notion de religion listées dans l’article 10 susmentionné. Avant de répondre par la négative (voy. supra point A. 2. La décision de la Cour), la CJUE précise les contours de la notion de religion et recourt notamment, pour ce faire, aux enseignements de sa jurisprudence relative à l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (arrêt Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a. du 29 mai 2018, point 44 ; et arrêt Jehovan todistajat du 10 juillet 2018, point 47). Ensuite, elle rappelle que l’utilisation des termes généraux dans l’article 10 de la directive implique que sont visés, sous la notion de « religion », tant les cultes traditionnels que d’autres convictions. De même, la seule absence d’appartenance à une communauté religieuse donnée ne saurait, seule, jouer dans l’évaluation de la notion de religion. Finalement, la Cour souligne que l’utilisation, dans l’article 10 de la directive des termes « en particulier », implique que la liste d’éléments à prendre en considération pour délimiter la notion de religion n’est pas exhaustive. Enfin, la Cour rappelle que la notion de « religion » définie à l’article 10 de la directive doit être interprétée largement ainsi qu’elle l’a indiqué dans son arrêt Y et Z du 5 septembre 2012, point 63. Nous noterons que la Cour européenne des droits de l’homme s’est également prononcée sur cette question dans son arrêt N.K. c. France du 19 décembre 2013.
Les actes qui constituent la persécution pour motifs religieux doivent être évalués en fonction de leur gravité intrinsèque. Dès lors, il n’est pas requis, pour que la persécution pour motifs religieux soit établie, qu’elle se manifeste par des actes portant atteinte à chacune des composantes de la notion de religion listées dans l’article 10 de la directive. Néanmoins, il est évident, in casu, que le demandeur, M. Fathi doit dûment étayer les arguments qu’il avance pour prouver son alléguée conversion religieuse. Après avoir exposé, aux points 84 à 87 de l’arrêt, ce qu’elle entend par là, la Cour précise qu’il y a lieu de tenir compte, s’agissant d’une demande de protection internationale basée sur une crainte de persécution pour des motifs religieux, non seulement du statut individuel et de la situation personnelle du demandeur mais aussi « notamment de ses convictions concernant la religion et des circonstances de leur acquisition, de la manière dont il entend et vit sa foi ou son athéisme, de son rapport avec les aspects doctrinaux, rituels ou prescriptifs de la religion à laquelle il déclare appartenir ou de laquelle il entend s’éloigner, de son éventuel rôle dans la transmission de sa foi ou encore d’une conjonction de facteurs religieux et de facteurs identitaires, ethniques ou de genre. » (point 88 de l’arrêt commenté).
Dans ce même « groupe » de questions préjudicielles, la juridiction de renvoi se demande également dans quelle mesure il est licite d’interroger le demandeur sur la manifestation de ses convictions ou son comportement au regard de la religion tout en respectant son droit à la vie privée. La Cour en profite pour rappeler sa jurisprudence A, B et C du 2 décembre 2014 et limiter la portée de ses conclusions dans cette affaire aux questions qui relèvent tout particulièrement de la sphère intime de l’individu, ce qui ne paraît, selon la CJUE, pas être le cas en l’espèce puisque « la juridiction de renvoi ne fait toutefois nullement état de considérations analogues » (point 89 de l’arrêt commenté).
4. La sixième question préjudicielle – Contours et contenu de l’/des actes de persécution
Le tribunal administratif de Sofia – après avoir constaté que le droit iranien prévoit la peine de mort ou la prison en cas de conversion religieuse et que des personnes s’étant converties au christianisme ont été effectivement condamnées à des peines d’emprisonnement de un an et des interdictions de quitter le territoire de deux ans – se demande si cette interdiction, sous peine d’exécution ou d’emprisonnement, d’agissement allant à l’encontre de la religion d’Etat du pays d’origine du demandeur de protection internationale peut constituer un « acte de persécution » au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2011/95.
La Cour reprend ici les enseignements de sa jurisprudence Y et Z du 5 septembre 2012 et rappelle qu’il est nécessaire, pour qu’une persécution pour motifs religieux soit constituée, qu’il y ait une « violation grave » de la liberté de religion du demandeur de protection internationale qui, partant, doit être affectée de manière significative. Dès lors, si l’exercice de sa liberté de religion implique, pour le demandeur, un risque réel d’être, notamment, poursuivi ou soumis à des traitements inhumains ou dégradants, l’exigence de gravité susmentionnée est rencontrée. In casu, le simple fait que la législation iranienne punisse les agissements allant à l’encontre de la religion d’Etat, dont la conversion à une autre religion, de la peine de mort ou de la prison, dans la mesure où il est établi que ces sanctions sont effectivement appliquées, est susceptible, à lui seul, de constituer un acte de persécution au sens de l’article 9 de la directive 2011/95. Plus particulièrement, ces sanctions peuvent être qualifiées comme disproportionnées ou discriminatoires, au sens du paragraphe 2, sous c) de l’article 9 précité. La Cour précise par ailleurs, en réponse à un point soulevé par la juridiction de renvoi, qu’il n’importe pas « que la mesure du pays d’origine dont émane le risque relève ou non des conceptions d’ordre public ou de droits et de libertés de ce pays » (point 99 de l’arrêt commenté). Il revient donc à la juridiction de renvoi d’établir si les sanctions prévues par la loi iranienne sur l’apostasie sont effectivement exécutées, auquel cas ces sanctions pourront valablement être qualifiées d’actes de persécution.
Pour conclure brièvement, outre les précisions quant au processus de désignation de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale et des formalités que ce processus implique (ou non), outre les clarifications s’agissant des contours du recours effectif contre le rejet d’une demande d’asile, nous retiendrons principalement de cet arrêt qu’il consolide la jurisprudence de la Cour de Justice s’agissant des persécutions pour motifs religieux. Ainsi, dans cet arrêt Fathi la Cour rappelle l’interprétation élargie que doit recevoir la notion de religion mais, surtout, elle confirme sa jurisprudence X et Y du 5 septembre 2012 relative aux actes constitutifs de persécution pour motifs religieux.
C. Pour aller plus loin
Lire l’arrêt : C.J.U.E., 4 octobre 2018, Fathi, C-56/17, ECLI:EU:C:2018:803.
Jurisprudence :
C.J.U.E., 5 septembre 2012, Y et Z, affaires jointes C-71/11 et C-99/11, ECLI:EU:C:2012:518.
Cour eur. D. H., 19 décembre 2013, arrêt N.K. c. France, req. n°7974/11.
C.J.U.E., 2 décembre 2014, A, B et C, affaires jointes C-148/13 à C-150/13, ECLI:EU:C:2014:2406.
C.J.U.E., 16 février 2017, C.K. e.a., C-578/16, ECLI:EU:C:2017:127.
C.J.U.E., 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16, ECLI:EU:C:2018:335.
C.J.U.E., 10 juillet 2018, Jehovan todistajat, C-25/17, ECLI:EU:C:2018:551.
Doctrine :
L. Leboeuf, « Droit d’asile : L’atteinte à la liberté de religion comme persécution » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 11 septembre 2012.
H. Labayle, « Le droit d’asile devant la persécution religieuse : la Cour de justice ne se dérobe pas », GDR, 9 septembre 2012.
S. Datoussaid, « Le renvoi d’un demandeur d’asile de confession Ahmadie vers le Pakistan entraîne une violation de l’article 3 C.E.D.H. », Newsletter EDEM, janvier 2014.
Pour citer cette note : A. Sinon, « Persécution pour motifs religieux : la Cour consolide sa jurisprudence antérieure », Cahiers de l’EDEM, novembre 2018.
[1] L’avocat Général, dans ses conclusions, au point 2, indique que Bahtiyar Fathi aurait été baptisé en mai 2009 dans une église de maison de Téhéran.
[2] Par exemple, il indique s’être converti au christianisme sans spécifier s’il se rattache à l’une ou l’autre communauté religieuse traditionnelle et, il ne précise pas si ses convictions religieuses lui imposent d’accomplir des actes dans la sphère publique.
Photo : https://www.designingbuildings.co.uk/wiki/Buildings_of_the_EU