C.J.U.E., 17 novembre 2022, X c. Belgische Staat, C-230/21, EU:C:2022:887

Louvain-La-Neuve

Le droit au regroupement familial de MENA, victimes de mariage précoce, avec leurs parents

MENA – Droit au regroupement familial des ascendants – Directive 2003/86/CE – Art. 4, § 1er – Art. 10, § 5 – Enfant mineur marié – Mariage d’enfant non reconnu dans cet État membre – Art. 7 et 24, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Intérêt supérieur de l’enfant – Égalité de traitement – Protection renforcée de l’enfant réfugié.

La Cour de justice de l’Union européenne juge qu’une MENA a droit au regroupement familial avec ses ascendants, même si celle-ci est mariée. Elle souligne la vulnérabilité de cette dernière en raison d’un mariage précoce. Elle rappelle que l’état civil des MENA n’est pas spécifié dans la directive relative au regroupement familial. Cette interprétation permet de favoriser la protection de leurs droits, afin de garantir le regroupement familial avec leurs ascendants directs. S’il en était autrement, la MENA ne pourrait se faire rejoindre par ses parents, ni par son conjoint, son mariage n’étant pas reconnu selon la loi de l’État membre. La Cour procède à une interprétation téléologique mais aussi littérale de la directive relative au regroupement familial et fonde son raisonnement sur la nécessaire protection de l’enfant réfugié et l’égalité de traitement entre MENA.

Christine Flamand

A. Arrêt

1. Faits

Une jeune fille palestinienne, née en 2001, épouse YB en 2016, au Liban. Ce dernier dispose d’un droit de séjour en Belgique. À son arrivée en Belgique, le 28 août 2017, la jeune fille est considérée comme mineure étrangère non accompagnée (ci-après, « MENA ») et le Service des tutelles lui désigne une tutrice. Elle introduit une demande de regroupement familial avec son mari, regroupant ressortissant de pays tiers. Le 20 septembre, l’Office des étrangers (ci-après, « O.E. ») indique que l’acte de mariage libanais n’est pas valable et contraire à l’ordre public, en vertu du Code de droit international privé belge (ci-après, « Codip »). Elle introduit, sur les conseils de la tutrice, une demande de protection internationale en septembre 2017. Elle est reconnue comme réfugiée en septembre 2018. En août 2019, elle donne naissance à une fille.

Deux mois plus tard, la mère de cette jeune fille, X (la requérante au principal), de nationalité palestinienne, sollicite auprès de la représentation belge à Beyrouth (Liban) une demande de visa de regroupement familial, en vue de rejoindre sa fille. À cette même date, elle introduit également des demandes de visas humanitaires pour ses fils mineurs, Y et Z.

Les demandes de visas sont rejetées par l’O.E. au motif que la fille de X est mariée valablement au Liban et que, dès lors, elle ne fait plus partie de la famille nucléaire de ses parents.

X introduit un recours contre cette décision en invoquant que ni la loi belge ni la directive relative au regroupement familial (2003/86) n’exigent qu’une MENA reconnue comme réfugiée soit célibataire pour bénéficier du droit au regroupement familial avec ses parents. Ce mariage n’étant en outre pas reconnu par les autorités belges, il ne produit pas d’effets juridiques en Belgique. Par conséquent, elle remplit les conditions de la loi : être mineure et non accompagnée au moment d’introduire sa demande de regroupement familial.

Le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après, « C.C.E. »), statuant pour la seconde fois en annulation dans ce dossier, souhaite des éclaircissements de la Cour de justice de l’Union européenne et lui pose des questions préjudicielles. Une première concerne la question de l’interprétation du réfugié « mineur non accompagné » au sens de la directive 2003/86. En d’autres termes, une réfugiée mineure mariée peut-elle bénéficier du même droit qu’une mineure non accompagnée qui ne l’est pas ? Dans l’affirmative, la seconde question évoque l’interprétation de la notion de mineur non accompagné pour une personne mineure dont le mariage n’est pas reconnu pour des motifs d’ordre public, pour pouvoir bénéficier du regroupement familial.

2. Raisonnement et décision de la Cour

La Cour de justice se prononce essentiellement sur la première question préjudicielle et évoque brièvement la seconde.

La première question préjudicielle concerne l’interprétation de l’article 10, 3, a), de la directive 2003/86, conjointement à l’article 2, f). Cet article désigne les membres de la famille autorisés à rejoindre un regroupant. La Cour rappelle que pour interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de procéder à une interprétation téléologique des termes en tenant compte du contexte de la disposition ainsi que de l’objectif poursuivi par la directive, qui est de favoriser le regroupement familial, de lui donner un effet utile, ainsi que de garantir une protection accrue aux réfugiés ayant la qualité de mineurs non accompagnés. Elle ajoute que le droit au regroupement familial avec les ascendants directs du MENA réfugié n’est sujet à aucune marge d’appréciation de la part des États membres, ni aux conditions matérielles prévues pour les autres regroupants (§ 37 de l’arrêt).

La Cour se réfère aux conclusions de l’avocat général qui indique que le silence du législateur s’agissant de la situation matrimoniale des MENA eux-mêmes regroupants traduit sa volonté de ne pas les soumettre à cette condition (§§ 30 et 36 des conclusions). Si le législateur avait voulu signifier qu’un MENA devait être non marié, il l’aurait indiqué spécifiquement. Or, il y a bien une condition d’âge minimal pour que le regroupant puisse rejoindre son conjoint (article 4, § 5, directive 2003/86) mais celui-ci n’est pas indiqué concernant le MENA. La Cour avalise le raisonnement de l’avocat général (§ 35).

En outre, le juge rappelle que seules deux conditions sont requises pour que le MENA puisse faire venir ses parents : être mineur et être non accompagné. Il n’y a pas de condition liée à l’état civil du mineur.

La Cour ajoute qu’une interprétation qui refuserait le regroupement familial au regroupant MENA marié le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité puisqu’il se trouverait, en l’absence du conjoint (en cas de non-reconnaissance du mariage) ou de ses ascendants, privé de tout réseau familial dans l’État membre où il se trouve. Dans ce contexte, comme le souligne l’avocat général, une interprétation qui restreindrait le bénéfice du regroupement familial avec ses ascendants directs aux seuls réfugiés mineurs non mariés irait à l’encontre de cet objectif de protection particulière (§ 46 des conclusions). De plus, la vulnérabilité de ce mineur n’est pas atténuée du fait de ce mariage précoce, que du contraire. S’agissant particulièrement d’une fille, le fait d’être mariée peut indiquer une exposition à la forme grave de violences que sont les mariages d’enfants et les mariages forcés (§ 45 de l’arrêt).

Par ailleurs, la Cour souligne que l’état civil d’un réfugié mineur peut être difficile à établir, notamment parce que les administrations locales ne sont pas en mesure de délivrer des documents authentiques ou suffisamment fiables. En admettant que le regroupement familial est aussi possible pour le MENA marié dont l’état civil est difficile à démontrer, une égalité de traitement et de sécurité juridique est assurée à tous les MENA, dès lors que le droit au regroupement familial ne dépend pas des capacités administratives du pays d’origine de la personne concernée (§ 46).

Enfin, la Cour rappelle l’obligation des États membres d’interpréter leur droit national d’une manière conforme au droit de l’Union, en ce compris les droits fondamentaux protégés par la Charte européenne des droits fondamentaux, tels que l’article 7 (protection de la vie privée) en combinaison avec l’article 24 (intérêt de l’enfant), qui insistent sur la nécessité pour un enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents. La directive quant à elle stipule l’obligation de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (article 5) et de procéder à un examen individualisé des demandes de regroupement familial (article 17).

La Cour conclut qu’un réfugié mineur non accompagné qui réside dans un État membre ne doit pas être non marié pour acquérir le statut de regroupant aux fins du regroupement familial avec ses ascendants directs au premier degré. La Cour ne répond pas à la seconde question préjudicielle, se référant à sa réponse à la première question.

B. Éclairage

Cet arrêt constitue la prolongation de la jurisprudence constante de la Cour de justice s’agissant de tenir compte du respect de la vie familiale des réfugiés reconnus et de l’intérêt supérieur de l’enfant (1). Dans l’interprétation qu’elle donne, la Cour veille à la protection de l’enfant mineur réfugié, victime d’un mariage forcé, en attente d’un regroupement familial avec son ascendant (2). Cet arrêt soulève également des questions de droit international privé (3).

1. Prolongation de la jurisprudence favorable à l’intérêt supérieur de l’enfant

Dans l’arrêt commenté, la Cour opte à nouveau résolument pour la protection de l’enfant mineur et fait une interprétation de la directive relative au regroupement familial favorable à la prise en compte de son intérêt supérieur.

La Cour rappelle les enseignements de l’arrêt A et S dans lequel il était question de déterminer quelle date devait être prise en considération pour déterminer le droit au regroupement familial pour un MENA réfugié avec ses ascendants. La Cour décide qu’il faut tenir compte de la date d’introduction de la demande de protection internationale au vu de son effet déclaratif. Même si le MENA devient majeur au cours de la procédure d’asile, le droit au regroupement familial avec ses parents est assuré et par voie de conséquence, l’exonération des conditions matérielles les concernant. Il s’agissait de maintenir les conditions favorables mises en place par la directive (article 10.3), auxquelles devaient pouvoir prétendre les ascendants directs d’un MENA ayant obtenu le statut de réfugié ou de protection subsidiaire[1]. La Cour rappelle de manière constante le considérant 8 de la directive, lequel prévoit des conditions plus favorables pour l’exercice du droit au regroupement familial pour les réfugiés, au vu « des raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d’y mener une vie en famille normale ».

Plusieurs autres arrêts ont confirmé cette jurisprudence favorable lorsqu’il est question de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant mineur (qu’il soit accompagné ou non) et de garantir le droit à l’unité familiale, en particulier lorsque le regroupant est réfugié. Dans cette optique, la jurisprudence a soit considéré que c’est la date d’introduction de la demande d’asile du MENA qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de l’examen du droit au regroupement familial avec ses ascendants, soit que l’âge de l’enfant regroupé soit déterminé lors de l’introduction de la demande de protection internationale du père pour le regroupement familial du réfugié avec ses enfants mineurs, même s’il est devenu majeur avant la reconnaissance du statut du père.

Enfin, la jurisprudence relative à l’application du principe de l’unité familiale procède de l’arrêt de la Cour (grande chambre) du 9 novembre 2021. La Cour juge que le statut le plus favorable pour l’enfant doit être appliqué afin de favoriser l’unité familiale des réfugiés dans le pays d’accueil, étant donné que celle-ci ne peut être réalisée dans le pays d’origine du réfugié[2].

Ces jurisprudences témoignent de l’importance accordée par la Cour au principe de l’unité familiale des réfugiés et de la nécessité de garantir une protection accrue aux réfugiés mineurs, qu’ils soient accompagnés ou non. Elle rappelle également la prise en compte du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en application des articles 7 et 24 de la Charte des droits fondamentaux (B.M.M., § 35 ; E, § 56 ; O e.a., § 69).

2. Protection contre les mariages précoces ou forcés

La question préjudicielle posée donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur la prévention des mariages forcés ou précoces. On entend par mariage précoce tout mariage dans lequel au moins l’un des conjoints est âgé de moins de 18 ans dans les pays où l’âge de la majorité est atteint. Au sens de la Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après, « C.I.D.E. »), un enfant s’entend de « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. Le Comité des droits de l’enfant engage les États parties concernés à relever l’âge de la majorité à 18 ans »[3].

Le mariage forcé est quant à lui défini comme étant l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage[4]. Il s’agit donc de mariages contractés sous la contrainte physique ou morale. La Convention d’Istanbul exige que les États parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage[5].

En l’espèce, la jeune fille a été mariée à l’âge de 15 ans. La Cour souligne que le mariage précoce ajoute potentiellement à la vulnérabilité de la mineure et indique une exposition à une forme grave de violences (§ 45). Elle ne s’étend pas davantage sur cet aspect. Cette brève référence au mariage forcé permet de rappeler que celui-ci est contraire aux droits fondamentaux de l’enfant.

Dans les discussions menées à ce sujet au Parlement belge, les conséquences néfastes de ces mariages sont soulignées[6]. Ces jeunes filles ne se voient pas seulement « privées d’une partie de leur jeunesse, elles se retrouvent également souvent isolées sur le plan social et séparées de leurs familles, de leurs amis et d’autres ressources. Leur niveau d’instruction est considérablement moins élevé que celui des femmes qui ne se marient qu’après l’âge de 18 ans. Qui plus est, une grande partie d’entre elles subissent des pressions pour avoir des relations sexuelles ». Ce document évoque que les guerres, notamment en Syrie, ou les déplacements forcés poussent parfois les mineures vers le mariage. Il s’agit aussi parfois d’un moyen pour les familles de s’alléger d’un fardeau économique ou d’en tirer un profit. Dans toutes ces situations et quelle que soit leur justification, il s’agit d’un phénomène inquiétant, touchant, selon les chiffres d’UNICEF, une fille sur cinq et ayant de graves conséquences sur la santé physique et mentale de l’enfant. Notons que le mariage forcé est considéré comme une forme d’esclavage moderne, au même titre que le travail forcé[7].

Dans le cadre de la prévention de ces mariages précoces ou forcés, la directive a prévu un âge minimal des conjoints. En effet, les États membres peuvent demander que le regroupant et son conjoint aient atteint un âge minimal, qui ne peut être supérieur à 21 ans, avant que le conjoint ne puisse rejoindre le regroupant, ceci afin d’assurer une meilleure intégration et de prévenir les mariages forcés (article 4, § 5).

La Cour s’est prononcée sur la question de la prévention des mariages forcés à une seule reprise, dans l’arrêt Noorzia. La question préjudicielle posée concernait le moment auquel l’âge minimum de 21 ans doit être atteint pour les conjoints dans le cadre d’une demande de regroupement familial : est-ce lors de l’introduction de la demande ou lors de prise de décision ? La Cour relève que l’âge minimum de 21 ans, fixé dans la directive, correspond à l’âge auquel une personne est censée avoir acquis une maturité suffisante non seulement pour se refuser à un mariage imposé mais également pour choisir de s’installer volontairement dans un autre pays avec son conjoint afin d’y mener avec lui une vie familiale et de s’y intégrer. Elle juge que « les conjoints et les partenaires enregistrés doivent déjà avoir atteint l’âge de 21 ans au moment du dépôt de la demande pour pouvoir être considérés comme des membres de la famille éligibles au regroupement » (§ 18). L’âge de 21 ans est donc d’interprétation stricte.

Dans l’arrêt commenté, la Cour trouve certes de l’inspiration dans cet arrêt par rapport au mariage précoce mais elle est saisie d’une question préjudicielle sur l’interprétation d’une autre disposition de la directive. Elle souhaite néanmoins protéger la mineure concernée des conséquences de ce mariage en favorisant la venue de sa mère en Belgique. La question qui se pose toutefois est de savoir si cette dernière était à l’origine du mariage. Le cas échéant, une évaluation minutieuse de l’intérêt de l’enfant devrait être menée par l’O.E., avec éventuellement une audition de l’enfant afin qu’elle puisse donner son avis, conformément à l’article 12 de la C.I.D.E.[8].

3. Le mariage précoce et le droit international privé

L’affaire commentée contient des éléments de droit international privé, en particulier le respect des relations familiales constituées à l’étranger. S’agissant d’un mariage célébré à l’étranger, sa reconnaissance est, en l’absence d’une convention internationale applicable, régie par le droit national. C’est donc le Codip qui règle cette situation. En raison de l’application du principe de l’exception d’ordre public au vu des son jeune âge lors de son mariage, celui-ci, même valablement célébré à l’étranger, n’est pas reconnu en Belgique (articles 21 et 27). Notons toutefois qu’une évaluation in concreto de la violation de l’ordre public doit être menée[9]. L’O.E. pourrait mener des enquêtes à cet égard. Si l’acte de mariage n’est pas reconnu, il ne produit pas d’effets en Belgique, sauf si en appel, le tribunal de la famille estime que la protection du mineur marié de manière précoce est assurée, par exemple parce qu’il existe une vie familiale effective.

À cet égard, l’avocat général s’étonne de l’attitude incohérente de l’O.E. et de l’absence de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. En effet, celui-ci a considéré que ce mariage était sans effet en droit belge (s’agissant du statut personnel de la mineure) mais semble accepter ce mariage lorsqu’il s’agit de rejeter la demande de regroupement familial de ses ascendants directs (s’agissant du refus de séjour). Cette attitude met la personne concernée dans une situation paradoxale. Son mariage ne pourrait produire aucun effet juridique mais augmente sa dépendance à l’égard du conjoint (§ 58 des conclusions).

Une situation similaire s’était présentée devant la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire Z.H. and R.H v. Switzerland. Il s’agissait d’une décision de reprise en vertu du règlement Dublin III contestée par deux époux afghans, dont l’un était mineur d’âge et à qui un tuteur avait été attribué. Les autorités suisses ont considéré que le mariage ne pouvait être reconnu (article 187-1 du Code suisse), en raison de l’absence de preuve y relative et parce qu’il était contraire à l’ordre public suisse, le mariage ayant eu lieu alors que la partenaire avait 14 ans. Leurs demandes d’asile avaient par conséquent été examinées séparément. L’époux avait été renvoyé en Italie sur la base du règlement Dublin alors que la partenaire mineure était restée en Suisse. Ils invoquaient le respect de la vie familiale, au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, afin de ne pas être séparés. La Cour a estimé que l’article 8 ne pouvait être interprété comme imposant à un État partie de reconnaitre un mariage précoce et a rejeté la requête.

Conclusions

La prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant guide la Cour de justice dans une attitude résolument protectrice de l’unité familiale du réfugié reconnu. Elle souligne le besoin de la MENA réfugiée d’être protégée et regroupée avec sa mère en raison de sa triple vulnérabilité : mineure, non accompagnée et « victime » d’un mariage précoce. L’avocat général insiste également sur le considérant 11 de la directive 2003/86 qui recommande que le droit au regroupement familial s’exerce dans le nécessaire respect des valeurs et principes des États membres, qui visent la protection des femmes et des enfants.

L’interprétation téléologique mais aussi littérale de cette directive a permis à la Cour d’arriver rapidement à une conclusion dans cette affaire, alors que la mineure concernée a entretemps développé une vie familiale effective en Belgique, étant elle-même devenue maman d’une petite fille.

C. Pour aller plus loin

Lire l’arrêt :

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Autres :

Pour citer cette note : Chr. Flamand, « Le droit au regroupement familial de MENA, victimes de mariage précoce, avec leurs parents », Cahiers de l’EDEM, janvier 2023.

 

[1] J.-Y. Carlier et L. Leboeuf, « Droit européen des migrations », J.D.E., 2019, p. 126, §§ 36-37.

[3] Les expressions « mariage d’enfant » et « mariage précoce » sont souvent utilisées de manière interchangeable.

[4] L’article 146ter du Code civil stipule qu’« il n’y a pas de mariage non plus lorsque celui-ci est contracté sans le libre consentement des deux époux et que le consentement d’au moins un des époux a été donné sous la violence ou la menace ».

[5] L’article 391sexies du Code pénal stipule que « toute personne qui, par des violences ou des menaces, aura contraint quelqu’un à contracter un mariage sera punie d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de deux cent cinquante euros à cinq mille euros. La tentative est punie d’un emprisonnement de deux mois à trois ans et d’une amende de cent vingt-cinq euros à deux mille cinq cents euros ».

[6] Voy. également le rapport de la Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant le Code de droit international privé en ce qui concerne la reconnaissance des mariages étrangers impliquant des mineurs dans le cadre de la lutte contre les mariages d’enfant, 12 juin 2018, doc. 54-3160/001.

[7] Global estimates on modern slavery, Forced Labour and Forced Marriages, 2021. Selon ce rapport conjoint de l’O.I.M., l’O.I.T. et Walk Free, 50 millions de personnes sont victimes d’esclavage moderne, dont 22 millions sont victimes de mariage forcé.

[8] R.v.V., 2 avril 2020, no 234.797.

Publié le 05 février 2023