La santé en prison : une disjonction symptomatique ?

La santé en prison : une disjonction symptomatique ? - La vision d’acteurs du milieu carcéral en Région bruxelloise

2022 est une année charnière pour le secteur carcéral belge et encore plus pour la Région bruxelloise. En effet, l’année 2022 est tout d’abord marquée par une accélération et une intensification du travail de réflexion quant à la réforme des soins pénitentiaires belges. Aujourd’hui encore, les soins de santé prodigués en prison sont financés par le ministère de la Justice mais un transfert de ces compétences vers le ministère de la Santé Publique est prévu et discuté. Ce transfert constitue une opportunité pour penser la santé en prison dans une démarche de promotion de la santé.

De plus, en Région de Bruxelles-Capitale, l’année 2022 restera indélébile dans l’histoire carcérale de notre pays suite à l’ouverture de la prison de Haren, destinée à accueillir les personnes détenues au sein des prisons de Forest, Berkendael et Saint-Gilles. La prison de Haren, aussi appelée, village pénitentiaire, devient alors la plus grande prison de Belgique. L’ouverture de ce nouvel établissement représente une opportunité pour repenser la santé globale et la promotion de la santé en détention.

Au travers d’une recherche exploratoire (financée par la CoCof pour une durée d’un an), démarrée en amont de ces changements, le RESO tente de répondre à la question suivante : "Quelle place est donnée à la santé dans les pratiques professionnelles en prison ?".

Pour y répondre, nous investiguons, d'une part, la manière dont la santé des personnes détenues est envisagée au sein des prisons et d'autre part, nous décrivons les pratiques de collaboration interprofessionnelle en santé.

Aller à la rencontre des acteurs œuvrant au sein du milieu carcéral

Pour répondre à ces questions et objectifs, nous sommes allés à la rencontre d’une multitude d’acteurs au contact du milieu carcéral et représentant une diversité de profils : avocat·e·s, infirmier·ère·s, médecins, psychologues, assistant·e·s sociaux, travailleur·euse·s dans des services externes de réinsertion et de promotion de la santé, professeur·e·s de yoga, conseiller·ère·s moral (aumônier·ère·s), directeur·rice·s de prison, visiteur ou visiteuse de prison, coordinateur·rice de services externes, kinésithérapeutes, etc).

Lors de ces entretiens, nous avons questionné ces acteurs sur leur vision de la santé et la manière dont la prison répond à cette vision ; le sens qu’ils donnent à l’incarcération ; le rôle de la prison par rapport à la société ; la manière dont ils perçoivent leur propre rôle par rapport à la santé ; les collaborations entre acteurs intra- et inter-systèmes au sein de la prison.

Ces constats ont été mis en perspective au regard de l’imminent transfert des personnes détenues à Bruxelles dans la nouvelle prison de Haren ainsi qu’au vu de la réforme des soins pénitentiaires.

Création d’un espace interprofessionnel pour problématiser et développer des perspectives stratégiques

A l’issue de la phase d'analyse des entretiens réalisés (avril 2023), le RESO a organisé une matinée d’échanges entre professionnel·les du secteur carcéral pour aborder la collaboration interprofessionnelle en santé en prison.

Cette matinée s’est scindée en 2 parties dont la première a pris la forme de présentation théoriques et pratiques dont voici ci-dessous les vidéos de ces interventions :

« Quelle place est donnée à la santé dans les pratiques professionnelles en prison ? – Résultats de recherche » – Rachelle Rousseaux (chercheuse RESO-UCLouvain) 

« Expériences de collaboration interprofessionnelle en milieu carcéral – Retours d’expérience du terrain »  – Vinciane Saliez (directrice asbl I.Care)

« Faire santé en milieu carcéral, des pratiques sous contrainte : le soin au cœur d’enjeux relationnels – Résultats de recherche »  –  Delphine Pouppez (doctorante FNRS en anthropologie UCLouvain)

La deuxième partie de la matinée fut consacrée aux échanges entre les participant·es. Des tables rondes ont été organisées permettant d’aborder 3 questions différentes ayant émergé de la recherche :

• Question 1 : « Dans la littérature scientifique internationale, il est de plus en plus reconnu que les prisons ont le potentiel de participer au processus de capacitation (empowerment) des individus qui y vivent. A ce titre, les valeurs fondamentales de la promotion de la santé sont d’un réel support pour les établissements pénitentiaires. Selon vous, par quoi passe prioritairement une telle transformation ? »

• Question 2 : « On observe parfois une tension entre la collaboration interprofessionnelle et le secret professionnel. Sur base de vos propres expériences, à quels leviers pouvez-vous penser pour lever cette tension ? »

• Question 3 : « Pensez à une situation lors de laquelle vous avez dû faire appel à la collaboration interprofessionnelle interservices dans votre travail quotidien en relation avec les personnes détenues. Qu’est-ce qui a fait que vous avez pu collaborer ? »

>> Le compte-rendu de ces échanges est à découvrir ici !

>> Le rapport de recherche est à découvrir ici