Le régime belge de la régularisation médicale face au juge de l’Union européenne.
La Cour de Justice de l’U.E. se prononce sur plusieurs aspects du régime belge de la régularisation médicale. Elle affirme que la régularisation médicale ne relève pas du champ d’application de l’acquis européen sur l’asile. Néanmoins, elle trouve que la directive retour est d’application. La Cour conclut que les dispositions de cette dernière, lues ensemble avec la Charte, s’opposent à une procédure nationale qui instaure un recours non-suspensif et ne prévoit pas la prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base des requérantes pendant l’examen de ce recours.
Art. 3 CEDH – Art. 1er à 4, 19, paragraphe 2, 20, 21 et 47 CDFUE – Art. 10, 11, 191 Const. – Art. 3 Directive 2003/9/CE – Cons. 5, 6, 9, 10, 24 et 26, Art. 2, e), et f), 15, 18, 28 et 29 Directive 2004/83/CE – Cons. 2 et 12, Art. 3, 4, 5, 9,12, 13, 14 Directive 2008/115/CE – Art. 9ter, 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 – Art. 4 de la loi du 27 février 1987 – Séjour pour raison médicale – Personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Recours juridictionnel avec effet suspensif – Besoins de base.
A. Arrêt
1. Affaire M’Bodj
Les faits à l’origine de la première affaire, l’affaire M’Bodj, peuvent être résumés comme suit : une personne de nationalité mauritanienne qui a obtenu une autorisation de séjour sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980, sollicitait le bénéfice des allocations octroyées aux personnes handicapées[1]. Vu que la loi nationale exclut cette catégorie des personnes du bénéfice des allocations aux personnes handicapées, tout en accordant le même bénéfice aux réfugiés, le requérant a fait valoir que ces dispositions créaient une discrimination.
La Cour constitutionnelle a posé deux questions à la C.J.U.E. La première vise à clarifier si les personnes qui sont autorisées à séjourner en Belgique en vertu de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 relèvent du champ d’application de l’article 15, b, de la directive qualification et, partant, s’ils sont bénéficiaires de la protection internationale. Par sa deuxième question, la Cour se focalise sur le degré de différenciation permis par la directive entre les bénéficiaires de la protection subsidiaire concernant le niveau de la protection sociale et les soins de santé, en particulier les personnes vulnérables à cause d’un handicap, et les réfugiés. Plus spécifiquement, la Cour demande si les obligations qui découlent des articles 20, § 3, 28, § 2 et 29, § 2, impliquent que les allocations prévues par la loi du 27 février 1987 doivent être accordées aux personnes handicapées qui résident en Belgique sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980.
La Cour de justice constate que la Belgique ne serait tenue de faire bénéficier des prestations que visent les articles 28 et 29 de la directive 2004/83/EC du Conseil (ci-après la « directive qualification ») aux ressortissants de pays tiers autorisés à séjourner en Belgique au titre de la législation nationale que si leur autorisation de séjour devait être considérée comme emportant l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire[2]. Partant, la Cour rappelle que les trois types d’atteintes graves définies à l’article 15 de la directive qualification constituent les conditions à remplir pour qu’une personne puisse être considérée comme susceptible de bénéficier de la protection subsidiaire, lorsque, conformément à l’article 2, sous e), de cette directive, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur court un risque réel de subir de telles atteintes en cas de renvoi dans le pays d’origine concerné[3].
La Cour observe que les risques de détérioration de l’état de santé d’un ressortissant de pays tiers ne résultant pas d’une privation de soins infligée intentionnellement à ce ressortissant ne sont pas couverts par l’article 15, sous a) et c), de la directive qualification. Ensuite, elle examine s’ils sont couverts par l’article 15, sous b) qui définit l’atteinte grave comme étant « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine ». La Cour souligne qu’il résulte clairement de cette disposition qu’elle ne s’applique qu’aux traitements inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine[4]. Elle note également que les atteintes graves ne peuvent pas résulter simplement des insuffisances générales du système de santé du pays d’origine[5].
La Cour examine par la suite le considérant 26 de la directive qui précise que les risques auxquels la population d’un pays ou une partie de cette population est généralement exposée ne constituent normalement pas en eux-mêmes des menaces individuelles qualifiables d’atteintes graves[6]. Elle note également que son champ d’application ne s’étend pas aux personnes autorisées à séjourner sur le territoire des États membres pour d’autres raisons, c’est-à-dire à titre discrétionnaire et par bienveillance ou pour des raisons humanitaires[7]. Finalement, la Cour avance que le fait qu’un ressortissant de pays tiers atteint d’une maladie grave ne puisse pas,[8] dans des cas très exceptionnels, être éloigné vers un pays dans lequel les traitements adéquats n’existent pas, n’implique pas qu’il doive être autorisé à séjourner dans un État membre au titre de la protection subsidiaire en vertu de la directive qualification[9].
La Cour conclut que l’article 15, sous b), de la directive qualification, doit être interprété en ce sens que l’ « atteinte grave » ne couvre pas une situation dans laquelle des traitements inhumains ou dégradants, qu’un demandeur atteint d’une maladie grave pourrait subir en cas de retour dans son pays d’origine, sont le résultat de l’inexistence de traitements adéquats dans ce pays, sauf si la privation de soins était infligée intentionnellement à ce demandeur[10].
2. Affaire Abdida
La deuxième série de questions préjudicielles résulte d’une affaire portée devant la Cour du travail de Bruxelles[11]. Les faits à l’origine de cet arrêt peuvent être résumés comme suit : une personne de nationalité nigérienne introduit une demande d’autorisation de séjour sur base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Cette demande étant déclarée recevable, le requérant bénéficie de l’aide sociale. Après le rejet de sa demande, le requérant reçoit un ordre de quitter le territoire. Il introduit devant le C.C.E. un recours contre la décision de refus de séjour. Puisque ce recours n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de l’OQT, le CPAS prend une décision de retrait de l’aide sociale et refuse l’aide médicale urgente. Quelques jours après, le CPAS revoit sa décision : il accorde l’aide médicale urgente, mais fixe la suppression de l’aide sociale. Le requérant introduit un recours auprès du Tribunal de travail de Nivelles qui est déclaré recevable et fondé, condamnant le CPAS à verser une aide sociale. Le CPAS fait appel devant la Cour de travail et demande la reformation du jugement.
La Cour du travail pose alors deux questions préjudicielles à la Cour de justice. La première vise à clarifier si la situation des étrangers qui font une demande de régularisation sur la base de l’article 9ter relève du champ de l’application des directives qualification, 2005/85/CE (ci-après la « directive procédures ») et 2003/9/CE (ci-après la « directive accueil ») et, en particulier, s’ils doivent avoir accès à un recours suspensif et à des conditions d’accueil ou d’aide sociale pendant l’examen de ce recours. Dans la négative, la Cour s’interroge si la Charte des droits fondamentaux, en particulier ses articles 1 à 3, 4, 19, paragraphe 2, et/ou son article 47, font l’obligation dans l’État membre qui transpose les directives précitées de prévoir un recours suspensif et la prise en charge des besoins élémentaires du demandeur de ce statut.
La Cour commence son raisonnement en constatant que, suivant ses conclusions dans l’affaire M’Bodj analysées ci-dessus, les demandes formées sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 ne constituent pas des demandes de protection internationale[12]. Elle observe donc que les directives qualification et procédures ne s’y appliquent pas. Ensuite, elle souligne que les États membres peuvent décider d’appliquer la directive accueil également aux demandes d’autres formes de protection, mais que la Belgique n’a pas utilisé cette possibilité. La Cour conclut que la totalité de l’acquis européen d’asile ne s’applique pas dans ce type de demandes de protection.
Selon une jurisprudence constante, la C.J.U.E. peut fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions[13]. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige[14].
En espèce, la Cour observe que la décision contre laquelle un recours est pendant au niveau national, qui constitue un acte administratif déclarant illégal le séjour d’un ressortissant de pays tiers et énonçant une obligation de retour, n’est autre qu’une « décision de retour ». Partant, elle examine la compatibilité de la législation nationale avec la directive 2008/115 (ci-après la « directive retour »). La législation en question ne confère pas un effet suspensif au recours exercé contre une telle décision et ne prévoit pas la prise en charge des besoins de base du ressortissant de pays tiers jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours.
La Cour remarque que la directive retour prévoit qu’un ressortissant de pays tiers doit disposer d’une voie de recours effective pour attaquer une décision de retour prise à son encontre[15]. Or, elle n’impose pas que le recours ait nécessairement un effet suspensif[16]. Néanmoins, la Cour procède à une analyse des caractéristiques d’un tel recours, à la lumière de l’article 47 de la Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective, ainsi que de l’article 19, paragraphe 2, de la Charte, qui établit le principe de non-refoulement. Dans ce contexte, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après Cour eur. D.H.) doit également être prise en compte[17]. En analysant sa propre jurisprudence ainsi que la jurisprudence de la Cour eur. D.H., la C.J.U.E. conclut qu’une législation nationale qui ne prévoit pas de recours avec effet suspensif ne remplit pas les exigences des articles 47 et 19, paragraphe 2, de la Charte[18].
En second lieu, la Cour analyse les obligations des États vis-à-vis des ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement en ce qui concerne la prise en charge de leurs besoins de base[19]. La Cour note que, même si ces besoins de base devraient être définis conformément à la législation nationale, il n’en demeure pas moins que cette législation doit être compatible avec les obligations résultant de cette directive[20]. En procédant à une interprétation téléologique de la directive retour, elle conclut que la situation présente relève l’application de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive. Il en découle que les États membres sont tenus de suspendre l’exécution de la décision de retour pendant l’examen du recours et d’offrir les garanties dans l’attente du retour instituées à l’article 14 de la directive[21].
Pour ce qui concerne, plus spécifiquement, l’obligation d’assurance des soins médicaux d’urgence et du traitement indispensable des maladies[22], la Cour précise qu’elle implique une prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base du ressortissant de pays tiers atteint d’une maladie grave, lorsque celui-ci est dépourvu des moyens de pourvoir lui-même à ses besoins[23]. Selon la Cour, une autre interprétation aurait privé cette garantie d’effet réel. Cependant, il appartient aux États membres de déterminer la forme que doit revêtir cette prise en charge des besoins de base.
B. Éclairage
1. Développements jurisprudentiels précédents
Avant les arrêts commentés de la Cour de justice, la question de savoir si les demandeurs d’une autorisation de séjour médical sur la base l’article 9ter, alinéa 1, de la loi du 15 décembre 1980[24] étaient des demandeurs de la protection subsidiaire et, sur cette base, relèveraient du champ d’application personnel de la loi accueil restait ouverte[25]. La volonté du législateur national était que cette catégorie de demandeurs ne soit pas considérée comme demandeurs d’asile[26]. Par contre, le législateur belge, prenant en compte le fait que l’évaluation de la situation médicale d’un étranger nécessite des compétences particulières, soulignant que la différence de traitement repose sur le critère objectif du fondement de la demande et invoquant des raisons budgétaires, a opté pour la mise en œuvre d’une procédure légale spécifique et distincte de la procédure d’asile, afin d’évaluer les demandes de protection subsidiaire pour raison médicale[27]. Il mérite d’être souligné que, contrairement au régime mis en œuvre pour l’examen de la protection subsidiaire, ces demandes sont traitées, au stade de la recevabilité et du fond, par l’O.E. En outre, la décision refusant l’autorisation de séjour au fond ou au stade de la recevabilité, ou la retirant, est susceptible d’un recours en annulation et en suspension devant le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après C.C.E.) qui porte uniquement sur la légalité de la décision.
La différenciation entre les procédures d’examen et les droits qui étaient associés à ces deux statuts a fait l’objet de contestation juridique. Par un arrêt du 26 juin 2008[28], la Cour constitutionnelle a jugé que ce choix du législateur n’était pas contraire, en soi, aux articles 10 et 11 de la Constitution, c’est-à-dire que la différence de traitement n’était pas dépourvue de justification raisonnable. Dans un arrêt de mars 2013[29], la Cour Constitutionnelle s’est prononcée sur la compatibilité de l’article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution lus en combinaison avec les articles 3 et 13 CEDH. La Cour a énoncé que, suite au refus de leur demande et en raison du caractère illégal de leur séjour, il convenait de restreindre à l’aide médicale urgente l’aide sociale octroyée aux demandeurs de la protection subsidiaire sur la base de l’article 9ter pendant l’examen de leur recours auprès du C.C.E.[30]. La seule exception que la Cour a admise à cette interprétation pour cette catégorie de demandeurs est la suivante : « pour éviter que la limitation de l’aide sociale à l’aide médicale urgente n’entraîne pour des personnes qui souffrent d’une maladie grave un risque réel pour leur vie ou leur intégrité physique, elles peuvent recevoir les soins médicaux, tant préventifs que curatifs, nécessaires à écarter un tel risque »[31]. Sous réserve de ladite qualification, la différence de traitement est, selon la Cour, raisonnablement justifiée.
Par ces deux arrêts, la Cour constitutionnelle a validé les choix du législateur national en jugeant que la différence de traitement entre les deux catégories n’est pas dépourvue de justification raisonnable, précisant que cette différenciation et les conséquences qui en découlent ne portent pas atteinte de manière disproportionnée au droit à un recours effectif.
En octobre 2014, le Conseil d’État, se référant aux conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M’Bodj[32], a jugé qu’ « il convient, dans l’état actuel des choses, d’interpréter l’article 9ter par seule référence au droit interne, de manière autonome[33] ». Partant, le Conseil d’Etat, en interprétant la loi nationale, a noté que le législateur belge n’aurait pas voulu que l’autorisation de séjour prévue à l’article 9ter s’apparente à un simple « permis de mourir » sur le territoire belge[34]. Il en déduit que même si la maladie invoquée doit avoir atteint un seuil minimum de gravité pour entrer dans les prévisions de l’article 9ter, le champ d’application de cet article ne se confond pas avec celui de l’article 3 CEDH[35].
2. Quelle suite aux affaires M’Bodj et Abdida ?
Par ces deux arrêts, la Cour de justice rejette clairement la thèse selon laquelle la régularisation médicale relève du champ d’application de l’acquis européen sur l’asile. Elle considère toutefois que la directive retour est d’application. Elle avance une interprétation téléologique de celle-ci, basée sur sa finalité et prenant en compte le contenu des droits fondamentaux qui sont instaurés par la Charte. La Cour conclut que la directive retour entraîne les obligations suivantes : un recours suspensif et une prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base pendant l’examen de ce recours. Ces conclusions de la Cour appellent des modifications au régime national actuel.
Notamment, un recours en annulation et en suspension, qui n’est pas, malgré son nom, suspensif de plein droit, ne semble pas remplir les exigences posées par la Cour de justice. En ce qui concerne la prise en charge des besoins du requérant, en l’état actuel, la loi nationale prévoit seulement l’accès à l’aide médicale urgente. La Cour constitutionnelle a quelque peu nuancé cette limitation en ajoutant que ces personnes peuvent recevoir les soins médicaux, tant préventifs que curatifs, nécessaires pour à écarter un risque réel pour leur vie ou leur intégrité physique[36]. Cependant, même cette précision ne remplit pas l’obligation d’une prise en charge, dans la mesure du possible, des besoins de base du requérant. Selon la Cour, cette prise en charge va plus loin et ne se limite pas à l’aide médicale[37]. Même si la Cour n’explicite pas quels éléments font partie de ces « besoins de base », elle ne peut que faire référence à des éléments tels que le logement et la nourriture. La Cour rappelle qu’il incombe aux États de déterminer la forme que doit revêtir cette prise en charge des besoins de base. En pratique, le législateur belge peut décider que les demandeurs d’une régularisation médicale, soit bénéficieront des allocations financières, soit auront accès aux réseaux nationaux d’accueil.
La jurisprudence récente du Comité européen des droits sociaux (CEDS) reflète ces arguments. Dans deux décisions rendues publiques au mois de novembre 2014, il admet l’applicabilité de la Charte aux étrangers en situation irrégulière fondée sur la dignité de la personne humaine en avançant une compréhension contra legem du traité[38]. Il reconnaît donc un droit d’assistance aux personnes concernées en vue de répondre à des besoins urgents et importants qui comprend « hébergement, nourriture, soins médicaux d'urgence et vêtements »[39].
La jurisprudence de la Cour eur. D.H. est également importante. Dans l’arrêt Budina, la Cour a souligné qu’elle n’a pas exclu « la possibilité que la responsabilité de l’État soit engagée [sous l’angle de l’article 3] par un traitement dans le cadre duquel un requérant totalement dépendant de l’aide publique serait confronté à l’indifférence des autorités alors qu’il se trouverait dans une situation de privation ou de manque à ce point grave qu’elle serait incompatible avec la dignité humaine »[40]. Dans une autre série d’arrêts, la même Cour a reconnu que le seuil de gravité de l’article 3 est atteint quand le demandeur se trouve face à une impossibilité de subvenir à ses besoins fondamentaux[41]. Elle a mis l’accent sur le fait que l’obligation de fournir un logement et des conditions matérielles décentes aux demandeurs d’asile démunis faisait partie du droit positif et pesait sur les autorités grecques et italiennes en vertu des termes mêmes de la législation nationale qui transposait le droit de l’Union européenne, à savoir la directive accueil[42]. Vu que le raisonnement de la Cour de justice est basé sur la directive retour, il est n’est pas exclu qu’une autre jurisprudence, qui concernerait cette fois les personnes se trouvant dans le cadre d’une procédure de retour, se développe au sein de la Cour eur. D.H.
L.T.
C. Pour en savoir plus
Pour consulter les arrêts : C.J.U.E., 18 décembre 2014, Mohamed M’Bodj c. État belge, C-542/13 et C.J.U.E., 18 décembre 2014, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve c. Moussa Abdida, C‑562/13.
Jurisprudence
Cour eur. D.H., M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, req. n° 30696/09.
Cour eur. D.H. Tarakhel c. Suisse, 4 novembre 2014, req. n° 29217/12.
C.C., 26 septembre 2013, n° 124/2013.
C.C., 21 mars 2013, n° 43/2013.
C.E., arrêt n° 228.778 du 16 octobre 2014.
Doctrine
S. Saroléa (dir.), L. Tsourdi, La réception du droit européen de l’asile en droit belge : la directive accueil, Louvain-la-Neuve, 2014.
S. Sarolea, (dir.), L. Tsourdi, La mise en œuvre de la directive accueil en droit Belge : regards croisés : Note d’analyse, Louvain la Neuve, novembre 2013.
L. Tsourdi, « Personnes qui sont autorisés à séjourner en Belgique pour raison médicale en vertu du 9ter, régime de protection subsidiaire et allocations aux personnes handicapées : deux questions préjudicielles posées à la Cour de justice », Newsletter EDEM, octobre 2013.
C. Nivard, « Précisions sur les droits de la Charte sociale européenne bénéficiant aux étrangers en situation irrégulière », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, 27 novembre 2014.
Pour citer cette note : L. TSOURDI, « Le régime belge de la régularisation médicale face au juge de l’Union européenne », Newsletter EDEM, novembre-décembre 2014.
[1] C.C., 26 septembre 2013, n° 124/2013. Voy. également L. TSOURDI, « Personnes qui sont autorisés à séjourner en Belgique pour raison médicale en vertu du 9ter, régime de protection subsidiaire et allocations aux personnes handicapées : deux questions préjudicielles posées à la Cour de justice », Newsletter EDEM, octobre 2013.
[2] C.J.U.E., 18 décembre 2014, Mohamed M'Bodj c. État belge, C-542/13, pt 28.
[3] Ibid., para 30 ; voy. également C.J.U.E., 17 février 2009, Elgafaji, C-465/07, pt 31, ainsi que C.J.U.E., 30 janvier 2014, Diakité, C-285/12, pt 18.
[4] C.J.U.E., M’Bodj, précité, pt 33.
[5] Ibid., pt 35.
[6] Ibid., pt 36.
[7] Faisant référence aux considérants 5, 6, 9 et 24 de la directive qualification.
[8] La Cour fait ici référence à l’article 3 CEDH tel qu’interprété par la Cour eur. D.H.
[9] Ibid, point 40, faisant référence à l’arrêt Cour. eur. D. H., N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, § 42
[10] Ibid, point 41.
[11] Cour Trav. Brux., 8e ch., 25 octobre 2013, R.G. n° 2011/AB/932 ; voy. également S. Sarolea, (dir.), L. TSOURDI, La mise en œuvre de la directive accueil en droit Belge : regards croisés : Note d’analyse, Louvain la Neuve, novembre 2013.
[12] C.J.U.E., 18 décembre 2014, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve c. Moussa Abdida, C-562/13, pt 37.
[13] Ibid., pt 37.
[14] Ibid. ; voy. également en ce sens C.J.U.E., 14 octobre 2010, Fuß, C-243/09, points 39 et 40, ainsi que C.J.U.E., Hadj Ahmed, 13 juin 2013, C-45/12, pt 42.
[15] C.J.U.E., Abdida, précité, pt 43.
[16] Ibid., point 44, faisant référence à l’article 13, paragraphe 2 de la directive retour.
[18] La Cour fait en particulier référence aux arrêts Cour eur. D.H., Gebremedhin c. France du 26 avril 2007, § 67, ainsi que Hirsi Jamaa et autres c. Italie du 23 février 2012, § 200 ainsi qu’aux arrêts C.J.U.E., 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, pt 37 ; 27 juin 2013, Agrokonsulting-04, C-93/12, pt 59 ; et 19 juin 2012, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C-334/12, pt 42.
[19] La directive retour offre une série des garanties aux ressortissants de pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de retour dans l’attente du retour ; voy. articles 12, 13, 14, directive retour.
[20] C.J.U.E., Abdida, précité, pt 54.
[21] À savoir : l’unité familiale avec les membres de la famille présents sur le territoire; les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies; l’accès des mineurs au système éducatif de base en fonction de la durée de leur séjour; les besoins particuliers des personnes vulnérables.
[22] Voy. article 14, paragraphe 1(b), directive retour.
[23] C.J.U.E., Abdida, précité, pt 60.
[24] Pour rappel cette disposition prévoit que « [L]’étranger qui séjourne en Belgique qui démontre son identité conformément au § 2 et qui souffre d’une maladie telle qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne, peut demander l’autorisation de séjourner dans le Royaume auprès du ministre ou son délégué ». Par ailleurs cette même loi stipule dans son article 48/4 que « § 1er. Le statut de protection subsidiaire est accordé à l'étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l'article 9ter, et à l'égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s'il était renvoyé dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n'est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu'il ne soit pas concerné par les clauses d'exclusion visées à l'article 55/4. § 2. Sont considérées comme atteintes graves : a) la peine de mort ou l'exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d'origine ; ou c) les menaces graves contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
[25] Voy. S. Saroléa (dir.), L. Tsourdi, La réception du droit européen de l’asile en droit belge : la directive accueil, Louvain-la-Neuve, 2014, pp. 27-33.
[26] Voy. Chambre des représentants, Projet de loi sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers, Exposé des motifs, doc. 51 2565/001, p. 9.
[27] Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 187-190.
[28] C.C., 26 juin 2008, n° 95/2008.
[29] C.C., 21 mars 2013, n° 43/2013.
[30] Ibid, B.12.
[31] Ibid, B.13.
[32] Conclusions de l’avocat général Bot, Affaire C-542/13. La Cour a largement suivi le raisonnement de l’avocat général dans son arrêt.
[34] Ibid.
[35] Ibid.
[36] C.C., 21 mars 2013, n° 43/2013, B.13.
[37] Voy. C.J.U.E., Abdida, précité, pt 60, où la Cour précise que « l’assurance des soins médicaux d’urgence et du traitement indispensable des maladies, prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/115, pourrait être, dans une telle situation, privée d’effet réel si elle n’était pas accompagnée d’une prise en charge des besoins de base du ressortissant concerné de pays tiers » ; nous soulignons.
[38] Voy. CEDS, Conférence des Eglises européennes (CEC) c. Pays-Bas, n° 90/2013, 1er juillet 2014 et CEDS, Fédération européenne des Associations nationales travaillant avec les Sans-abri (FEANTSA) c. Pays Bas, n° 86/2012, 2 juillet 2014 ainsi que l’excellente analyse de Carole Nivard, « Précisions sur les droits de la Charte sociale européenne bénéficiant aux étrangers en situation irrégulière », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 27 novembre 2014.
[39] FEANTSA c. Pays-Bas, précitée, § 171 et CEC c. Pays-Bas, précitée, § 105.
[40]Cour eur. D.H., Budina c. Russie, 18 juin 2009, req. n° 45603/05 (inadmissible).
[41] Cour eur. D.H., M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, req. n° 30696/09, § 263 ; voy. également Cour eur. D.H., Tarakhel c. Suisse, 4 novembre 2014, req. n° 29217/12 ainsi que l’analyse de cet arrêt par E. Neraudau dans cette newsletter de l’EDEM.
[42] Cour eur. D.H., M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 250 et Cour eur. D.H., Tarakhel c. Suisse, précité, § 96. Voy. également, L. Tsourdi, « Reception conditions for asylum seekers in the EU : towards the prevalence of human dignity », Journal of Immigration, Asylum and Nationality Law (à paraitre mars 2015).