C.J.U.E., 13 juin 2024, Commission c. Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C-123/22, EU:C:2024:493

Louvain-La-Neuve

La Hongrie viole de manière inédite et exceptionnellement grave le droit de l’Union en éludant délibérément l’application de la politique commune en matière d’asile et d’immigration

Hongrie – Manquement d’État – Article 260 TFUE – Directives 2013/32, 2013/33, 2008/115 – Droit d’accéder aux procédures de protection internationale – Violation inédite et exceptionnellement grave du droit de l’Union européenne – Paiement d’une somme forfaitaire et d’une astreinte.

Dans son nouvel arrêt C-123/22, la C.J.U.E. constate que la Hongrie n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’exécution de son arrêt C-808/18 Commission c. Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale). En particulier, et ce malgré la fermeture des zones de transit de Röszke et de Tompa, la Cour constate que la Hongrie ne respecte pas les garanties prévues par le droit de l’Union européenne : a) en matière d’éloignement des ressortissants étrangers en séjour irrégulier ; b) quant à l’exercice du droit de rester sur le territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice du droit à un recours ; c) quant au droit d’accès à la procédure de protection internationale. La C.J.U.E. décide que les manquements de la Hongrie constituent une violation inédite et exceptionnellement grave du droit de l’Union et condamne cet État à payer une somme forfaitaire de 200 millions d’euros ainsi qu’une astreinte de 1 million d’euros par jour de retard dans l’exécution de sa décision.

Eugénie Delval

A. Arrêt

En décembre 2020 et en juin 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « C.J.U.E. ») a adopté deux arrêts en manquement contre la Hongrie pour sa politique en matière d’accueil des demandeurs de protection internationale.

1. Le premier arrêt en manquement : Commission c. Hongrie, 2020

Dans son premier arrêt C-808/18 Commission c. Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale), la C.J.U.E. a jugé que la Hongrie a manqué à plusieurs obligations qui lui incombent en vertu de : a) la directive 2008/115 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; b) la directive 2013/32 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ; c) la directive 2013/33 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

En particulier, les manquements suivants avaient été constatés par la Cour :

  • Le fait que les demandes de protection internationale émanant de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui, arrivant de Serbie, souhaitent accéder à la procédure de protection internationale sur le territoire hongrois ne pouvaient être présentées que dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, alors même que dans ces zones était suivie une pratique administrative constante et généralisée limitant drastiquement le nombre de demandeurs autorisés à y pénétrer quotidiennement (§ 128).
  • L’instauration d’un système de rétention généralisée des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, sans respecter ni les garanties procédurales spéciales et le soutien adéquat tout au long des procédures d’asile auxquelles ont droit certains demandeurs, ni les garanties prévues pour les procédures aux frontières, ni les motifs limitativement énumérés, les conditions et les garanties concernant la possibilité qu’ont les États membres de placer en rétention les demandeurs de protection internationale (§§ 166, 211). Entre autres, la Cour a noté que les demandeurs de protection internationale sont tenus de demeurer dans les zones de transit durant l’intégralité de l’examen de leur demande, voire au cours de la procédure juridictionnelle ayant pour objet l’examen du recours visant à contester une éventuelle décision de rejet de celle-ci (§§ 184-186).
  • L’éloignement de tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire hongrois, à l’exception de ceux qui sont soupçonnés d’avoir commis une infraction, sans respecter les procédures et garanties prévues par le droit de l’Union (§ 266).
  • La subordination, à des conditions contraires au droit de l’Union, de l’exercice, par les demandeurs de protection internationale, de leur droit de rester sur le territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours (§ 302).

2. Le second arrêt en manquement : Commission c. Hongrie, 2024

En janvier 2021, la Commission européenne a invité le gouvernement hongrois à l’informer des mesures prises pour se conformer à l’arrêt rendu par la C.J.U.E. Le gouvernement hongrois a indiqué que les zones de transit de Röszke et de Tompa avaient été fermées mais que, en ce qui concerne l’accès à la procédure de protection internationale et l’éloignement des ressortissants étrangers en séjour irrégulier, le gouvernement était face à un « dilemme constitutionnel » dans la mise en œuvre des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union. Le gouvernement hongrois a ainsi saisi la Cour constitutionnelle d’une demande visant à déterminer si la Loi fondamentale de la Hongrie pouvait être interprétée en ce sens que la Hongrie peut mettre en œuvre une obligation découlant du droit de l’Union qui peut amener un ressortissant étranger en séjour irrégulier à séjourner sur le territoire hongrois pour une durée déterminée et, partant, à faire partie, de fait, de sa population.

À la suite d’une mise en demeure qu’elle avait adressée au gouvernement hongrois, la Commission européenne a introduit un second recours en manquement auprès de la C.J.U.E., en vertu de l’article 260 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE »). Le paragraphe 2 de cet article énonce que :

« Si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, elle peut saisir la Cour, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par l’État membre concerné qu’elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour reconnaît que l’État membre concerné ne s’est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte. »

En particulier, si la fermeture des zones de transit de Röszke et de Tompa a effectivement permis de remédier, en partie, aux infractions constatées par la C.J.U.E. – à savoir la rétention généralisée des demandeurs de protection internationale dans ces zones, ainsi que la méconnaissance du droit des demandeurs de rester sur le territoire hongrois jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif dans une situation de crise engendrée par une immigration massive – la Commission soulignait que cette fermeture ne suffisait toutefois pas à assurer l’exécution de l’arrêt Commission c. Hongrie de 2020.

Par un arrêt rendu le 13 juin 2024, la C.J.U.E. constate que la Hongrie n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’exécution de son arrêt rendu en 2020.

En premier lieu, l’article 6 de la directive 2013/32 impose aux États membres de garantir que les personnes puissent être en mesure d’exercer effectivement le droit de présenter une demande de protection internationale, y compris à leurs frontières, dès qu’elles en manifestent la volonté. La Cour rappelle que l’objectif même de l’article 6 consiste à garantir un accès effectif, aisé et rapide à la procédure de protection internationale (§ 64). Or, il découle du droit hongrois que la possibilité qu’ont certains ressortissants de pays tiers ou apatrides se trouvant sur le territoire de la Hongrie ou à ses frontières de présenter une demande de protection internationale est soumise au dépôt préalable d’une déclaration d’intention auprès d’une ambassade hongroise située dans un pays tiers et à l’octroi d’un document de voyage leur permettant d’entrer sur le territoire hongrois. La C.J.U.E. estime dès lors que la Hongrie a manqué à ses obligations découlant de l’article 6 de la directive 2013/32 (§ 71).

En deuxième lieu, s’agissant de l’éloignement des ressortissants étrangers en séjour irrégulier, la Hongrie a soulevé que son infraction au droit de l’Union était justifiée en raison de la pression migratoire sur la « route migratoire des Balkans occidentaux » et du nombre de personnes déplacées en provenance d’Ukraine. Ici, la C.J.U.E. soulève qu’un « État membre ne saurait exciper de difficultés pratiques, administratives, financières ou d’ordre interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union » (§ 74).

Enfin, en troisième lieu, concernant le droit des demandeurs de protection internationale de rester sur le territoire hongrois jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif, énoncé à l’article 46, § 5, de la directive 2013/32, la C.J.U.E. constate encore un manquement de la part de la Hongrie. La Cour explique, en effet, que lorsqu’un État membre décide de fixer des modalités d’exercice du droit de rester sur son territoire, ces modalités doivent être définies de manière suffisamment claire et précise afin que le demandeur puisse connaitre l’étendue exacte d’un tel droit et qu’il puisse être apprécié si de telles modalités sont compatibles avec le droit de l’Union. Or, en l’espèce, les conditions de résidence dans un lieu déterminé et de respect du statut de demandeur d’asile ne sont pas identifiées précisément dans le droit national (§§ 78-79). Le fait que, dans la pratique, les autorités hongroises ne procèderaient pas à une expulsion tant que la décision des autorités rejetant la demande d’asile n’est pas devenue définitive ne suffit pas : « de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate » ne peuvent constituer une exécution valable des obligations découlant du droit de l’Union (§ 81).

En conclusion, la Cour juge que, n’ayant pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission c. Hongrie de 2020, la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, § 1, du TFUE.

Quant à la condamnation de la Hongrie au paiement d’une somme forfaitaire ainsi que d’une astreinte, la C.J.U.E. souligne l’importance des dispositions violées par la Hongrie (§ 104). Elle explique que l’article 6 de la directive 2013/32 est nécessaire pour assurer, en conformité avec le droit d’asile reconnu à l’article 18 de la Charte, la politique commune en matière d’asile (§ 105), puisque la violation de cette disposition fondamentale empêche systématiquement tout accès à la protection internationale, rendant impossible, en ce qui concerne l’État membre concerné, l’application de l’intégralité de cette politique, telle qu’établie à l’article 78 TFUE (§ 106). La Cour relève ainsi que le fait, pour un État membre, « d’éluder délibérément l’application d’une politique commune dans son ensemble constitue une violation inédite et exceptionnellement grave du droit de l’Union, qui représente une menace importante pour l’unité de ce droit » (§ 107). En particulier, citant la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et l’article 18 de la Charte, la Cour souligne qu’une telle violation porte une atteinte particulièrement grave tant à l’intérêt public qu’aux intérêts des ressortissants étrangers souhaitant demander la protection internationale (§ 108).

Quant à l’article 46, § 5, de la directive 2013/32, lequel énonce le droit de rester sur le territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice du droit à un recours effectif, la Cour explique qu’il est « indispensable pour assurer […] l’effectivité du principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, qui constitue un principe général du droit de l’Union découlant des traditions constitutionnelles communes aux États membres » consacré aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et affirmé à l’article 47 de la Charte (§ 109). Enfin, la Cour note qu’en permettant, sans respecter les garanties de la directive 2008/115, l’éloignement de tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire, un État membre méconnaît, en vertu de l’article 79, § 2, sous c), TFUE, une composante primordiale de la politique commune de l’immigration (§ 111).

Dès lors, la Cour constate que la Hongrie se soustrait, de manière délibérée et systématique, à l’application de la politique commune en matière de protection internationale dans son ensemble ainsi que des règles sur l’éloignement des ressortissants étrangers en séjour irrégulier, ce qui constitue une violation du droit de l’Union d’une gravité exceptionnelle (§ 113). Ce comportement, qui a pour effet de transférer aux autres États membres la responsabilité, y compris sur le plan financier, d’assurer l’accueil des demandeurs de protection internationale, le traitement de leurs demandes et le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, porte une atteinte extrêmement grave au principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres (voy. article 80 TFUE) (§§ 115-117). En outre, le comportement de la Hongrie démontre que cet État membre n’a pas agi conformément à son obligation de coopération loyale (§ 124).

En conclusion, la C.J.U.E. décide que les manquements de la Hongrie constituent une violation inédite et exceptionnellement grave du droit de l’Union et condamne cet État à payer une somme forfaitaire de 200 millions d’euros et d’une astreinte de 1 million d’euros par jour de retard (§§ 133, 142-143).

B. Éclairage

À quelques jours du début de la présidence tournante hongroise de l’Union européenne, la C.J.U.E. a ainsi condamné la Hongrie à payer une somme forfaitaire très importante et une astreinte d’un million d’euros par jour de retard pour ne pas s’être mise en conformité avec le droit de l’Union en matière d’asile. L’arrêt rendu par la C.J.U.E. en 2020, lequel a lui-même donné lieu à l’arrêt commenté de 2024, n’est pas le premier arrêt à l’encontre de la Hongrie au sujet de sa politique en matière d’asile.

Par exemple, dans son arrêt Commission c. Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C-715/17, C-718/17 et C-719/17), prononcé le 2 avril 2020, la C.J.U.E. a accueilli les recours en manquement introduits par la Commission contre ces trois États membres. La Cour a constaté que, en n’ayant pas indiqué à intervalles réguliers un nombre approprié de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement l’objet d’une relocalisation sur leur territoire et en n’ayant, par conséquent, pas mis en œuvre les obligations ultérieures de relocalisation leur incombant, ces États avaient manqué à leurs obligations découlant du droit de l’Union. La Cour a ainsi conclu à l’existence d’un manquement par la Hongrie à une décision que le Conseil avait adoptée en vue de la relocalisation à partir de la Grèce et de l’Italie, sur une base obligatoire, de 120 000 demandeurs de protection internationale vers les autres États membres de l’Union.

En novembre 2021, dans l’affaire C-821/19, la C.J.U.E. avait condamné l’incrimination, par le droit hongrois, des associations d’aide aux migrants. La Cour avait décidé que la Hongrie avait violé les directives 2013/32 et 2013/33 en réprimant le comportement de toute personne qui fournit une aide à la présentation ou à l’introduction d’une demande d’asile sur son territoire, alors que cette personne savait que cette demande de protection ne pouvait être accueillie, en vertu de ce droit.

En juin 2023, dans l’affaire C-823/21, la C.J.U.E. a établi que la Hongrie avait manqué à ses obligations en vertu de la directive 2013/32 et de l’article 18 de la Charte, en subordonnant la possibilité de présenter une demande de protection internationale au dépôt d’une déclaration d’indépendance préalable auprès d’une ambassade située dans un État tiers. La Cour a conclu que cette procédure préalable était manifestement disproportionnée au regard du droit de demander la protection internationale et qu’elle ne remplissait pas son objectif de lutte contre la propagation de la COVID-19. En outre, le droit de l’UE ne permet pas à des personnes déjà présentes sur le territoire de l’Union d’en sortir dans le but d’enregistrer une demande de protection.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « Cour européenne ») a aussi condamné à plusieurs reprises la Hongrie pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après « CEDH ») dans le cadre de sa politique d’asile et d’immigration. Dans l’affaire Ilias et Ahmed c. Hongrie par exemple, tandis que la Cour européenne n’avait pas considéré que les zones de transit constituaient une violation de l’article 5 de la CEDH, elle avait toutefois estimé que le mauvais examen des demandes d’asile des requérants se trouvant dans ces zones était constitutif d’une violation de l’article 3 de la CEDH. Dans une affaire ultérieure, celle de R.R. et autres c. Hongrie, la Cour avait néanmoins décidé que le placement dans le centre de transit du requérant constituait une mesure de privation de liberté contraire à l’article 5 de la CEDH. Dans d’autres affaires (Shahzad c. Hongrie et H.K. c. Hongrie), la Cour européenne a aussi jugé que les retours forcés de demandeurs de protection internationale ayant accédé au territoire hongrois de manière irrégulière étaient constitutifs d’une violation de l’interdiction des expulsions collectives, énoncée à l’article 4 du protocole n° 4 à la Convention. Et, enfin, dans l’affaire Alhowais, la Cour européenne a également jugé que la Hongrie avait violé les articles 2 et 3 de la CEDH dans le cadre de refoulements à la frontière entre la Serbie et la Hongrie.

C’est par contre la première fois que la Hongrie fait l’objet d’une procédure engagée sur le fondement de l’article 260 TFUE. En condamnant la Hongrie au paiement d’une très importante somme d’argent et en insistant sur le caractère « inédit » et « exceptionnellement grave » de ses manquements au droit de l’Union, la C.J.U.E. ne cède pas et continue de protéger le droit de demander la protection internationale au sein de l’Union européenne ou à ses frontières. L’insistance, par la Cour, à travers de nombreux paragraphes de l’arrêt commenté, sur l’importance des dispositions en cause et sur l’atteinte particulièrement grave tant à l’intérêt public et aux valeurs sur lesquelles est fondée l’Union qu’aux intérêts des demandeurs de protection internationale est ici à saluer. La Cour, notamment, explique que « le fait d’éviter systématiquement la présentation de demandes de protection internationale prive de l’essentiel de ses effets, en ce qui concerne l’État membre concerné, la convention relative au statut des réfugiés […] à laquelle tous les États membres sont parties et qui constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés […]. En outre, l’impossibilité, pour les ressortissants de pays tiers ou les apatrides, de présenter une demande de protection internationale à la frontière hongroise prive ces personnes de la jouissance effective de leur droit, tel qu’il est garanti à l’article 18 de la Charte, de solliciter l’asile auprès de la Hongrie » (§ 108).

Alors qu’en 2015 la Hongrie est devenue le second pays de demandes de protection internationale au sein de l’Union européenne, derrière l’Allemagne (passant de 2155 en 2012, à 177 135 en 2015), les politiques de Budapest se sont vite montrées très restrictives quant au droit des ressortissants étrangers de demander le bénéfice de la protection internationale. Cela se traduit pratiquement, par exemple, par l’édification de murs barbelés et électrifiés aux frontières, l’ouverture de « camps de transit » ou l’adoption de règles de droit interne très restrictives. Les chiffres relatifs aux demandes de protection internationale introduites sur le territoire hongrois parlent d’eux-mêmes : 30 000 en 2016, 3 400 en 2017, quelques centaines en 2018 et 2019, 150 en 2020, et seulement une quarantaine en 2021 et en 2022, et moins de 30 en 2023. En d’autres termes, il est quasiment devenu impossible de demander le bénéfice de la protection internationale en Hongrie (voy. cet article du Hungarian Helsinki Committee).

De son côté, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a réagi – sans trop de surprise – de façon très négative à cet arrêt en manquement de la C.J.U.E. et à la condamnation de la Hongrie. Sur son compte X, il a effectivement annoncé que « the ECJ’s decision to fine Hungary with 200M euros plus 1m euros daily(!!!) for defending the borders of the European Union is outrageous and unacceptable. It seems that illegal migrants are more important to Brussels Bureaucrats than their own European citizens. » Il semblerait donc excessivement (et malheureusement) surprenant que la Hongrie adapte sa politique d’asile et d’immigration, en se conformant aux décisions de la C.J.U.E.…

C. Pour aller plus loin

Lire l’arrêt : C.J.U.E., 13 juin 2024, Commission c. Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C-123/22, EU:C:2024:492.

Jurisprudence :

Doctrine :  

 

Pour citer cette note : E. Delval, « La Hongrie viole de manière inédite et exceptionnellement grave le droit de l’Union, en éludant délibérément l’application de la politique commune en matière d’asile et d’immigration », Cahiers de l’EDEM, juin 2024.

Publié le 25 juillet 2024